Jeudi 11 juillet, minuit, Studio Hydro-Québec du Monument-National. Avec une demi-heure de retard (le spectacle d’avant a fini plus tard), nous entrons dans la salle et nous asseyons à une petite table bancale, prêts à découvrir le Showeb, cette étrange bête censée présenter «le meilleur et le pire du web» dans une formule combinant vidéos virales, personnages incarnés par Mathieu St-Onge et interventions d’un invité surprise.
Les animateurs de la soirée, Joseph Elfassi et Dave Morgan, n’en sont pas à leur première collaboration. Le premier a filmé les vox-pop du second pendant un an pour le site de Bombe.tv, et lorsque Morgan, humoriste de la relève et participant de l’édition 2013 d’En route vers mon premier gala Juste pour rire, a lancé l’idée d’un spectacle axé sur le Web, les deux amis ont décidé de la développer. Le concept a encore évolué avec l’arrivée de Mathieu St-Onge dans le processus de création.
«On voulait faire un spectacle assez accessible qui traite du Web comme une culture en soi, pas underground, pas hacker, pas anonyme, mais une culture réelle, et c’était important pour nous», explique Elfassi, ce touche-à-tout de l’image et des mots (photographe, réalisateur, rédacteur, etc.) et ancien animateur pour Petit Petit Gamin.
Complicité et interactivité
À plus d’une reprise, j’ai eu l’impression de me trouver dans un party de sous-sol avec une gang de gars un peu pompettes qui s’amusent ferme et désirent partager leur plaisir. Car qui dit 2.0, dit partage et interactions.
Le Showeb présente en effet quelques icônes du Web québécois pour illustrer cette culture qui n’en est encore qu’à ses balbutiements. Elfassi utilise entre autres la populaire vidéo de l’anniversaire de Kevin pour analyser les éléments contribuant à la viralité d’un contenu Web. Malgré un débit haute-vitesse, les animateurs ont su rapidement créer une complicité avec le public en riant ouvertement de leurs maladresses. Cette atmosphère de connivence et le ton bon enfant font la grande force du spectacle. À plus d’une reprise, j’ai eu l’impression de me trouver dans un party de sous-sol avec une gang de gars un peu pompettes qui s’amusent ferme et désirent partager leur plaisir. Car qui dit 2.0, dit partage et interactions.
Une portion du spectacle nécessite en effet la participation de la salle, comme le rappelle Elfassi : «On a toute une partie qui est carrément interactive donc, mis à part nos performances écrites et prédéterminées, on a une bonne demi-heure qui dépend des dieux, c’est à dire du public, et sur notre capacité à capitaliser là-dessus.» Jeudi dernier, nous avons été invités à soumettre les noms d’amis Facebook dont nous désirions gentiment nous moquer par le biais des animateurs. Malheureusement, ce genre de performance est assez casse-gueule puisqu’elle repose sur la présence en ligne desdits amis, loin d’être garantie à une heure aussi tardive un soir de semaine. On apprécie néanmoins l’idée.
Gab Roy et Madame Coucoune : malaise et vulgarité
Chaque représentation du Showeb a son invité surprise. Le soir de notre passage, Gab Roy a été fidèle à sa réputation de provocateur. Après avoir brièvement mentionné ses déboires avec Pat Vaillancourt et sous-entendu que ce dernier pouvait surgir à tout moment dans la salle pour l’abattre (justifiant ainsi le port d’un faux gilet pare-balles qui ressemblait davantage à un plastron thoracique maison), Roy a tenu à partager un de ses coups de cœur vidéo : un reportage d’Info Afrique sur le lancement de la fusée congolaise Troposphère 5. S’il est assez drôle pour les nantis que nous sommes de constater l’excitation du vice-premier ministre devant cette fusée rudimentaire, je me serais bien passée du commentaire de Roy sur l’ingénieur congolais et sa boîte à outils plutôt minimaliste : «Ça pis un singe qui fouille dans une fourmilière avec un bâton…» Gros malaise. Heureusement, ce segment du spectacle n’a duré que quelques minutes.
Mathieu St-Onge, qui s’était jusque-là contenté d’incarner quelques personnages pour appuyer les propos de Morgan et Elfassi, s’est ensuite amené sur scène dans son déguisement de Madame Coucoune. Le personnage trash de femme du troisième âge a lancé des blagues éculées sur les sites de rencontre et la pornographie sur Internet. Maladroit et inutile, le numéro est tombé carrément dans la vulgarité gratuite lorsque Madame Coucoune a simulé une fellation en s’enfonçant profondément un godemiché dans la bouche. Je n’avais qu’une envie : sortir de la salle et aller me chercher un autre verre de vin.
La fin du spectacle était plus légère, avec des extraits de chansons populaires adaptées à la sauce 2.0 comme «On va se liker encore». Rien de renversant, mais le public a semblé apprécier.
Un spectacle évolutif
L’interactivité avec le public et l’invité surprise, qui changent à chaque représentation et amènent leur grain de sel, font du Showeb un spectacle dont on ne peut prédire le succès ou l’échec sur la base d’une soirée. Il faut tenter l’expérience et accepter d’être le cobaye d’une formule originale calquée sur le Web, en constante évolution. Pour ma part, malgré quelques maladresses et irritants, j’ai tout de même trouvé l’initiative bien sympathique.
Les prochaines représentations du Showeb auront lieu les 18, 19 et 20 juillet à 23h30, au Studio Hydro-Québec du Monument-National.