En coulisse, les acteurs de l’industrie savent pourquoi les jeux vidéo sont si chers

Pourquoi vos jeux sont-ils si dispendieux? Et pourquoi les éditeurs multiplient-ils les DLC? Parlons un peu de l’envers du joyeux monde des jeux vidéo…

Il y a 3 ans, lors d’une discussion avec le directeur d’un studio reconnu appartenant à un gros joueur de l’industrie, nous avons abordé la question du prix des jeux sur Xbox Live et PSN. Et là, les bras m’en sont tombés; si les prix sont aussi dispendieux, ce serait en raison de menaces des magasins.

«Si on passe les jeux dématérialisés moins chers en ligne qu’en magasin, on s’est clairement fait dire […] que nos consoles et jeux ne seraient plus en magasin», a déclaré une personne de l’industrie.

J’ai évidemment demandé :

– Comment ça, à cause de menaces?

– Si on vend un de nos jeux sur console moins cher en dématérialisé qu’en copie physique, les magasins nous ont menacés de ne plus vendre nos jeux en rayons, ainsi que les consoles des fabricants.

À demi étonné, j’ai commencé depuis un moment à parler de ce sujet à la plupart des personnes de l’industrie que je rencontre, y compris aux fabricants de consoles, dont deux m’ont confirmé off the record cette pratique.

Laissez-moi vous retranscrire mot pour mot la plus récente réponse que j’ai obtenue à propos des détaillants :

– Déjà qu’ils ne font pas tant que ça d’argent sur nos consoles, alors ils se rattrapent sur les jeux. Mais si on passe les jeux dématérialisés moins chers en ligne qu’en magasin, on s’est clairement fait dire, et ça concerne tous les pays où nous sommes présents, que nos consoles et jeux ne seraient plus en magasin.

Une différence de prix significative

Il faut dire que la différence de prix pourrait être énorme entre un jeu dématérialisé et la version en boîte. Un fabricant nous a même avancé un prix qui pourrait baisser de 40 à 45$ pour un jeu neuf en version téléchargeable. Il faut dire que lorsqu’un jeu sort d’un studio comme Ubisoft, EA ou Bethesda (on va rester du côté développeur/éditeur pour ne pas compliquer les choses), ceux-ci ne touchent que 25$.

Les fabricants de consoles dépensent d’abord de l’argent pour les phases de validation souvent gratuites, sauf lorsque le jeu ne passe pas ces phases et revient plusieurs fois. En dehors de ces phases donc, les fabricants gagnent de l’argent en facturant à un éditeur comme Ubisoft la fabrication des disques et de la pochette de jeu.

Si les jeux passe au dématérialisé lors de la prochaine génération, les fabricants n’auront d’autre choix que de réduire leurs prix, ou de calquer leur modèle d’affaires sur Steam. Il est clair que s’ils décident de tout laisser à 70$, le jeu vidéo traversera une crise.

En moyenne, le tout revient à environ 10 à 12$ selon le jeu, et le tarif peut être amené à baisser en cas de ventes de plusieurs millions d’exemplaires.

À noter qu’un deuxième disque augmente de 4$ le coût moyen de la fabrication selon nos sources.

S’il n’y avait pas le transport, le grossiste et la marge confortable d’un gros distributeur, vous paieriez vos jeux entre 37 et 41$. Toutefois, le monopole instauré par cette pratique fait que, finalement, il n’y a plus de concurrence dans ce secteur. Que vous achetiez chez Amazon, Best Buy, EB Games, Future Shop, Gamestop ou Walmart, votre jeu sera à 70$ sans les taxes à un ou deux dollars près. Une fois le jeu acheté, il faudra encore une fois passer à la caisse avec les DLC.

Là, je parle du meilleur des mondes avec des dirigeants qui ont compris la chose. Si la totalité des jeux passe au dématérialisé lors de la prochaine génération de consoles, les fabricants n’auront d’autre choix que d’appliquer cette politique, ou de calquer leur modèle d’affaires sur Steam qui n’en finit pas de récolter des bénéfices. Il est clair que s’ils décident de se gaver et de tout laisser à 70$ sans possibilité de revente sur le marché des jeux d’occasion, le jeu vidéo traversera une crise, le portefeuille n’étant pas extensible.

Les DLC pour compenser la vente de jeux d’occasion

Selon les acteurs de l’industrie du jeu vidéo – et ils sont unanimes, que ce soit les développeurs ou les fabricants de consoles – les DLC sont là pour compenser les pertes causées par la vente de jeux d’occasion.

Personnellement, je crois que ces entreprises ont les yeux plus gros que le ventre sur ce coup, et surestiment les pertes en ne prenant pas assez en compte le comportement et le portefeuille des joueurs. Un peu comme lorsque Microsoft les a écoutés aveuglément pour la Xbox One l’an dernier, en annonçant une console avec une connexion permanente et en supprimant du même coup le marché des jeux d’occasion.

Demandez à un major comme Warner ou Universal de décrire ce que devrait être Internet (ou discutez avec des décideurs à l’interne de ce genre d’entreprise). Ce serait de l’intrusion et la surveillance permanente de vos communications afin de vérifier si vous ne téléchargez pas illégalement, le Net serait filtré par DPI, et il suffirait qu’une société privée relève votre adresse IP pour être automatiquement condamné sans passer par le tribunal. J’exagère à peine.

Bref, les éditeurs ne connaissent pas toujours leur public et leurs habitudes sociales, et ne prennent pas assez en compte que les plus gros joueurs ont moins de 30 ans. Car, malgré les études et la job alimentaire, ils ont plus de temps libres (et surtout l’absence d’une famille à charge) qui leur permettent de pouvoir s’investir davantage dans cette passion. Par contre, cette tranche d’âge possède un pouvoir d’achat inférieur à celui d’une personne de plus de 30 ans bien installée, mais dont les obligations ne lui permettent pas d’accorder autant de temps au jeu vidéo.

Pouvoir revendre son jeu est donc l’assurance de pouvoir risquer un achat, et permet surtout d’écouler à rabais des jeux qui ne sont pas forcément les AAA demandés par le grand public – qui préfère en majorité payer le plein prix pour des jeux à valeurs sûres.

Microsoft a rechangé

Enfin, je termine ce petit tour de l’envers du décor avec une note d’espoir pour les propriétaires de Xbox One : Microsoft est de retour!

Enfin, plutôt le Microsoft humble, qui sait communiquer, qui observe et comprend avant de proposer un produit, et qui ne va pas vous dire en vous présentant une interface bancale qu’elle est géniale (Windows 8 en tête). Ils savent que la Xbox One a un défaut d’image, ils en sont même conscients à 500%, mais ils connaissent également ses forces, et ils s’activent à fond en coulisse pour changer la donne. Il va de soi, et on l’a déjà vu avec les exclusivités, qu’une partie de ce changement va se faire à coup de millions de dollars qui y seront injectés.

Satya Nadella, lors d'un rassemblement avec ses employés
Satya Nadella, lors d’un rassemblement avec ses employés

La mentalité est également en train de changer avec les développeurs et les projets indépendants, même s’il reste encore du travail à faire de ce côté-là. En tout cas, les bêta testeurs des interfaces de la Xbox One viennent de voir apparaître une nouvelle section qui leur permet également de faire leurs demandes d’ajout de fonctionnalités et de faire remonter leurs critiques.

À l’interne, l’arrivée de Satya Nadella est en train de bouleverser l’organisation de l’entreprise dans le bon sens. Alors que Steve Balmer réagissait trop tard et cloisonnait ses équipes, on assiste maintenant à une bien meilleure communication entre les différentes branches de l’entreprise, et surtout, à une gestion bien plus pragmatique.

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