Comprendre le renseignement à l’âge de l’information

Cet article est le premier d’une série de trois sur l’état du renseignement en lien avec les technologies de l’information.

Michael Hayden, ancien directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) et de la National Security Agency (NSA), a récemment déclaré que l’entreprise chinoise Huawei faisait de l’espionnage pour le compte de la Chine. La question qui vient immédiatement à l’esprit en voyant une déclaration du genre est : est-ce réellement une surprise?

La relation amour-haine entre le domaine des hautes technologies et du renseignement ne date pas d’hier. À l’heure de la domination du secteur des technologies de l’information, il n’est donc pas surprenant de voir des liens se tisser entre les entreprises spécialisées dans le développement de ces technologies et les agences de renseignement. Même si ces deux secteurs d’activité ont des visions différentes en matière de collecte et de traitement de l’information, et même s’ils tiennent parfois des agendas diamétralement opposés, nous faisons face à «des frères ennemis». Il est toutefois utile de comprendre la situation actuelle en regard à l’histoire des activités de renseignement.

L’âge d’or des activités de renseignement se situe au plus fort de la Guerre froide. Les tractations politiques et la structuration du système international, conditionné par le spectre de la bombe atomique, ont fait en sorte de rendre inconcevables les conflits armés classiques menant à une guerre totale. Les deux grands partis se sont donc affrontés d’une part au travers de guerres par «proxies», et d’autre part en exploitant au maximum les activités de renseignement.

L’introduction rapide de l’informatique dans notre quotidien a engendré une surmultiplication des données brutes disponibles et une charge de travail incommensurable pour les services de renseignement. Rapidement, ces services se sont butés au paradoxe de l’information : les technologies qui permettent de cueillir, stocker et analyser une vaste quantité d’information sont les mêmes qui multiplient les données à traiter.

À cette époque, les gouvernements régnaient en roi et maître sur les activités de renseignement. Les activités de collecte et de traitement de l’information étaient effectuées par diverses agences gouvernementales spécialisées dans le domaine. De même, une grande partie des technologies de sécurité, notamment des technologies servant au renseignement, ont été issues du travail de recherche mené dans des universités ou dans des instances gouvernementales.

Alors que des transformations profondes se sont produites dans l’environnement socioéconomique (mondialisation, effritement du modèle étatique et libéralisation des marchés), il a été possible d’assister à trois événements qui ont su changer la donne en matière de renseignement. Tout d’abord, la naissance des technologies de l’information. L’introduction rapide de l’informatique et de ses dérivés dans notre quotidien a engendré une surmultiplication des données brutes disponibles et, conséquemment, une charge de travail incommensurable pour les services de renseignement. Rapidement, ces services se sont butés au paradoxe de l’information : les technologies qui permettent de cueillir, stocker et analyser une vaste quantité d’information sont les mêmes qui multiplient les données à traiter.

Ensuite, nous avons assisté à une démocratisation du développement des technologies de sécurité. Autrement dit, il y a eu un revirement du rôle du gouvernement et du privé dans le développement des technologies de sécurité. Si auparavant l’État était le principal agent d’innovation dans ce secteur, il a fini par perdre sa mainmise au profit d’entreprises privées qui se sont montrées plus novatrices.

Finalement, nous vivons actuellement une privatisation rapide des activités de sécurité. Certains diraient que nous retournons plus ou moins dans une vision moyenâgeuse de la sécurité. Le gouvernement se désengage de plusieurs secteurs d’activité de sécurité au profit d’initiatives privées, et ce, alors même que la notion de sécurité se répand dans un nombre plus grand de secteurs – la sécurité environnementale ou alimentaire par exemple. Bref, cela laisse plus de place à des initiatives privées dans bon nombre de secteurs d’activités de sécurité, et le renseignement n’y échappe évidemment pas.

En combinant ces trois points, on constate rapidement une chose : des entreprises viennent de plus en plus se substituer aux activités de sécurité de l’État. Cette tendance a pour effet de diminuer, en partie du moins, le rôle des gouvernements dans les activités de sécurité nationale, notamment en ce qui concerne les activités de renseignement. La dure réalité est que les agences de renseignement sont de plus en plus dépendantes du secteur privé pour les deux éléments qui sont au cœur même de leurs activités, soit :

  • la cueillette d’informations brutes;
  • les outils permettant de stocker et d’analyser ces informations.

Cela se traduit par l’omniprésence d’outils d’analyse en provenance du secteur privé dans bon nombre d’organismes de renseignement. Des systèmes complets de stockage et de traitement de l’information qui sont aujourd’hui plus que nécessaires au bon fonctionnement de leurs activités. Ces initiatives privées font d’ailleurs grand bruit de leur présence dans ce marché de pointe, et des entreprises comme Palantir et IBM vendent d’ailleurs leurs produits en étayant le fait qu’ils sont maintenant des quasi-normes dans le domaine de la sécurité en général, et du renseignement en particulier.

Dans la seconde partie de ce texte, nous aborderons la relation tumultueuse du secteur privé avec les gouvernements en ce qui concerne les activités de renseignement.

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