Star Fox Zero, Dark Souls III et la tentation du mode «facile»

L'annonce d'un mode «ultra facile» dans le prochain Star Fox Zero, qui doit sortir fin avril sur la Wii U, a sans surprise déclenché l'ire d'une partie de la communauté des joueurs. 

Tandis qu’approche la sortie de Dark Souls III, d’une série de jeux réputés excessivement difficiles, cette énième pseudo-controverse donne l’occasion de se pencher sur la question du niveau de difficulté. En offrant au joueur la possibilité de carrément éviter de mourir, Nintendo prend à contre-pied la tendance voulant que seuls les joueurs terminant un jeu au niveau de difficulté le plus élevé soient suffisamment dignes pour annoncer avoir «vaincu» le titre en question. 

Les développeurs le savent très bien, et cette difficulté extrême est la principale marque de commerce du studio. Conséquemment, les photos de manettes brisées par des joueurs frustrés pullulent sur le Web.

Dark Souls III, tout comme Bloodborne, tous deux développés par From Software, s’inscrivent dans cette mouvance. Les ennemis sont des durs à cuire, les monstres de fin de niveau nécessiteront souvent plusieurs essais, et le joueur doit s’attendre à souffrir longtemps avant de triompher. Bref, préparez-vous à mourir.

La version PC de Dark Souls III se décline d’ailleurs sous la forme d’une édition «Prepare to Die». Les développeurs le savent très bien, et cette difficulté extrême est la principale marque de commerce du studio. Conséquemment, les photos de manettes brisées par des joueurs frustrés pullulent sur le Web.

Balade agréable

En entrevue avec le magazine Time, le designer de Nintendo Shigeru Miyamoto expliquait pourquoi le prochain Star Fox comprendrait un mode aux antipodes de la difficulté de Dark Souls et compagnie. «Nous offrons un niveau de difficulté pour les gens qui trouvent simplement trop dur de franchir certains niveaux. Ils pourront entre autres obtenir un vaisseau invincible, histoire de pouvoir continuer à progresser et voir les niveaux», a-t-il déclaré.

miyamoto

L’opposé sera aussi vrai, et Star Fox Zero disposera de niveaux de difficulté plus élevés pour les joueurs à la recherche d’un défi supplémentaire. Pas question de rendre le jeu plus simple dans son ensemble. «Je ne suis pas vraiment en faveur de rendre un jeu tout simplement facile pour que les gens qui ne sont pas des joueurs chevronnés puissent jouer. Il ne fait aucun doute qu’une partie du plaisir de s’attaquer à un défi est que ce défi soit un obstacle à surmonter. Niveler par le bas ne veut pas dire que ce défi sera plaisant. Ce qui est agréable consiste plutôt à maîtriser les fonctionnalités et à développer ce sentiment du travail accompli – d’avoir surmonté des obstacles difficiles», ajoute M. Miyamoto.

Suite au déversement de fiel des internautes, plusieurs YouTubeurs et chroniqueurs spécialisés en jeux vidéo ont souligné l’évidence : personne ne force qui que ce soit à emprunter ce mode de jeu facile – et Nintendo insiste certainement sur le fait qu’il s’agit d’un choix offert, rien de plus. Qu’à cela ne tienne, les vrais joueurs (ou les vraies joueuses, peu importe) sont ceux (ou celles) qui terminent un jeu au niveau de difficulté le plus élevé, une main dans le dos, les yeux fermés, ou encore ceux qui jouent à Dark Souls en utilisant des commandes vocales

Les dés sont pipés

Que des gens aiment recommencer plusieurs fois le même niveau ou chronométrer leurs mouvements à la milliseconde près est fort bien en soi, mais il convient de rappeler que trop souvent, cette impression de difficulté est due à des manipulations rapides et faciles de la part des développeurs. On augmente les points de vie des ennemis, on réduit leur temps de réaction, ou on renforce les dégâts provoqués par leurs armes tout en diminuant la puissance du joueur… Quand il ne s’agit pas de permettre à l’ordinateur de tricher dans des jeux de stratégie. La pratique ne date d’ailleurs pas d’hier. À l’époque de la première Nintendo, les développeurs relevaient artificiellement le niveau de difficulté pour allonger la durée des titres. L’exemple de Contra vient en tête, mais surtout celui de Ninja Gaiden, synonyme de difficulté frustrante et de réflexes exigeant une précision millimétrique.

Cette méthode fonctionne dans des jeux d’action ou dans les jeux de tir à la première personne, où le joueur dispose normalement de la possibilité de choisir son niveau de difficulté en début de partie – quitte à recommencer s’il passe son temps à mourir. Certains jeux de tir, tel Call of Duty, n’hésitaient pas non plus à tourner le couteau dans la plaie en indiquant, après une mort violente, qu’il était toujours possible de réduire la difficulté en allant jouer dans les options. Et qui ne se souvient pas des quatre niveaux de complexité dans Wolfenstein 3D? De «Can I play, Daddy?» (Est-ce que je peux jouer, papa?) à «I am Death incarnate» (Je suis l’incarnation de la Mort), en passant par «Don’t hurt me» (Ne me faites pas mal) et «Bring ’em on» (Emmenez-en, des ennemis) – le niveau de difficulté par défaut –, le choix est clair. Ou le joueur en est un vrai, ou il est une mauviette.

Casse-tête open world

Dans des jeux de rôle en monde ouvert, cependant, la question se complexifie grandement. Comment peut-on ajuster la force des ennemis au fur et à mesure que le joueur progresse en accumulant des points d’expérience et en gagnant en puissance? Il y a (déjà) 10 ans, Oblivion utilisait maladroitement un système où les ennemis devenaient plus dangereux à la même vitesse où le joueur prenait du muscle et récupérait des armes plus puissantes. L’un des nombreux symptômes du quasi-échec de ce quatrième volet de la série Elder Scrolls, Oblivion poussait ainsi le héros à affronter des trolls aussi menaçants pour sa survie après cinq heures de jeu qu’après 40. Sur le fond, l’idée avait du bon, mais après avoir complété la quête principale, il était absurde de frôler la mort en explorant une grotte au hasard.

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Le prédécesseur d’Oblivion, Morrowind, avait adopté l’approche opposée : au début du jeu, le héros est un être excessivement faible, et le simple fait d’entrer au mauvais endroit peut signifier la fin de l’aventure. Oui, le jeu aurait pu se passer du modèle de probabilités menant le joueur débutant à passer son temps à taper dans le vide en tentant d’atteindre un ennemi, mais le concept selon lequel il est nécessaire de prendre son temps pour véritablement gagner en puissance et explorer des recoins plus poussés de la carte gagnerait à se répandre. Le studio responsable de la série, Bethesda, est aussi connu pour les monstres appelés DeathClaw; présentes dans les jeux Fallout, ces créatures font exactement ce que leur nom indique. 

Non, il ne faut pas programmer parfaitement le niveau de difficulté des jeux en les adaptant constamment aux stratégies des joueurs. Mais il ne faut pas non plus que les développeurs soient paresseux et se contentent de jouer avec des valeurs numériques pour rendre leurs titres plus complexes. Un jeu difficile est une bonne chose, mais tant mieux si des joueurs moins chevronnés ont également la possibilité d’apprécier un titre sans être bloqués au tutoriel. Et tant mieux, aussi, s’il est encore possible de sentir son coeur arrêter de battre pendant quelques instants avant de prendre ses jambes à son cou en tombant vis-à-vis un DeathClaw. Un jeu conçu de façon intelligente sera toujours un bon jeu, peu importe son niveau de difficulté.

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