Je suis chanceux dans la vie. Notamment dans ma vie sur Internet. Contrairement à certains collègues et amis, je n’ai jamais été menacé de mort sur Twitter et je n’ai jamais eu besoin d’appeler la police pour mettre fin à du harcèlement en ligne.
J’ai peur que, la prochaine fois que j’écrirai quelque chose le moindrement controversé, ou même de pas controversé une miette, quelqu’un, quelque part, sautera les plombs et décidera de transformer ma vie en cauchemar.
En fait, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où j’ai reçu des commentaires violents ou dénigrants après avoir publié un billet sur Internet – et à vue de nez, je dois en avoir publié plus de 5 000. J’ai même la chance d’avoir régulièrement des échanges agréables et stimulants avec des gens dont les convictions politiques sont aux antipodes des miennes, c’est bien pour dire jusqu’à quel point je suis chanceux.
Et pourtant, j’ai peur.
J’ai peur que, la prochaine fois que j’écrirai quelque chose le moindrement controversé, ou même de pas controversé une miette, quelqu’un, quelque part, sautera les plombs et décidera de transformer ma vie en cauchemar.
De l’omniprésence de la méchanceté
C’est ce qui est arrivé, il y a quelques mois, à l’actrice Michelle Borth, qui vient de quitter son rôle dans Hawaii 5-0. Harcelée par des «fans» un peu trop enthousiastes qui trouvaient qu’elle ne leur consacrait pas assez de temps, à eux et à leurs «fan sites». Ou quelque chose du genre; il est toujours difficile de cerner les motivations exactes de ces gens-là.
C’est aussi ce qui est arrivé à Deontay Wilder, dont la femme et la fille handicapée ont été les cibles d’un fou furieux sur les réseaux sociaux.
C’est aussi ce qui est arrivé à la trentaine de victimes présumées d’un ti-cul de 16 ans qui s’amusait à envoyer l’escouade tactique chez les gens en les accusant de mener des prises d’otages.
Bien sûr, ce genre de comportement abominable n’est pas nouveau. Le quorum de trolls sur les vieux forums Usenet que je fréquentais au tournant des années 1990 était déjà assez navrant, merci, et la première étude sur le comportement des joueurs dans les mondes virtuels estimait à 15 ou 20% la proportion de griefers, ceux qui n’étaient là que pour nuire à l’expérience d’autrui et qui payaient temps et argent pour ce privilège.
Mais le fait que la goujaterie en ligne soit vieille comme le monde virtuel ne constitue pas une raison pour l’endurer, n’est-ce pas?
Des conséquences de la méchanceté
Heureusement, parfois, les choses tournent bien. Le ti-cul obsédé par le SWAT a été arrêté par la police. La compagnie qui avait harcelé un utilisateur ayant publié un commentaire négatif sur Amazon après avoir eu une mauvaise expérience avec son produit a été bannie du site. Et Deontay Wilder, qui s’adonne à être un boxeur poids lourd classé 7e au monde par Boxrec (fiche : 31-0, 31 knockouts), a infligé une bonne correction à son propre troll lorsque celui-ci a eu la mauvaise idée d’aller l’affronter, en toute connaissance de cause, dans un gym de Los Angeles.
Mais pour chaque Deontay Wilder, combien de victimes qui n’ont pas les moyens de se défendre et qui ne dorment plus la nuit?
Un appel aux armes
Alors, si vous voyez ou que vous subissez de l’intimidation, dénoncez. Il y a plus de gens derrière vous que vous ne le pensez.
Et si vous êtes aussi chanceux que moi et que votre vie numérique et celles de vos proches se portent à merveille, prenez quelques minutes pour envoyer un gentil tweet à quelqu’un que vous ne connaissez pas, mais dont vous appréciez le travail ou l’engagement social. Non seulement vous lui ferez le plus grand bien, mais vous contribuerez peut-être à la survie de l’Humanité.
Parce qu’un jour ou l’autre, des extra-terrestres finiront bien par débarquer sur Terre. Et il faudra bien leur prouver que les commentaires sur YouTube ne représentent qu’une minorité de l’expérience humaine si on veut éviter qu’ils ne s’empressent de stériliser la planète.