Réalité augmentée = Réalité reniée?

Les progrès de la réalité augmentée et de l'informatique vestimentaire nous mèneront-ils à une surexposition de stimulus de toutes sortes? À la fois intéressant et inquiétant, le court-métrage Hyper-Reality laisse entrevoir un avenir peu reluisant…

J’ai toujours trouvé qu’il y avait dans le concept et l’appellation de réalité augmentée une forme de condescendance envers la réalité normale qui, tout d’un coup, ne serait plus à la hauteur.

Le cinéaste et designer Keiichi Matsuda vient de publier un court-métrage intitulé Hyper-Reality qui soulève de nombreuses questions, sur un futur proche que l’on préférerait être cantonné au stade de dystopie. Voici mon interprétation sommaire de cette vision bigarrée, mais franchement effrayante.

Surexposition et overdose de stimulus

Ce court métrage outrageusement coloré est une projection plutôt inquiétante si l’on considère déjà la dépendance de certains, envers leur moi électronique. J’ai nommé : leur téléphone cellulaire. Imposant constamment d’être en mode multitâches (je ne vous listerai pas les actions que peuvent réaliser certains humains en utilisant leur «e-moi»), l’ère du cellulaire a imposé, plus rapidement que n’importe quelle autre technologie, une nouvelle façon de consommer des services et des biens. 

La pub, qui reste malheureusement la clé de voûte du système, se fait de plus en plus insidieuse et envahissante, traquant et cookisant en rafale afin d’offrir les annonces qui ont le plus de chances de séduire. Même si pour l’instant personne ne s’est déjà fait implanter un téléphone, la symbiose de l’humain connecté avec son appareil est déjà bel et bien amorcée.

Réalités virtuelle, augmentée ou tablette?

La puissance des appareils mobiles augmentant considérablement, il est devenu quasiment inconcevable d’oser vivre sans être relié au collectif.

L’homme est particulièrement doué lorsqu’il s’agit de dénaturer son environnement dans le but de le modifier, pour répondre à ses besoins et de plus en plus souvent à ses désirs, même les plus insignifiants.

Heureusement ou pas, au 21e siècle, il ne reste plus grand-chose sur Terre que l’homme n’ait mise à sa botte. Alors, en quête incessante de nouvelles choses à maîtriser, les réalités virtuelle et augmentée offrent finalement des terrains de jeux aussi infinis que peuvent l’être nos dérives ludiques et interrelationnelles les plus folles et improbables. 

La puissance des appareils mobiles augmentant considérablement dernièrement, il est devenu quasiment inconcevable de pouvoir oser vivre sans être relié au collectif. La réalité augmentée étant dès lors supportée, elle pourra sans nul doute pallier à cet irrépressible besoin d’être immergé dans une réalité qui n’est pas celle dans laquelle on évolue. Une réalité adaptée à chaque personne, quitte à ce qu’elle soit incompatible avec celles des autres. Ce qui est certes déjà parfois le cas de certains avant un café digne de ce nom.

La vidéo de Keiichi Matsuda en est la meilleure démonstration, lorsque (vers 4 minutes) le système se désactive pour laisser finalement place à une réalité bien plus terne et monochrome. 

Les nouveaux appareils dédiés à l’annulation de sons ambiants, voire du volume global de son environnant, permettront sous peu, de nous isoler à la carte de notre réalité. Le cri du bébé résonant crûment dans les rayons sonne comme un cruel retour à la réalité tablette, la vraie réalité.

L’humain a-t-il réellement besoin de se projeter dans un «monde» qu’il contrôle (ou qu’il pense contrôler) en tous points? Celui qu’il s’est créé au cours du temps ne convenant plus à ses désirs, il sera certes, bien plus facile de modifier deux lignes de codes ou de changer d’abonnement à un service, que de rebâtir un réel écosystème, se faire de nouveaux amis ou de changer de travail ou d’identité.

Les dangers d’une infantilisation ad nauseam

Finalement, un dernier petit regard sur l’interface graphique présentée dans la vidéo et ses interactions avec l’utilisatrice. Tout débute par un jeu et se poursuit un peu à la manière d’un énorme menu de votre vie : «Avancez ici! Gagnez des points en faisant ci! De l’argent en faisant ça!» L’exemple est criant d’une ludification à outrance de la plupart des tâches quotidiennes. Cela peut en effet, par moment en faciliter certaines, mais les dérives sont d’ores et déjà amorcées.

Cet exemple édifiant d’un programme chinois de «bons citoyens» en est un symptôme avant-coureur des plus inquiétants. 1984, Here I Come Baby!

Nommé Sesame Credits, ce service de crédits sociaux est destiné à récompenser les citoyens effectuant des actions sur Internet en accord avec les politiques du gouvernement. L’impact social potentiel est impressionnant et effrayant. Comme le démontre bien la vidéo de la chaîne Extra Credits, la ludification métamorphose les perceptions et permet de transformer, avec ou sans l’aide de la réalité augmentée, des actions fortes de conséquences en de simples grinding de points boni

1984

Digne du chien de Pavlov, cette manipulation flagrante est la preuve que le principe consistant à donner une récompense en échange d’un comportement considéré approprié serait adopté quasiment inconsciemment. Grâce à l’accoutumance des citoyens aux systèmes de cartes de crédit avec récompenses, aux programmes de fidélité et à une ludification grandissante de nos actions les plus triviales, utiliser ces médias devient plus aisé et accepté tacitement par les populations.

Hyper-Reality est une œuvre coup-de-poing, qui dénonce bien plus que la simple réalité hyper-augmentée à grand renfort d’overdose de signaux, de sollicitations constantes et de ludification. Elle pourrait refléter, si l’on n’y prend pas garde, ce que nos sociétés seraient prêtes à vivre, soumises à cet insatiable besoin du «toujours plus». Un besoin qui permettrait grâce à ces nouveaux médias, d’offrir une population toujours plus docile aux désirs dominateurs de certains hommes en étant plus éloignée d’une réalité aux problèmes pourtant si concrets.

Du pain et des jeux qu’ils disaient…

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