Si vous suivez l’actualité vidéoludique du côté anglophone du web, vous avez peut-être déjà pris connaissance de Undertale. Il y a quelques semaines, le blogue consacré aux jeux vidéo de Forbes s’amusait à souligner notamment que le jeu avait surpassé le mythique Half-Life 2 sur le palmarès de Metacritic. Un exploit certes plus facile avec un nombre plus modeste de critiques à son actif.
Toujours est-il que le jeu a récolté des notes parfaites sur plusieurs sites dont Giant Bomb et The Jimquisition, tandis que sur Steam, Undertale conserve une note quasi-parfaite même après plus de 3 500 évaluations.
Undertale, qu’est-ce que ça mange en hiver?
Undertale est le premier jeu créé par Toby «Radiation» Fox, un compositeur de musique électronique qui a contribué plusieurs morceaux pour les animations et segments interactifs qu’on retrouve dans le populaire webcomic hybride Homestuck. Soutenu par une campagne de sociofinancement ayant récolté un peu plus de 50 000$ (un budget humble pour un projet tout aussi modeste), le jeu est sorti avec plus d’un an de retard – comme semble le vouloir la coutume pour les projets Kickstarter.
Disons les choses comme elles le sont : en tant que jeu de rôle créé avec RPG Maker (oui oui, ça existe encore), Undertale ne récoltera pas de prix pour sa réalisation technique. Avec ses éléments 2D délibérément simples, il n’est pas sans rappeler l’esthétique charmante d’Earthbound, bien qu’il se permette quelques fioritures qui n’auraient pas été réalisables sur les consoles d’antan. Le talent musical de Toby Fox brille à travers le jeu, grâce une trame sonore variée qui flirte tantôt avec l’esthétique rétro, tantôt avec une instrumentation plus classique.
Le talent musical de Toby Fox brille à travers le jeu, grâce une trame sonore variée qui flirte tantôt avec l’esthétique rétro, tantôt avec une instrumentation plus classique.
De fait, c’est plutôt par sa jouabilité qu’Undertale se démarque des autres propositions du même acabit, à commencer par son système de combat. Avec sa perspective subjective et sa narration constante, celui-ci rappelle Dragon Quest ou Earthbound, mais avec un penchant plus actif à la Mario & Luigi. Chaque fois qu’un ennemi attaque, le joueur a la possibilité d’esquiver l’offensive en complétant un mini-jeu digne de WarioWare. On perçoit un véritable enthousiasme pour le jeu vidéo à travers ces mini-jeux, avec des hommages évidents aux jeux de tir 2D de type bullet hell (pensez Ikaruga), aux jeux de rythme (comme Dance Dance Revolution) et jeux de plateformes.
Pour mettre fin aux affrontements, deux options s’offrent aux joueurs : ceux qui optent pour la voie belliqueuse devront maîtriser un mini-jeu de timing qui n’est pas sans rappeler un simulateur de golf, tandis que ceux qui choisissent le pacifisme devront trouver l’approche parfaite pour désamorcer chaque adversaire. Dans un système qui rappelle la série Shin Megami Tensei, où le héros pouvait négocier avec l’ennemi pour le faire changer de camp, les joueurs ont accès à toute une gamme d’actions menant à des réactions plus absurdes les unes que les autres : selon la créature, ils pourront jaser, insulter, encourager, flirter, flatter, manger, ignorer… la liste est impressionnante!
Jouer avec les conventions
Ainsi, c’est d’abord par son système de combat que le jeu devient très intéressant pour ceux qui apprécient les mécaniques de jeu : selon le chemin choisi – pacifique, belliqueux, ou un hybride des deux – un grand nombre d’éléments dans le scénario et dans l’expérience du jeu en général pourront changer. Comme le joueur ne récolte aucun point d’expérience lorsqu’il choisit la voie pacifique, la tentation peut être forte de vouloir vaincre quelques ennemis pour gagner en points de vie et en force. Toutefois, celui qui voudra voir toutes les conclusions possibles au scénario (la quête durant environ six heures) devra nécessairement relever le défi sans jamais vaincre un ennemi.
Avec cette structure, Undertale remet en question les notions de difficulté et de progression propres au genre. Les éléments classiques du jeu de rôle, comme le renouvellement constant de l’inventaire, l’acquisition de nouvelles habiletés, le gain en niveaux, sont réduits à leur plus simple expression, lorsqu’ils ne sont pas complètement virés à l’envers ou abordés avec moquerie.
Parce qu’une grande partie de sa production se résume à son écriture et à son visuel 2D, Undertale peut se permettre d’aller à contre-courant des productions à grand déploiement.
Trop souvent, les jeux AAA ont tendance à sacrifier une partie de la flexibilité pour conserver la qualité cinématique de l’expérience et du scénario imaginé par les concepteurs, ou à offrir des choix qui ne sont différents qu’en surface.
Dans les jeux à grand budget, tout est généralement conçu, calibré et «focus-testé» de façon à ce que le joueur voit le plus de contenu possible, afin de rentabiliser les ressources investies dans la création de celui-ci. Trop souvent, ces jeux ont tendance à sacrifier une partie de la flexibilité pour conserver la qualité cinématique de l’expérience et du scénario imaginé par les concepteurs, ou à offrir des choix qui ne sont différents qu’en surface.
Par exemple, dans Final Fantasy XIII, les développeurs ont retiré pratiquement tout le contrôle que les joueurs avaient sur les actions des héros pour leur donner un rôle de commandant d’ensemble, afin d’éviter de compromettre le rythme et la présentation des combats. D’autres jeux de rôle abandonnent carrément le carcan du système de commandes pour se réorienter comme jeu d’action, à l’instar de la série Mass Effect.
De son côté, Undertale se démarque plutôt par son côté flexible et réactif; il est rempli de petits détails, d’extras et de secrets qui ne se dévoileront qu’en fonction de l’approche choisie par le joueur. Bien que le scénario puisse être exploré plus d’une fois, il n’est pas nécessaire d’éterniser son séjour pour apprécier les qualités de ce jeu.
En cours de route, le joueur découvrira un univers bien ficelé, rempli de personnages étranges et attachants. Si le sens de l’humour de l’auteur en déroutera plus d’un avec ses références à divers mèmes, anime et autres webcomics, tous pourront apprécier les quelques moments étonnamment touchants et inspirants qui font d’Undertale une agréable petite surprise automnale.