Le fil d’actualité va t-il tuer l’actualité?

Facebook est à la pointe d'un changement fondamental dans la façon dont nous consommons l’information au quotidien. Les chiffres de notre usage (ou devrait-on dire de notre dépendance) de la plateforme sont édifiants : nous y passons en moyenne près de 7 heures par mois. 40% de ce temps est consacré à faire dérouler notre fil d’actualité.

Grâce ou à cause de ce fil, Facebook est aujourd’hui le principal moyen de s’informer pour de nombreux internautes. Si avant on allait chercher l’information (on allait acheter le journal, on allumait la radio), c’est maintenant l’information qui vient nous chercher. En effet, grâce à ses algorithmes, Facebook connaît nos habitudes médiatiques et personnalise l’information qui arrive jusqu’à nous. L’information nous est destinée, elle est devenue personnelle. 

Pour les quotidiens traditionnels, les temps sont durs. Les ventes s’effondrent un peu partout en occident et leur transition vers le numérique ne se fait pas sans mal. À ce propos, les pages d’accueil de sites d’information sont elles aussi en net recul d’achalandage puisque les internautes ont perdu l’habitude de les visiter pour s’informer.

Dorénavant les internautes s’informent sur Facebook. La routine est toujours la même : ils font défiler leur fil d’actualité, voient des nouvelles partagées par des connaissances, cliquent et sont redirigés vers l’article en question sur le site.

La raison? Dorénavant les internautes s’informent sur Facebook. La routine est toujours la même : ils font défiler leur fil d’actualité, voient des nouvelles partagées par des connaissances, cliquent et sont redirigés vers l’article en question sur le site.

Selon une étude de l’institut Pew Research, 30% des Américains s’informent via Facebook. On peut se demander ce que cela change fondamentalement puisqu’au final les visiteurs sont redirigés vers le site de nouvelles. L’impact de Facebook pour les quotidiens à beaucoup plus d’importance qu’on ne le pense.

Facebook, et dans une moindre mesure Twitter, sont devenus les nouvelles pages d’accueil des nouvelles sur Internet. En 2013, Facebook et Google envoyaient tous les deux autant de trafic vers un site comme BuzzFeed. Fin 2015, Facebook en envoie 3,5 fois plus que son rival.

Des fragments personnalisés

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En premier lieu, l’information se consomme désormais en fragments. On ne lit plus le journal en entier, on le consomme par morceaux, par articles. Bien entendu, cela fait écho à ce qui s’est passé dans l’industrie musicale, où avec la dématérialisation de la musique, les consommateurs se sont désintéressés des albums, pour consommer des chansons.

Deuxième transformation majeure : l’information qui arrive dans votre fil d’actualité Facebook ne vous arrive pas de manière brute, elle est filtrée et personnalisée. Facebook a mis en place un algorithme qui trie pour vous les informations en provenance de votre communauté.

Ce tri est basé sur des critères de pertinence et de personnalisation. L’algorithme essaie de déterminer ce qui serait le plus susceptible de nous plaire. Le code de l’algorithme est basé sur des milliers de mesures qui analysent notre activité sur le site : ce que l’on aime, le temps que l’on passe sur des articles, le succès des articles dans notre entourage, etc. Avec ces informations, l’algorithme de Facebook me propose des suggestions d’article dans mon fil d’actualité en fonction de ce qu’il pense connaître de moi. Cet algorithme est réajusté toutes les semaines par une armée d’ingénieurs informatiques dont la mission est d’offrir un journal d’actualité personnalisé à chaque personne dans le monde.

L’ingénieur informatique est le nouveau roi des médias

Greg Marra, l'ingénieur responsable de l'algorithme Facebook (Image : Wired).
Greg Marra, l’ingénieur responsable de l’algorithme Facebook (Image : Wired).

À tous les rédacteurs en chef dans les salles de nouvelles (dont le métier est de trier l’information), vient donc se superposer un méta rédacteur en chef dans Facebook, et c’est un algorithme. Le New York Times nous apprend à ce sujet que c’est un ingénieur de 26 ans, Greg Marra, qui est responsable de la bonne santé de cet algorithme.

Aujourd’hui, un ingénieur informatique de 26 ans est, dans l’ombre, l’une des personnes les plus importantes des médias dans le monde…

Facebook va-t-il avaler les médias?

Dernière conséquence enfin et non des moindres, les sites d’information sont aujourd’hui à la merci de Facebook. Ce réseau social représente plus de 20% de leur trafic aux États-Unis, un chiffre gigantesque. La plateforme est en train de devenir ce qu’Amazon est devenu pour les livres : un mastodonte au pouvoir démesuré qui donne accès à des centaines de millions de consommateurs.

Facebook est en train de devenir ce qu’Amazon est devenu pour les livres : un mastodonte au pouvoir démesuré qui donne accès à des centaines de millions de consommateurs.

David Carr du New York Times révélait quelques mois avant son décès que de nombreux médias (dont le New York Times) avaient été approchés par les représentants de Facebook pour discuter de la manière d’améliorer leur trafic en provenance de Facebook. Quand Facebook veut discuter, on l’écoute. D’autant plus que sur Internet, la logique est implacable : plus de trafic équivaut à plus de revenus publicitaires. 

Au lieu de leur parler de la manière d’améliorer leur trafic, Facebook leur a parlé d’un nouveau plan qui allait plutôt améliorer leur visibilité.

La nuance est ici importante. Selon David Carr, l’entreprise aurait tout simplement demandé à ces médias d’héberger leurs articles intégralement sur Facebook plutôt que d’obliger les utilisateurs à cliquer sur un lien qui les mène à un site extérieur.

Facebook justifie cette volonté hégémonique par l’expérience utilisateur. Selon Facebook, les abonnés du réseau seraient frustrés par le temps que prendraient les liens pointant vers les sites de nouvelles à s’ouvrir (tout particulièrement sur leurs téléphones). La démarche nécessite en effet de cliquer sur les liens de sites de médias tiers dont les pages sont longues à charger, criblées de publicités. En hébergeant directement le contenu informatif du New York Times sur Facebook par exemple, plus besoin de passer par un lien qui nous redirigerait hors de Facebook. Facebook est tellement généreux qu’il proposerait même de reverser 100% des revenus publicitaires obtenus sur les publicités diffusées sur les contenus hébergés nativement sur Facebook et de donner beaucoup plus de visibilité à ces contenus (en manipulant l’algorithme). Les rumeurs veulent que Facebook soit en contact soutenu avec BuzzFeed, le New York Times, le National Geograpgic et plusieurs autres éditeurs.  

Par un tel procédé, Facebook espère améliorer l’expérience de lecture et ainsi encourager les utilisateurs à passer plus de temps sur le réseau social.

Un pacte faustien 

Les grands médias sont bien évidemment réticents à l’idée d’un tel pacte avec le diable. Ils ont tout à y perdre, et en premier lieu ce qui fait la réputation d’un quotidien : son indépendance. Ces derniers risquent aussi de sacrifier leur marque. Mais ont-ils encore le choix? Pour convaincre les éditeurs qui traîneraient encore des pieds, Facebook promet aux premiers signataires une immense croissance de la portée de leurs publications. Mais quand tous les quotidiens auront accepté de publier directement sur Facebook, le réseau tiendra le gros bout du bâton pour imposer sa loi.

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