Ce sont les mesures de tendance centrale qui comptent, pas les noirs secrets qui se cachent dans les âmes individuelles. C’est Hitachi qui le dit, alors ça doit être vrai.
Votre employeur veut votre bonheur. Si, si, vraiment.
Bon, peut-être pas assez pour vous donner une augmentation de salaire qui couvre plus que la moitié de l’inflation, et peut-être pas non plus assez pour vous laisser rentrer chez vous avant l’heure du coucher de vos enfants plus d’une fois par trimestre, mais il veut votre bonheur quand même.
C’est pour cela qu’il vous fera bientôt porter un moniteur qui mesurera votre état d’esprit 50 fois par seconde et qui enverra toutes ces données à un gros serveur, Big Data Style.
C’est gentil, quand même.
Dekossé?
Théorie du complot? Pas selon cet article du très sérieux Wall Street Journal, qui affirme que la compagnie Hitachi s’apprête à mettre sur le marché cette pièce d’informatique vestimentaire plus ou moins recommandable.
L’appareil, de la taille et de la forme d’une carte d’accès comme on en voit dans tous les bureaux, serait apparemment capable de déterminer l’humeur de son porteur en analysant sa démarche, la vitesse à laquelle il tape au clavier, la manière dont il bouge la tête, etc. Impossible de vous en dire plus parce que la recette exacte est, bien entendue, secrète. Un algorithme commercial, c’est privé. Ce n’est pas comme l’arythmie cardiaque d’une analyste-programmeuse surmenée qui vient encore de perdre 90 minutes dans une réunion foireuse, genre.
Inquiétez-vous pas, Pôpa s’occupe de toute!
Mais rassurez-vous : toute cette masse de données ne servira qu’à produire des agrégats pour savoir si la faune qui partage votre bureau est, dans son ensemble, toute guillerette ou à la limite de la déprime. Ce sont les mesures de tendance centrale qui comptent, pas les noirs secrets qui se cachent dans les âmes individuelles. C’est Hitachi qui le dit, alors ça doit être vrai.
Par exemple, on pourrait changer le contenu du bol de fruits frais de la réception, puis vérifier si le bonheur national brut augmente ou diminue et ajuster la prochaine commande d’épicerie en conséquence. Pas question, par contre, de permettre à Big Bobosse de mettre son nez dans les données individuelles pour identifier un éventuel fauteur de trouble et le jeter dans la fournaise avant qu’il ne fasse «rentrer le syndicat dans shoppe».
Promis, promis.
La fin du monde arrive par quel bateau?
C’est cher, mais il faut bien que quelqu’un paie la prime d’assurance contre les violents coups de marteau que n’importe quel individu normal assénerait à un machin pareil, trois dixièmes de seconde après l’avoir reçu des mains du directeur des ressources humaines.
Les entreprises canadiennes intéressées par cette drôle d’application du big data devront faire preuve de patience. Le système d’Hitachi sera d’abord offert sur le marché japonais, où les entreprises qui voudront s’en prévaloir devront louer les moniteurs pour la modique somme de 100 000 yens (environ 1 000$) par année. C’est cher, mais il faut bien que quelqu’un paie la prime d’assurance contre les violents coups de marteau que n’importe quel individu normal assénerait à un machin pareil, trois dixièmes de seconde après l’avoir reçu des mains du directeur des ressources humaines.
Quant à moi, mon climatiseur central est un Hitachi. Jusqu’ici, il ne m’a jamais semblé particulièrement curieux, mais je pense que je vais quand même m’arranger pour déménager avant l’été, juste par précaution.