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Test de Saga Frontier 2 Remastered: Un classique brillant mais déroutant

Sorti en 1999 sur la PlayStation originale, Saga Frontier 2 a marqué les esprits comme le huitième volet de la série SaGa de Square Enix, avant de conquérir l’Occident un an plus tard, en 2000. Ce RPG audacieux, connu pour son mélange de récits fragmentés et de mécaniques expérimentales, revient en 2025 sur Nintendo Switch dans une version remastérisée qui rejoint d’autres titres de la franchise, comme Saga Frontier. Avec son approche unique et ses systèmes qui défient les conventions des RPG traditionnels, ce remaster ambitionne de raviver la flamme des fans de longue date tout en séduisant une nouvelle génération de joueurs curieux. Mais plus de vingt-cinq ans après sa première apparition, ce classique parvient-il à s’imposer comme un incontournable, ou ses particularités d’époque le rendent-elles difficile à appréhender ? Grâce à un code fourni par Square Enix, nous avons plongé dans cette aventure complexe pour vous offrir un tour d’horizon exhaustif et un verdict nuancé.

Une narration à double voix, entre ambition et inégalité`

Saga Frontier 2 se distingue immédiatement par une structure narrative originale qui repose sur deux protagonistes aux trajectoires distinctes, dont les destins finissent par converger dans un final unificateur. D’un côté, Gustave, héritier du trône de Finney, voit sa vie basculer à l’âge de sept ans lorsqu’il échoue à soulever l’épée sacrée Firebrand lors d’un rituel initiatique. Incapable de démontrer des aptitudes magiques, il est exilé par son père, un roi inflexible, et sa mère, par solidarité, choisit de le suivre dans cette disgrâce.

De l’autre côté, William Knights, surnommé Will, est un « digger » – un explorateur à la recherche de trésors – vivant avec sa tante et son oncle après la mort tragique de ses parents. Sa quête le mène sur les traces de l’Œuf, un artefact légendaire, tout en explorant les mystères entourant le décès de son père, lui-même un digger renommé.

Cette approche à deux voix est racontée de manière non linéaire, à travers des chapitres que le joueur peut sélectionner à sa guise depuis un menu central. Certains segments sont jouables et demandent plusieurs heures pour être bouclés, tandis que d’autres se concentrent sur des interludes narratifs qui comblent les vides et éclaircissent les liens entre les deux arcs. Cette liberté est fascinante : vous pouvez privilégier l’histoire de Gustave, avec ses intrigues politiques et ses drames familiaux, ou celle de Will, plus axée sur l’aventure et la découverte. Vos choix influencent la progression, parfois au point de fermer des pans entiers de l’histoire, une mécanique qui ajoute une couche de rejouabilité mais exige une attention constante pour saisir les tenants et aboutissants.

Si l’ambition narrative est indéniable, son exécution n’est pas sans failles. L’arc de Gustave se révèle plus captivant, porté par des personnages bien écrits et des rebondissements qui maintiennent l’intérêt, comme les tensions dynastiques ou les luttes pour la rédemption. En comparaison, l’histoire de Will, bien qu’intrigante au départ avec ses mystères archéologiques, perd en intensité au fil du temps, la faute à un rythme inégal et à des enjeux moins percutants. La présentation en segments fragmentés, bien que novatrice, peut aussi déstabiliser : les transitions abruptes entre les deux récits demandent un effort pour recoller les pièces, et certains passages narratifs, purement textuels, risquent de lasser les joueurs habitués à plus d’interactivité. Ce remaster ajoute de nouveaux éléments scénaristiques et un mode New Game+ pour prolonger l’expérience, mais ces ajouts ne bouleversent pas une trame qui reste ancrée dans son époque – un mélange de génie créatif et d’opacité qui ne plaira pas à tous.

Un gameplay foisonnant, mais mal guidé

Saga Frontier 2 est avant tout un RPG au tour par tour qui puise dans l’ADN expérimental de la série SaGa, offrant une expérience à la fois riche et déroutante. L’exploration se déroule dans un monde divisé en écrans fixes – villages, forêts, ruines – où des ennemis visibles déclenchent des combats lorsqu’on les approche. Ces affrontements reposent sur un système de points de vie (HP) classiques, qui se régénèrent facilement, et de points de vie permanents (LP), une ressource bien plus précieuse. Dans la version originale de 1999, perdre tous ses LP signifiait dire adieu à un personnage pour toujours, une menace constante qui ajoutait une tension unique. Ce remaster assouplit cette règle : un séjour à l’auberge suffit désormais pour restaurer les LP, une décision qui réduit le stress et rend l’expérience plus permissive, au risque de diluer l’intensité qui faisait le sel du jeu initial.

Les combats brillent par leurs mécaniques signatures, à commencer par le système de « glimmer ». Imaginez : en plein affrontement, alors que votre épéiste enchaîne les coups, une ampoule s’allume au-dessus de sa tête, et voilà qu’il maîtrise une nouvelle technique sans avertissement. Cette spontanéité est jubilatoire, transformant chaque bataille en une occasion d’apprentissage imprévu. À cela s’ajoutent les combos, où vos personnages combinent leurs attaques pour des coups dévastateurs – un système basé sur le tâtonnement, car il faut tester différentes combinaisons pour découvrir lesquelles fonctionnent. La progression, quant à elle, abandonne les points d’expérience traditionnels : vos compétences évoluent en fonction de leur usage. Si vous privilégiez les sorts de feu, votre magie s’améliorera dans ce domaine ; si vous misez sur l’épée, vos attaques physiques gagneront en puissance. Cette approche organique récompense l’expérimentation et donne une sensation de maîtrise au fil du temps.

Mais Saga Frontier 2 ne s’arrête pas là. Le jeu propose des duels en un-contre-un, où vous sélectionnez un personnage et choisissez quatre actions – buffs, debuffs, attaques physiques ou magiques – pour affronter un adversaire en solo. Ces affrontements, plus stratégiques, offrent des récompenses généreuses en points de progression pour le combattant choisi. À certains moments, le titre bascule même vers un mode tactique rudimentaire, avec une vue de dessus où vous dirigez une armée entière dans des batailles simplifiées façon TRPG. Ces variations, bien que basiques, apportent un changement de rythme bienvenu dans une formule qui pourrait autrement sembler répétitive.

Ce remaster enrichit encore l’expérience avec des ajouts modernes : la possibilité de transmettre des compétences d’un personnage à un autre à travers les décennies (le jeu couvre plusieurs générations), des boss plus coriaces pour défier les vétérans, et un mini-jeu « Dig Dig » où vos diggers, recrutés au fil de l’aventure, partent chercher des ressources à la manière d’un Tamagotchi. Ces ressources reviennent automatiquement après un certain temps, ajoutant une petite couche de gestion passive. Les menus regorgent d’options : apprendre de nouvelles « arts » (techniques), ajuster la formation de l’équipe, attribuer des rôles spécifiques (attaquant, soigneur, etc.), ou encore passer des capacités d’un personnage à un autre. C’est un véritable trésor de systèmes interconnectés qui témoignent de l’ambition folle du titre.

Pourtant, cette profusion est aussi son plus grand défaut. Saga Frontier 2 échoue lamentablement à expliquer ses mécaniques. Les menus, denses et mal organisés, jettent le joueur dans le grand bain sans bouée de sauvetage. Si vous n’avez jamais touché un jeu SaGa auparavant, attendez-vous à des heures de confusion avant de comprendre ce que signifie « glimmer », comment optimiser vos combos, ou pourquoi vos LP disparaissent. Même pour un joueur familier de la série, certains termes ou options restent flous au départ, nécessitant une mémoire des épisodes précédents ou, mieux encore, un guide externe. Cette opacité transforme les premières heures en un exercice de patience frustrant, un défaut que le remaster n’a pas corrigé, au grand dam des nouveaux venus.

Une direction artistique audacieuse, mais perfectible

Visuellement, Saga Frontier 2 se démarque par une décision radicale pour l’époque : abandonner les graphismes pixélisés traditionnels au profit d’arrière-plans peints à l’aquarelle, une esthétique qui tranche avec son prédécesseur Saga Frontier. Ce remaster rehausse ces tableaux à une résolution supérieure, offrant des paysages qui oscillent entre teintes pâles et éclats chaleureux. Des villages paisibles aux cités sombres en passant par des forêts brumeuses, ces décors évoquent des peintures impressionnistes, avec une utilisation subtile de la couleur pour donner vie à chaque scène – des tons doux pour une ambiance contemplative, des touches vives pour réchauffer les moments clés. Cette direction artistique, révolutionnaire en 1999, conserve un charme intemporel qui impressionne encore aujourd’hui, surtout lorsqu’on imagine l’effet qu’elle devait produire à l’époque sur un écran cathodique.

Cependant, tous les arrière-plans ne se valent pas. Si certains brillent par leur finesse et leur composition, d’autres semblent moins inspirés, avec des détails moins soignés qui trahissent une inégalité dans l’effort artistique. Leur statisme pose aussi problème : à part quelques rares animations – une corde à linge qui flotte dans le vent, par exemple – ces tableaux restent figés, ce qui peut sembler désuet face aux standards modernes où le mouvement est roi. Les sprites des personnages, superposés sur ces toiles, aggravent ce contraste. Leur manque de vibrance et leur apparence « collée » donnent l’impression d’un collage mal intégré. Là où les fonds ont bénéficié d’un upscale visible, les sprites auraient mérité une remise à niveau similaire – une palette plus vive ou une netteté accrue aurait pu harmoniser l’ensemble. Ce défaut, bien que mineur, nuit à l’impact global d’un style qui reste, dans l’absolu, une réussite esthétique.

Côté audio, Saga Frontier 2 marque un tournant dans la série avec l’arrivée de Masashi Hamauzu à la composition, remplaçant Kenji Ito. Les mélodies, majestueuses et empreintes d’une élégance médiévale-fantastique, collent parfaitement à l’ambiance du jeu, qu’il s’agisse d’accompagner une exploration paisible ou de souligner un affrontement dramatique. Pourtant, leur boucle excessivement courte devient un défaut criant. Dans des zones comme la Cité de la Nuit, où l’on peut rester bloqué un moment à résoudre une énigme ou explorer, le même thème tourne en rond jusqu’à devenir agaçant, un défaut typique des RPG de l’époque mais amplifié ici par la qualité même des compositions. Plus étrange encore, des silences inexpliqués surviennent lors de moments clés – les effets sonores persistent, mais la musique s’évanouit sans raison apparente, brisant l’immersion là où elle aurait dû l’amplifier. Enfin, l’absence de doublage, logique pour un remaster fidèle à l’original, laisse le texte porter seul l’émotion des dialogues. Ce n’est pas un défaut majeur, mais une opportunité manquée d’enrichir cette version 2025.

Techniquement, le jeu est un sans-faute sur Switch. Aucun ralentissement, aucun bug notable : la performance est fluide, permettant de profiter pleinement de l’expérience sans distractions. Un point positif qui met en valeur les qualités du titre sans interférences.

Contrôles et accessibilité : des vestiges d’une autre ère

Les contrôles de Saga Frontier 2, adaptés à la Switch, restent fonctionnels pour un RPG de cet âge, mais ils trahissent leurs origines PlayStation avec quelques accrocs. L’exploration se fait en vue isométrique, avec des écrans fixes que l’on traverse en passant d’une zone à l’autre – villages, donjons, plaines. Le déplacement est simple, mais les collisions avec les éléments du décor ou les PNJ sont une plaie récurrente. Ces derniers, suivant des trajectoires prédéfinies, bloquent souvent le passage, obligeant à des allers-retours absurdes – sortir d’une boutique, rentrer à nouveau pour éviter un personnage mal placé, puis retenter sa chance. Ces petits désagréments, anodins pris isolément, s’accumulent et finissent par irriter, surtout dans des zones densément peuplées.

Les menus, quant à eux, sont un autre vestige du passé. Denses, mal organisés et avares en explications, ils renforcent le sentiment d’archaïsme du titre. Naviguer entre les options de formation, les « arts » à assigner ou les compétences à transmettre demande une familiarisation qui ne vient pas naturellement. Si les vétérans de la série SaGa s’y retrouveront grâce à leur expérience, les nouveaux joueurs risquent de passer plus de temps à décrypter l’interface qu’à profiter du jeu. Ce remaster aurait pu moderniser cet aspect – un tutoriel intégré, une ergonomie revue – mais il reste fidèle à l’original, pour le meilleur et pour le pire.

Une valeur honnête pour un classique audacieux

À 24,99 $, Saga Frontier 2 se positionne à un prix abordable, bien en deçà de ce que l’on pourrait attendre d’un titre annoncé dans un Nintendo Direct. Pour ce tarif, vous obtenez une aventure qui oscille entre 30 et 40 heures en ligne droite, extensible avec les nouveaux boss, le mini-jeu « Dig Dig » et le mode New Game+. Ce n’est pas une épopée de 100 heures à la Xenoblade Chronicles, mais c’est une durée respectable pour un remaster qui ne prétend pas être un remake complet. La série SaGa a toujours cherché à se démarquer dans un genre saturé, et Saga Frontier 2 ne fait pas exception, avec ses mécaniques uniques et sa narration éclatée qui le distinguent des ténors comme Final Fantasy.

Cela dit, il faut reconnaître que d’autres titres SaGa disponibles sur Switch – notamment Saga Frontier ou Romancing SaGa – offrent une entrée en matière plus fluide. Leurs mécaniques, bien que complexes, sont souvent mieux introduites, permettant de plonger dans l’action sans des heures de tâtonnement. Saga Frontier 2, lui, demande un investissement initial conséquent pour surmonter sa courbe d’apprentissage abrupte. À ce prix, c’est une bonne affaire pour les fans ou les nostalgiques qui savent à quoi s’attendre, mais les nouveaux venus pourraient trouver l’expérience moins immédiate qu’espéré.

Verdict

Saga Frontier 2 est un jeu que l’on finit par apprécier davantage que ce que son score brut pourrait laisser croire. Ses mécaniques, une fois maîtrisées, offrent une profondeur et une satisfaction rares, portées par des systèmes comme le « glimmer », les combos et les LP qui témoignent d’une créativité débordante. Son esthétique aquarelle, malgré ses défauts, reste une prouesse artistique qui charme par son audace, et son prix modeste en fait une proposition alléchante pour une aventure de cette envergure. Mais ces qualités sont contrebalancées par des défauts tenaces : un manque criant d’explications qui transforme les premières heures en un casse-tête, des contrôles parfois frustrants, et une intégration visuelle qui aurait pu être peaufinée.

Comparé aux standards modernes ou même à d’autres remasters SaGa, Saga Frontier 2 souffre d’une accessibilité limitée qui risque de rebuter les joueurs non préparés. Pourtant, pour ceux qui acceptent de s’armer de patience – ou mieux, d’un guide pour décrypter ses rouages –, il révèle un charme brut et une ambition qui forcent le respect. Ce n’est pas le meilleur point d’entrée pour découvrir la série, mais c’est un voyage dans le temps qui récompense les curieux et les persévérants. À recommander avec une mise en garde : ce classique est une pépite à polir soi-même.

Note – The First Berserker : Khazan

15/20

Points forts Points faibles
✔ Mécaniques uniques et profondes
Glimmer, combos et système de LP offrent une richesse rare et une progression organique qui captivent une fois maîtrisées.
✘ Manque d’explications
Les systèmes complexes sont jetés au joueur sans guidance, rendant les débuts confus et frustrants.
✔ Esthétique aquarelle saisissante
Les décors remastérisés impressionnent par leur charme pictural et leur audace artistique intemporelle.
✘ Sprites ternes et statisme
Les personnages mal intégrés et les fonds figés nuisent à l’harmonie visuelle.
✔ Prix abordable
24,99 $ pour une aventure solide de 30 à 40 heures, extensible avec du contenu bonus comme le New Game+.
✘ Contrôles parfois frustrants
Collisions avec PNJ et menus datés hérités de l’original entravent l’expérience.
✔ Narration ambitieuse
La structure non linéaire avec deux protagonistes offre une liberté et une rejouabilité uniques pour l’époque.
✔ Variété des combats
Duels en solo, batailles tactiques et combos spontanés cassent la monotonie des affrontements classiques.
✔ Bande-son élégante
Les compositions de Masashi Hamauzu, malgré leurs défauts, apportent une touche majestueuse à l’ambiance.
✔ Performance irréprochable
Une stabilité technique parfaite sur Switch, sans bugs ni ralentissements, pour une expérience fluide.
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