Je dois avouer que plus le temps passe, plus je me sens hors normes, aux limites de la marginalité techno. Alors que je suis les nouvelles technologiques et vidéoludiques depuis longtemps, j’ai toujours refusé d’avoir un téléphone cellulaire. Voici en quelques lignes les raisons pour lesquelles je m’obstine à ne pas rentrer dans ce moule.
Disponible 24/7? Sûrement pas!
N’avez-vous pas déjà assez de choses à gérer pour devoir en plus filtrer vos appels et décider qui mérite votre attention à un moment ou à un autre?
Depuis quand, dans l’histoire de l’humanité, quelqu’un a-t-il décrété qu’il fallait être accessible et joignable, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tous les jours de l’année, pour tous et n’importe qui? C’est un peu ce qui pend au nez et qui arrive généralement à tous les propriétaires de téléphones mobiles. Lorsque l’on vous appelle, que l’on vous texte ou que l’on vous écrit, avouez qu’il est souvent difficile – voire tout le temps – de ne pas décrocher ou répondre, et ce, quel que soit le contexte. Difficile de résister à l’envie d’apprendre que quelqu’un s’intéresse à vous ou de connaître les derniers développements du dossier X ou Y ou encore les derniers ragots.
Bien sûr, on me répliquera que l’on n’est pas obligé de répondre et que l’on peut laisser la boîte vocale se charger de filtrer le tout. Mais sincèrement, n’avez-vous pas déjà assez de choses à gérer pour devoir en plus filtrer vos appels et décider qui mérite votre attention à un moment ou à un autre? Je m’adresse principalement à tous les lemmings qui marchent la tête baissée dans leur écran comme si leur vie en dépendait, alors même qu’ils traversent une route tout ce qu’il y a de plus réelle et dangereuse.
Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je passe déjà énormément de temps (trop) devant un écran d’ordinateur, alors prolonger l’expérience dès que je mets le nez dehors… Non merci. Le virtuel a du bon, d’accord, mais le monde qui vous entoure aussi. Le cellulaire n’est pas un succédané artificiel du cordon ombilical qui vous reliait à votre mère. Pour certains, sans lui, aucune vie n’est possible. Mais je vous jure du contraire. La preuve : on vous le coupe à la naissance.
Penser autrement, c’est possible
Détrompez-vous, car contrairement à ce que peut laisser penser ce texte, je ne suis pas un réac rétro antiprogrès. Comme tout dans la vie, «la vertu est dans le juste milieu». Malheureusement, comme d’habitude, les humains, ça, ils ne connaissent pas.
Il faut dire qu’on ne les aide pas trop à penser autrement puisque nos vies ne sont dictées que par nos rythmes de consommation. Vous n’avez pas le dernier téléphone, vous êtes automatiquement un has been ou trop pingre pour être au top. Comme dans bien des domaines, ce que vous possédez détermine ce que vous êtes et les téléphones en sont un des exemples. Vous achetez telle marque, vous êtes comme ci, telle autre, vous êtes comme ça.
De plus, la fameuse obsolescence programmée de ces maudites machines ne fait rien pour arranger les choses au nom du sacro-saint progrès technologique. L’absurdité est rendue au point où pour dépenser plus vite votre argent, vous devez acheter un nouveau gadget plus cher. Malin et terriblement efficace. Refuser les téléphones cellulaires, c’est un peu refuser un modèle de société où vous n’êtes bon qu’à consommer. Cette brutale épiphanie s’est révélée lorsqu’avec un simple lecteur MP3 pouvant aller sur Internet, je me suis rendu compte que le système réussissait à me faire dépenser de l’argent même allongé dans mon lit.
Non. Trop, c’est trop. Je ne suis pas un portefeuille ambulant. Un outil doit rester un outil.
Ce n’est pas un service essentiel, mais du vol
Au Québec et au Canada en général, les prix des forfaits sont incroyablement élevés si on les compare aux tarifs des autres pays développés du globe. On se fait littéralement voler quand on voit les profits qui sont dégagés par les compagnies de télécom pour des services, qui sont, il faut bien l’avouer, très moyens.
À l’heure où Internet est devenu un service essentiel au même titre que l’accès à l’eau, quand le téléphone le deviendra-t-il? Je m’attends à voir bientôt en plus de votre numéro d’assurance sociale, un numéro de téléphone accolé à votre nom à vie, histoire d’être sûr de ce que vous dites, faites, où et avec qui. Si l’on n’essayait pas par tous les moyens de soutirer la moindre information personnelle et la moindre cenne virtuelle de mes poches par l’appareil qui s’y trouve, je pourrais éventuellement changer mon point de vue. Mais ce stratagème n’est pas sur le point de disparaître.
Les maudites montres connectées
Comme si ce n’était pas suffisant, voilà maintenant que les manufacturiers et autres vendeurs de services en tous genres veulent nous faire acheter des montres. Attention, pas n’importe quelles montres. Des montres qui nécessitent un téléphone pour fonctionner, qui lui nécessite un forfait quand la montre n’en demande pas un supplémentaire.
La boucle est bouclée. Une fois que vous avez mis le doigt dans l’engrenage, vous êtes foutu. Encore une fois, ces marchands du temple du 21e siècle ont réussi à créer des besoins là où il n’y en avait pas et nous, on fonce tête baissée et portefeuille grand ouvert. Alors que désormais, n’importe quel gamin demande un cellulaire tandis qu’il n’est pas foutu de faire une phrase sans faute, c’est tout un modèle de société véhiculé par ces petites machines vicieuses qui s’immisce dans nos vies et qui dénature totalement nos rapports sociaux.
Je vous garanti que si vous donnez autant d’attention aux personnes qui vous entourent physiquement que vous en donnez à vos «amis» virtuel, vous vivrez moins stressé et plus heureux. Mais pour ça, il faudrait d’abord que vous forciez à relever la tête de votre téléphone pour profiter du monde qui vous entoure.