Le dessin industriel de l’iPhone invalidé par le USPTO

Vous avez probablement déjà entendu parler de la guerre des brevets. Une traduction un peu erronée de l’expression patent war qui désigne les conflits judiciaires opposant plusieurs fabricants d’appareils mobiles relativement à la contrefaçon de brevets (utililty patents) et de dessins industriels (design patents). 

Parmi les protagonistes de cette guerre des brevets, ce sont certainement Apple et Samsung qui ont fait l’objet du plus d’attention médiatique. Il faut dire qu’entre 2010 et 2012, les deux entreprises se sont affrontées dans plus de 50 poursuites à travers le monde

Le nerf de la guerre? Des éléments tels qu’une forme rectangulaire, des coins arrondis, la forme des icônes et des fonctions de déverrouillage et de zoom.

Le nerf de la guerre? Des éléments en apparence anodins tels qu’une forme rectangulaire, des coins arrondis, la forme des icônes et des fonctions de déverrouillage et de zoom. 

C’est d’ailleurs sur de tels éléments que portait le mégaprocès intenté par Apple en juillet 2012, au terme duquel Samsung fût condamnée à payer plus d’un milliard de dollars. Si cette somme fût par la suite réduite à quelques reprises, il n’en demeure pas moins que dans l’imaginaire collectif, Apple venait alors de donner le coup de grâce à l’un de ses plus importants concurrents. 

Or, voilà que le United States Patent and Trademark Office (USPTO) a récemment invalidé l’un des dessins industriels sur lequel était fondé le verdict de culpabilité ayant mené à la condamnation historique de Samsung. Le dessin no D 618,667, que nous appellerons affectueusement : D667. 

Dessin industriel 101

Avant d’aller plus loin, il convient d’expliquer rapidement la distinction entre un dessin industriel et un brevet. 

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La différence fondamentale entre les deux concepts est que les brevets portent sur des inventions (produits, compositions, appareils, procédés) alors que les dessins industriels portent plutôt sur les caractéristiques physiques d’un produit. 

Dans les deux cas, il s’agit d’enregistrer une innovation afin bénéficier d’un monopole d’exploitation (20 ans pour les brevets et 10 ans pour les dessins industriels). Après cette période, le brevet ou le dessin industriel sera expiré et l’ensemble de la communauté pourra s’en servir sans contraintes. L’objectif du système est donc d’inciter les inventeurs à partager leurs découvertes (en leur donnant un avantage concurrentiel) afin de favoriser les innovations pour  l’avenir.

Pour qu’un dessin industriel soit enregistrable, il faudra que la caractéristique physique décrite par le dessin soit originale. Le dessin ne doit donc pas ressembler à un dessin existant. Lorsqu’un dessin remplit cette condition, il faut faire une demande d’enregistrement dans l’année qui suit sa publication. Sinon, il sera considéré comme de «l’art antérieur», une expression qui fait référence aux éléments, qui sont connus du public et qui peuvent affecter la brevetabilité d’une invention ou l’enregistrabilité d’un dessin industriel. Bref, un dessin ne peut être enregistrable s’il existe de l’art antérieur similaire.

Le fameux dessin D667

Le dessin D667 décrit notamment la forme rectangulaire aux coins arrondis de l’iPhone, ainsi que la forme et la position du bouton «Home». Il décrit également la forme et l’emplacement de la prise d’écouteur située sur le côté du dessous de l’appareil. Tel que mentionné précédemment, ce dessin était au cœur de la réclamation d’Apple dans le procès d’un milliard de dollars. 

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De nos jours, le design de l’iPhone peut sembler plutôt conventionnel. Lorsqu’on pense à un téléphone intelligent, la première idée qui nous vient en tête est un grand pavé tactile uniforme avec peu (ou pas) de boutons physiques. Il faut toutefois se souvenir qu’à l’époque où cet appareil a été commercialisé, les cellulaires de Samsung étaient loin d’être aussi épurés. En 2007, il s’agissait donc d’un design plutôt révolutionnaire, qui méritait de bénéficier d’une protection. Du moins, c’est ce qu’on croyait.

Est-ce une erreur de Samsung de ne pas avoir pensé à évoquer l’antériorité du LG Chocolate afin de faire invalider D667? En fait, il s’agirait plutôt d’une erreur d’Apple!

Il y a quelques jours, la division de réexamen du USPTO en a décidé autrement en déclarant que D667 n’était pas original et qu’il s’inspirait manifestement de l’art antérieur; en particulier du design du LG Chocolate qui avait lui aussi une forme rectangulaire aux coins arrondis et dont le bouton d’accueil ressemblait beaucoup à celui de l’iPhone. Il s’agissait d’un revirement de situation totalement imprévu qui pourrait bien avoir de lourdes conséquences pour Apple.

Est-ce une erreur de Samsung de ne pas avoir pensé à évoquer l’antériorité du LG Chocolate afin de faire invalider D667? Pas vraiment. En fait, il s’agirait plutôt d’une erreur d’Apple! 

En effet, en déposant D667, Apple se fondait sur ses propres demandes précédentes, en affirmant que D667 devait bénéficier des dates de priorités des dessins qu’elle avait déjà enregistrées auparavant (les dessins nos D581,922 et D558,758). Ainsi, même si D667 avait été déposé en 2008, il pouvait échapper à l’art antérieur existant depuis les dates de dépôt de ces deux dessins en 2007.

Malheureusement pour Apple, le USPTO a finalement conclu que ces dessins ne couvraient pas la totalité des éléments de D667. En effet, ils prévoyaient que la zone autour du bouton «Home» contrastait avec le reste de la surface, contrairement à D667 qui prévoit plutôt que la surface est uniformément couverte d’un noir translucide. D667 prévoit également une ouverture en forme de capsule pour les écouteurs, ce qui n’était pas prévu par les dessins précédents. 

En somme, D667 ne pouvait bénéficier des dates de priorité des dessins précédemment enregistrés par Apple pour se soustraire à l’art antérieur.

Tourner le couteau dans la plaie

Ironiquement, la décision du USPTO ne se fonde pas uniquement sur l’art antérieur des concurrents d’Apple pour affirmer que le design de l’iPhone n’est pas original. En effet, la décision cite également un autre dessin industriel bien connu : celui de l’iPod Touch! 

Une telle opposition est toutefois facilement surmontable : suffit de joindre les dessins et de mentionner qu’ils seront détenus par la même entreprise pendant toute leur durée de vie.

Sans surprise, le dessin industriel enregistré pour l’iPod Touch comporte pratiquement les mêmes caractéristiques que D667. Or, les inventeurs inscrits pour ce dessin ne sont pas les mêmes que ceux inscrits pour D667 (sauf Steve Jobs et quelques autres). Par conséquent, Apple se voit opposer son propre dessin! 

Mentionnons toutefois qu’une telle opposition est facilement surmontable. Il suffit de joindre les deux dessins et de mentionner qu’ils seront détenus par la même entreprise pendant toute leur durée de vie. Il s’agit néanmoins d’une belle ironie qui ne fait que tourner le couteau dans la plaie! 

Impact de la décision

Évidemment, si cette décision n’est pas infirmée en appel, cela pourrait signifier que Samsung aurait été condamnée injustement de contrefaçon en 2012. 

D’ailleurs, Samsung vient tout juste de demander à la Cour suprême de réviser le jugement de 2012. L’entreprise souhaite ainsi contester le montant des dommages accordés à Apple.

Suite à la décision surprise du USPTO, parions qu’on est loin d’un cessez-le-feu… 

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