L’état de la baladodiffusion, ici et ailleurs

Ailleurs, le petit monde de la baladodiffusion se porte à merveille. Ici, c’est moins clair. Pourquoi?

Vous connaissez Canadaland? C’est un podcast qui critique la manière dont les médias canadiens couvrent la nouvelle. Du moins, c’était cela il n’y a pas longtemps : maintenant, c’est un réseau de podcasting complet avec 3 émissions différentes par semaine, un site web pas joli-joli mais qui publie des tonnes de contenu, soutenu par du financement socioparticipatif de plus de 10 000$ par mois.

Vous avez bien lu. Plus de 2 000 personnes donnent de l’argent, chaque mois, pour qu’on leur parle de politique et d’analyse médiatique. Au Canada. Et ça, c’est sans parler de la belle brochette de commanditaires qui permettent à Jesse Brown, le fondateur de Canadaland, d’en vivre à temps plein et de rémunérer ses collaborateurs.

Le podcasting, c’est payant…

NPR est en voie d’atteindre le seuil de la rentabilité, et ce sont les revenus générés par ses podcasts qui font la différence.

CANADALAND n’est pas un phénomène unique.

Aux États-Unis, Maximum Fun est une entreprise florissante qui peut se permettre des gros noms comme John Hogdman du Daily Show, dont les congrès de fans se tiennent toujours à guichets fermés et qui peut se vanter d’avoir recruté 5 700 nouveaux donateurs (un chiffre qui inclut cependant les donateurs existants qui ont augmenté leurs contributions mensuelles) lors de sa dernière campagne de financement.

L’ancien journaliste Dan Carlin gagne apparemment assez bien sa vie en réalisant deux podcasts : Common Sense, qui parle d’actualité, et surtout Hardcore History, consacré à l’histoire militaire, qui vient de conclure une série d’environ 24 heures consacrée à la Première Guerre mondiale.

Même NPR, la radio publique américaine, est en voie d’atteindre le seuil de la rentabilité pour la première fois en six ans, et ce sont les revenus générés par ses podcasts qui font la différence.

Il y a sûrement plusieurs autres exemples; je ne mentionne que ceux que j’écoute régulièrement et qui ont fait la manchette au cours des dernières semaines.

Mais pas au Québec

Ai-je besoin de vous dire que ce genre de chose est impensable chez nous?

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Ce n’est pas que la qualité des podcasts québécois soit défaillante, au contraire. Le problème, c’est l’écosystème financier. À peu près pas de commanditaires. À peu près pas de pub. Quelques dons qui proviennent d’une minorité des auditeurs et qui, dans le temps de L’Analyse des Geeks, ne suffisaient pas à couvrir les frais de l’émission même si nous la faisions bénévolement.

En fait, à ma connaissance, tous les podcasts québécois qui ne sont pas des baladodiffusions d’émissions de Radio-Canada sont menés par des bénévoles, sauf peut-être la nouvelle génération de Radio-Talbot. Mais lorsqu’on considère la quantité phénoménale de contenu que Denis et sa bande produisent et le fait qu’ils n’ont que 307 donateurs sur Patreon, si ce n’est pas du bénévolat, c’est tout comme.

Est-ce qu’on se plaint pour rien?

À la longue, le bénévolat, c’est épuisant. Parce qu’il faut une autre job pour payer le souper, ce qui explique la courte durée de vie de biens des podcasts.

Peut-être que c’est très bien comme ça. Après tout, qui dit «bénévole» dit aussi «redevable à personne», et la qualité des émissions dont nous pouvons profiter en ce moment indique assez bien la profondeur du réservoir de créativité des podcasteurs québécois.

Mais à la longue, le bénévolat, c’est épuisant. Parce qu’il faut une autre job pour payer le souper, ce qui explique sûrement que la majorité des podcasts ne durent pas très longtemps ou ne suivent pas un calendrier de publication très régulier.

Je ne cesse de m’émerveiller devant la durabilité des Mystérieux Étonnants et l’engagement de mon ancienne gang de L’Épée Légendaire; trop d’autres bonnes émissions ont disparu trop vite parce que les heures de recherche et d’enregistrement devaient passer après le boulot, les études, les devoirs des enfants, et cetera, et qu’à un moment donné les créateurs se sont dits qu’ils n’en pouvaient plus.

Comment faire croître le podcasting

La réalité, c’est que si on veut que cette forme d’art numérique continue à se développer indépendamment de la télé, de la radio «officielle», de YouTube ou de Twitch, il faut qu’il y ait au moins une petite possibilité d’en faire professionnellement. Comme chez Canadaland, comme chez Maximum Fun, ou comme c’est le cas pour n’importe quelle autre forme d’art depuis la nuit des temps.

Or, pour cela, il faut aller chercher de l’argent : soit auprès des auditeurs, soit ailleurs.

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Les 307 donateurs de Radio-Talbot me disent que la première option n’est pas viable en ce moment.

La seconde exigerait une forte augmentation de l’auditoire, afin de forcer quelques commanditaires potentiels à prêter attention au podcasting québécois. C’est un peu ce que j’espérais lors du lancement du réseau RZO qui regroupait une trentaine des meilleures émissions québécoises sous une seule bannière. Malheureusement, RZO a interrompu ses activités lundi dernier – peut-être, souhaitons-le, de façon temporaire – et il faudra chercher d’autres solutions.

Mais lesquelles? Ça, je l’ignore, même si la question me démange depuis des années. Espérer l’émergence d’un OVNI médiatique comme Canadaland et se croiser les doigts pour qu’il fasse des petits, ça me semble bien mince. Quelqu’un a une meilleure idée?

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