Nintendo et DeNA : Se diversifier pour survivre

En rétrospective, les propos tenus par le directeur de Bandai Namco Vancouver à l’occasion de la conférence East Meets West aident à mieux comprendre les enjeux économiques ayant guidé le partenariat entre Nintendo et DeNA pour créer du contenu pour appareils mobiles.

Le 11 mars 2015, l’université Concordia recevait Atsuo Nakayama, vice-président directeur du studio de Bandai Namco établi à Vancouver, dans le cadre de la conférence East Meets West : Video Game Development in Canada and Japan. Les observations de Nakayama sur l’industrie du jeu vidéo permettent de mieux comprendre pourquoi Nintendo a choisi d’investir dans les plateformes mobiles à partir de maintenant.

Pourquoi maintenant?

Les ventes de jeux vidéo à l’échelle mondiale devraient croître jusqu’à 160 milliards d’ici cinq ans.

En premier lieu, les appareils mobiles représentent une portion grandissante du marché. Selon les analyses présentées par Nakayama, les ventes de jeux vidéo à l’échelle mondiale devraient atteindre 80 milliards en 2016, pour croître jusqu’à 160 milliards d’ici cinq ans. Au terme de cette poussée de croissance, le directeur du studio de Bandai Namco Vancouver s’attend à ce que le volet mobile représente au moins 50% de l’industrie du jeu vidéo.

Comme l’a affirmé le PDG de Nintendo Satoru Iwata durant le point de presse du 17 mars 2015, «maintenant que les appareils intelligents sont devenus la fenêtre par laquelle de nombreuses personnes se connectent à la société, ne pas prendre avantage de ces appareils serait du gaspillage».

Les belles années des jeux vidéo japonais : les rayons du magasin Super Potato, situé dans le quartier d'Akihabara à Tokyo (Image : Digging in the Carts).
Les belles années des jeux vidéo au Japon? Les rayons du magasin Super Potato, situé dans le quartier d'Akihabara à Tokyo
(Image : Digging in the Carts).

De plus, cette augmentation d’utilisateurs pourrait se traduire par une augmentation des profits. Durant la conférence, Nakayama justifiait le virage au mobile en référant à la dépense moyenne du consommateur : tandis que sur les consoles le montant s’élève à 72¢ / heure, la formule des achats intégrés permet aux jeux mobiles d’atteindre une moyenne de 2$ / heure. Dans la mesure où la production de jeux vidéo devient de plus en plus couteuse, plusieurs géants de l’industrie se tournent vers le mobile pour garnir leurs coffres, afin de soutenir les superproductions réalisées pour les consoles et l’ordinateur.

Néanmoins, malgré l’importance grandissante des applications ludiques visant les navigateurs et les appareils intelligents, ce volet du marché demeure très volatile. À l’échelle mondiale, on peut songer à Zynga, qui a fait la pluie et le beau temps sur Facebook pendant quelques années avant de disparaître dans l’ombre de King, dont le jeu Candy Crush Saga semble omniprésent sur les appareils intelligents. Au Japon, Gree et DeNA se sont taillé une place de choix entre 2009 et 2011 en se concentrant sur les jeux pour feature phone, l’ancêtre du téléphone intelligent. Depuis, ils se sont fait détrôner par GungHo, dont le jeu Puzzle & Dragons (disponible sur iPhone, Android et Kindle Fire) a récolté 2 milliards en 18 mois.

Le fait d’entrer tardivement dans l’industrie mobile n’est pas nécessairement un désavantage.

Ainsi, selon Atsuo Nakayama de Bandai Namco, le fait d’entrer tardivement dans l’industrie mobile n’est pas nécessairement un désavantage. En fait, la réduction des effectifs dans des entreprises comme Gree et DeNA permettrait à Bandai Namco et à Nintendo d’engager des spécialistes du mobile pour accélérer le coup d’envoi de leurs projets, tout en tirant profit de propriétés intellectuelles déjà populaires sur consoles.

Étant donné que DeNA commence à peine le développement d’applications natives pour Android et iOS, le moment semble propice pour un partenariat avec Nintendo, sans représenter pour ce dernier un investissement aussi faramineux que si le partenariat avait débuté quelques années plus tôt.

Pourquoi le partenariat?

Si Nintendo s’est engagé à ne pas simplement publier des copies conformes de ses jeux sur mobile, il n’y a aucun doute que la compagnie prépare le terrain depuis quelques années déjà pour s’adapter au virage mobile.

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À cet effet, Nintendo a développé au fil des dernières années une expertise de production collaborative pour développer ses propriétés intellectuelles les plus connues. Bon nombre de ses jeux récents ont été réalisés avec des sous-traitants, comme Hyrule Warriors (Tecmo Koei), Majora’s Mask 3D (Grezzo) et Super Smash Bros. (Bandai Namco) au Japon. Toutefois, le géant nippon œuvre aussi avec des studios nord-américains comme Retro (Donkey Kong Country) et Next Level Games (Punch-Out!! et Luigi’s Mansion : Dark Moon). Forte de ces expériences, Nintendo est ainsi mieux équipée pour gérer son partenariat avec DeNA sans compromettre la qualité de ses productions ou mettre en péril la popularité de ses propriétés intellectuelles.

En parallèle, exemptés de la production de certaines franchises «classiques», plusieurs studios internes de Nintendo ont commencé à expérimenter avec des approches qu’on retrouve habituellement dans des jeux sur mobile. Au cours de cette génération de consoles, Nintendo a offert du contenu téléchargeable à prix modique (Fire Emblem : Awakening, New Super Luigi U, Mario Kart 8, Hyrule Warriors), des expériences de courte durée (Captain Toad : Treasure Tracker, NES Remix, Tomodachi Life, Dillon’s Rolling Western, Pushmo/Crashmo), et même un jeu gratuit (Rusty’s Real Deal Baseball), dans lequel le joueur pouvait négocier avec un personnage afin de faire baisser le prix du contenu téléchargeable!

L’avantage de Nintendo, en comparaison avec certaines compagnies qui dominent l’espace mobile, réside peut-être dans sa capacité à adapter son contenu aux différents marchés internationaux. En jetant un bref coup d’œil aux états financiers de Nintendo, on remarque en effet que plus de la moitié de ses revenus proviennent de l’extérieur du Japon.

En comparaison, Atsuo Nakayama rappelait durant la conférence East Meets West que 85% des revenus de Bandai Namco provenaient du Japon. Dans un même ordre d’idées, même si 50% des entreprises qui ont eu le plus de succès sur les appareils intelligents en 2014 proviennent du Japon, la plupart n’arrivent pas à percer outre-mer. Pour DeNA, le partenariat avec Nintendo s’inscrit dans la même lignée que ses ententes précédemment conclues avec Disney, Marvel et Square Enix : elle permet à DeNA de travailler avec des marques qui sont tout aussi populaires au Japon qu’à l’extérieur, afin de finalement percer internationalement.

Reprendre du poil de la bête

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En ce moment, la situation s’avère plus ou moins encourageante pour Nintendo. Loin derrière ses concurrentes, la Wii U n’avait pas encore dépassé le cap des 10 millions d’exemplaires vendus à la fin de l’année dernière, ce qui la place au dernier rang de l’ensemble des consoles de salon commercialisées par Nintendo, derrière la GameCube. Par ailleurs, malgré une remontée spectaculaire grâce à un excellent catalogue de jeux, la Nintendo 3DS demeure loin derrière la Nintendo DS avec le tiers des ventes.

Or, son histoire démontre que c’est justement lorsqu’elle se retrouve en situation de précarité que Nintendo semble le mieux tirer son épingle du jeu : après tout, la Wii et la Nintendo DS ont vu le jour après les ventes décevantes de la GameCube et l’arrivée de Sony sur le marché des consoles portables avec la PSP.

En cette période difficile, Nintendo semble donc expérimenter sur plusieurs fronts, notamment en multipliant les produits dérivés – les plus récents étant les Amiibo, des figurines de ses personnages avec données intégrées et communication RFID, ainsi que des courts métrages d’animation inspirés par l’univers de Pikmin. Outre ses partenariats dans le monde du mobile (non seulement DeNA, mais aussi GungHo, avec laquelle elle réalise des versions 3DS du grand succès Puzzle & Dragons), Nintendo a déjà annoncé qu’elle travaillait sur un projet «d’amélioration de la qualité de vie», et des rumeurs suggèrent qu’elle s’intéresserait aux écrans de forme non orthodoxe qui sont en développement chez Sharp, son partenaire de longue date pour ses consoles portables.

Avec l’annonce du partenariat entre Nintendo et DeNA, nous savons qu’un système d’identifiant unique permettra éventuellement de lier tous les éléments de l’écosystème Nintendo – la Wii U, la Nintendo 3DS, divers appareils mobiles, mais également une mystérieuse nouvelle «plateforme» connu sous le nom de code NX.

Aurons-nous droit à une console de salon, à une console portable, ou à un hybride? Il est encore trop tôt pour se prononcer à ce sujet, mais à la lumière des derniers projets de Nintendo, on pourrait certainement s’attendre à ce que la Nintendo NX soit très différente des produits offerts par ses concurrents!

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