Les jours de la neutralité du Net sont-ils comptés aux États-Unis? Les choses risquent du moins de changer selon des sources familières avec les plans de Ajit Pai, nouveau président de la FCC nommé par Donald Trump en janvier dernier.
Concrètement, Pai souhaiterait renverser les règles adoptées en février 2015, entraînant ainsi les fournisseurs d’accès Internet à ne plus être contraints par la FCC à respecter la neutralité du Net. Mais l’objectif présumé serait de transférer l’application de ces règles de la FCC vers la Federal Trade Commission.
La neutralité du Net est le refus catégorique de toute discrimination pouvant permettre l’éclosion ou le maintien d’un système à deux vitesses.
D’abord, il est important de rappeler ce qu’est le principe de neutralité du Net. Contrairement à ce que laissait entendre l’homme d’affaires Alexandre Taillefer en entrevue récemment, celle-ci n’a rien à voir avec la neutralité des contenus que nous présentent les algorithmes des Facebook et Google de ce monde. Il s’agit plutôt d’une neutralité à l’égard du traitement des données qui circulent au sein du réseau d’un FAI. La neutralité du Net est le refus catégorique de toute discrimination pouvant permettre l’éclosion ou le maintien d’un système à deux vitesses, de voir une entreprise (par exemple un FAI) restreindre l’accès à certains contenus ou en privilégier d’autres en échange de rémunération.
Selon le Wall Street Journal, une fois que ce transfert aura lieu, Pai demanderait aux FAI de s’engager volontairement à respecter la neutralité du Net. Les contrevenants seraient alors susceptibles d’être accusés par la FTC de pratiques commerciales trompeuses ou injustes.
Bien qu’une contrainte juridique continuerait ainsi d’être renforcée, ce transfert ne serait pas sans conséquence. Aujourd’hui, lorsqu’un consommateur ou une entreprise soupçonnent un FAI d’enfreindre la neutralité du Net, ceux-ci peuvent déposer une plainte auprès de la FCC et obtenir rapidement une décision directement de l’agence fédérale américaine. La procédure de la FTC est toute autre : plutôt que de se prononcer sur un tel contentieux, la FTC laisse le soin à un tribunal de juger si la pratique d’une entreprise est trompeuse ou injuste.
La réponse des géants du Web
Le président de la Federal Communications Commission a donc rencontré un regroupement d’entreprises issues du secteur technologique cette semaine afin de tenter de les convaincre de sa stratégie. Manifestement, ça n’a pas fonctionné.
Le groupe en question, Internet Association, est composé d’Airbnb, Amazon, Coinbase, DoorDash, Dropbox, eBay, Etsy, Expedia, Facebook, Google, Groupon, Handy, IAC, Intuit, LinkedIn, Lyft, Match Group, Microsoft, Monster, Netflix, Pandora, PayPal, Pinterest, Practice Fusion, Rackspace, Reddit, Salesforce, Snap, Spotify, SurveyMonkey, Ten-X, TransferWise, TripAdvisor, Turo, Twitter, Uber, UpWork, Yahoo, Yelp, Zenefits et Zynga.
«L’industrie de l’Internet est unanime dans sa conviction que la neutralité du Net préserve l’expérience du consommateur, la saine concurrence, et l’innovation en ligne. En d’autres termes, les règles existantes de la neutralité du Net devraient être appliquées et maintenues intactes», a fait savoir le PDG d’Internet Association, Michæl Beckerman, dans une lettre ouverte adressée à la FCC. «Les recherches économiques préliminaires d’IA suggèrent que [les règles actuelles] n’ont pas eu d’impact négatif sur l’investissement du service d’accès Internet à haut débit.»
«Les règles devraient être au préalable appliquées par une agence d’experts, à savoir la FCC», précise Beckerman.
Bien entendu, la position d’IA n’est pas totalement altruiste. Un changement aussi important aux règles encadrant la neutralité du Net entraînerait des hausses de coûts pour ces entreprises, ne serait-ce que par la lourdeur de l’intervention du système judiciaire.