L’ensemble, disponible gratuitement en ligne, intègre des concepts informatiques à une version simplifiée du célèbre jeu récemment racheté par Microsoft.
Colporter la bonne nouvelle
Rien n’empêche les adultes de s’y mettre également. Après tout, la programmation repose normalement sur des principes de logique, et il n’est jamais trop tard pour s’y mettre.
L’idée n’est pas nouvelle : plusieurs organismes existent déjà, un peu partout dans le monde, pour rapprocher les enfants de l’univers du code informatique. Au Canada, on parle entre autres de Kids Code Jeunesse, un organisme bilingue qui dit vouloir «faire découvrir aux enseignants, aux parents et aux membres des communautés des outils d’enseignement intuitifs et encourager les expériences pédagogiques stimulantes pour tous».
À vue de nez, l’idée n’a aucun inconvénient : après tout, plaident plusieurs médias comme la CBC et Wired, apprendre à coder est essentiel pour se démarquer dans un marché du travail où de plus en plus d’emplois nécessitent une connaissance importante du monde de l’informatique. Le fait de combiner le divertissement et l’enseignement est sans doute aussi la meilleure solution qui soit. Jeux de société, jeux vidéo, fusion entre les blocs Lego et la programmation, applications mobiles…
Rien n’empêche les adultes de s’y mettre également. Après tout, la programmation repose normalement sur des principes de logique, et il n’est jamais trop tard pour s’y mettre.
Trouver la place
Le hic, dans tout cela, est que le curriculum scolaire est déjà très fortement garni. À preuve, tous les organismes et programmes servant à rapprocher enfants et code informatique sont de l’ordre du parascolaire ou de l’entreprise privée. Comme le précise un article de Québec Science publié l’an dernier, les cours d’informatique sont en fait passés dans le tordeur dans le cadre de la réforme scolaire de 2005.
Et donc, si l’on veut que les enfants apprennent à coder, il faudra faire un choix : que faut-il couper dans l’horaire scolaire pour y insérer des heures d’enseignement de la programmation informatique? Qui formera les maîtres? Faudra-t-il embaucher de nouveaux enseignants, alors même que le gouvernement clame haut et fort qu’il est nécessaire de se serrer la ceinture, et que la quasi-totalité des employés de la fonction publique dispose de mandats de grève dans le cadre des négociations des nouvelles conventions collectives?
La question ne concerne pas la nécessité d’apprendre les bases de la programmation informatique. Nous sommes en 2015, dirait Justin Trudeau : ne serait-ce que pour résoudre un problème sur un blogue ou un site web, il est essentiel de connaître des rudiments de langage informatique. Le fait est, cependant, que l’apprentissage de l’informatique et de la programmation semble être placé en adéquation avec les matières plus «traditionnelles».
«Oubliez les langues étrangères et la musique. Apprenez à coder à nos enfants», titrait Wired dans le cadre d’un long papier publié en septembre 2013. Il fallait peut-être susciter la controverse pour vendre de la copie, certes, mais cette vision dualiste du monde rappelle le peu regretté gouvernement Harper qui désirait se concentrer sur les innovations scientifiques et technologiques profitant directement à l’entreprise privée. Ou encore le gouvernement Couillard qui s’engageait, en 2014, à «assouplir la bureaucratie pour les commissions scolaires et les cégeps afin qu’ils puissent offrir plus rapidement des formations répondant aux demandes du marché».
Jouer pour apprendre
En ce sens, l’heure de code Minecraft est certainement l’un des aspects de la meilleure solution au problème. Si le temps manque à l’école, pourquoi ne pas investir le champ des loisirs? Les gens qui jouent à Minecraft y consacrent déjà plusieurs heures par semaine : le moment est idéal pour leur inculquer des notions de programmation. L’idée fait penser au roman L’Âge de diamant de Neal Stephenson, l’un des piliers du mouvement cyberpunk. Dans ce livre, l’héroïne trouve un livre interactif lui permettant d’apprendre le langage informatique à l’aide d’une analogie avec des chaînes et des roues dentées qu’il faut «programmer».
Car sans enfants s’intéressant suffisamment à la programmation pour reprendre le flambeau des concepteurs de jeux, nous risquons fort bien d’empêcher l’éclosion d’idées originales, et être condamnés à une éternité de franchises répétées jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Il aura fallu moins de 20 ans pour qu’une idée d’un auteur d’anticipation passe de la fiction à la réalité : les enfants apprennent à coder, et l’apprennent bien souvent par le biais d’activités ludiques. La ludification à bon escient, si l’on veut. Pas question de vendre des produits supplémentaires, ici, ou de stimuler l’appartenance à une marque, mais plutôt d’ouvrir toutes grandes les portes d’un univers où tout est possible.
Bien entendu, Mojang pourrait bien vendre quelques copies supplémentaires de Minecraft grâce à cette initiative, mais c’est surtout le propre avenir du secteur du jeu vidéo que les concepteurs de l’heure de code veulent assurer. Car sans enfants s’intéressant suffisamment à la programmation pour reprendre le flambeau des concepteurs de jeux, nous risquons fort bien d’empêcher l’éclosion d’idées originales et révolutionnaires, et être condamnés à une éternité de franchises répétées jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Que la leçon commence, donc!