L’intelligence artificielle est inoffensive, promis-promis!

Non, Skynet ne surgira pas de votre routeur Wi-Fi pendant votre sommeil. Pas demain, ni l’année prochaine, ni jamais. Parole de l’une des sommités mondiales dans le domaine.

Petro Domingos est un informaticien de haut calibre. Professeur à l’université de Washington, il a déjà reçu le prix d’innovation du SIGKDD, le groupement professionnel dédié à la science des données – une sorte d’Oscar du data mining. Il est aussi un chercheur bien en vue dans le domaine des algorithmes d’apprentissage, le sous-ensemble de l’intelligence artificielle qui permet notamment à Google de savoir quelle pub vous servir et à Netflix de vous suggérer un obscur film kazakh qui vous plaira à coup sûr compte tenu des notes de cinq étoiles que vous avez accordées à Star Trek : The Next Generation et House of Cards

Et contrairement à Elon Musk ou à Stephen Hawking, Pedro Domingos n’a pas peur des conséquences de l’intelligence artificielle. Pas une miette. Parce que même le plus puissant algorithme d’apprentissage imaginable, qui aurait absorbé la somme totale du savoir humain, ne ferait jamais qu’optimiser un calcul en fonction des paramètres qu’on lui donne, et qu’il ne pourrait pas plus (je paraphrase) décider de changer de mission qu’une automobile ne pourrait soudainement décider de s’envoler.

Comme disait RBO :

  • L’ordinateur est notre ami. Il ne faut pas en avoir peur.
  • Pas même un toutipeu?
  • Pas même un toutipeu!

C’est l’un des nombreux (ô, combien nombreux) arguments que l’on retrouve dans The Master Algorithm : How the Quest for the Ultimate Learning Machine Will Remake Our World, le nouveau livre de Domingos dont le titre se traduit à peu près par «Le maître algorithme : Comment la quête de la machine qui apprend tout reconstruira notre monde». Rien que ça.

Une lecture fascinante – à petites doses

The Master Algorithm (vous m’épargnerez la répétition du titre complet) est impossible à résumer parce que l’auteur y parle d’une quantité effarante de sujets de toutes sortes de manières.

On passe de l’histoire de l’informatique à la manière de protéger ses données (et aux raisons de ne pas le faire), de la vulgarisation scientifique au futurisme, et des «cinq tribus» de la communauté des chercheurs en matière d’algorithmes d’apprentissage aux nombreux supposés méfaits de Marvin Minsky et de Noam Chomsky, avec qui Domingos a visiblement quelques comptes à régler.

Je me contenterai de vous dire que le résultat est fascinant, mais d’une lisibilité inégale. Si certains chapitres filent entre les doigts – à condition qu’on puisse tolérer une «blague de papa» à l’occasion – d’autres requièrent un bon degré de concentration.

Par exemple, j’ai une bonne expérience de la programmation symbolique, et après avoir lu le chapitre qui y est consacré je me suis dit qu’il aurait probablement fallu 10 ou 15 pages d’explications supplémentaires pour bien cerner le sujet et éviter de faire fuir le lecteur. Disons qu’un néophyte aurait avantage à ne pas aborder le cœur du livre en fin de soirée.

Votre avatar vous connaîtra mieux que vous-mêmes

Le dernier chapitre, intitulé This is the World on Machine Learning, est probablement le mieux réussi. Parmi les nombreux sujets qu’il y aborde, Domingos y décrit un futur peut-être pas très lointain où toute la question de l’utilisation des données personnelles pourrait être complètement renversée. En effet, avec un algorithme d’apprentissage suffisamment avancé, il nous serait possible de créer un modèle complet de nous-mêmes à partir de l’ensemble de nos données, d’en garder le contrôle, et de s’en servir pour nous représenter en ligne plutôt que de laisser des entreprises comme Facebook, Amazon et Apple essayer de nous comprendre à partir des données fragmentaires auxquelles elles ont accès.

Ainsi, notre alter ego virtuel (qui saurait ce qu’on aime faire, voir, lire, et cetera) pourrait éventuellement nous remplacer dans des millions d’entrevues d’emploi ou de blind dates virtuels avec d’autres avatars, le tout en quelques secondes, et donc nous éviter à la fois des pertes de temps et des expériences désagréables. Il pourrait aussi choisir les pubs qui risqueraient le plus de nous intéresser dans les cas où l’on serait obligés d’en voir.

En attendant, Domingos vous suggère de cliquer sur les pubs des entreprises que vous détestez, histoire de leur faire perdre leur argent et d’encourager les régies publicitaires à servir ces pubs à d’autres gens comme vous qui n’achèteront jamais les produits de ces entreprises. Oui, les algorithmes d’apprentissage sont aussi caves que ça!

Pas de danger, vous pouvez circuler

skynet

Et surtout, à la lecture des chapitres sur l’état de la science en matière d’algorithmes d’apprentissage, vous pourrez constater que Domingos ne voit pas le jour où l’ordinateur développera le libre-arbitre, condition indispensable à l’apparition de Skynet. À la base, tous ces algorithmes sont des optimiseurs qui cherchent à répondre à une question le mieux possible, rien de plus. Faire le saut quantique nécessaire pour que le «génie de la machine» puisse décider lui-même quoi faire, et nous supplanter? Impossible.

Sauf peut-être si la question qu’on lui pose consiste à trouver la manière la plus efficace de tuer tous nos ennemis, et que le programmeur n’est pas assez brillant pour formuler la question de manière à ce que tout le monde ne soit pas considéré comme un ennemi. Mais dans ce cas-là, comme je l’ai déjà écrit ici, ce n’est pas l’intelligence artificielle qui serait la cause de notre perte mais bien la stupidité naturelle.

Le verdict

Il est difficile de recommander ou de déconseiller un livre aussi éclectique que The Master Algorithm. J’ai l’impression que, comme moi, la plupart des lecteurs trouveront un quart du livre absurde, un quart louche, et le reste fascinant, mais je serais bien embêté de vous dire quelle partie sera laquelle dans votre cas.

La plupart des lecteurs trouveront un quart du livre absurde, un quart louche, et le reste fascinant, mais je serais bien embêté de vous dire quelle partie sera laquelle dans votre cas.

Sachez tout de même que je n’ai qu’effleuré son contenu, et peut-être pas forcément les parties les plus importantes. Je me suis concentré sur ce qui, selon moi, allait être le plus intéressant pour les lecteurs de Branchez-vous, mais comme je n’ai pas accès à un modèle parfait de chacun d’entre vous comme celui que «le maître algorithme» pourra peut-être produire un jour, il se peut que je me sois complètement fourvoyé. Désolé d’avance.

Disons simplement que, si vous approchez le livre sans attentes démesurées et sans hésiter à sauter la fin d’un chapitre qui vous semble n’aller nulle part, vous devriez y trouver votre compte d’une manière ou d’une autre. Ce qui n’est déjà pas si mal.

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