Au premier abord, le prix, bien qu’il s’inscrive dans une certaine tendance haussière dans le domaine sélect des jeux AAA, a malgré tout un petit côté absurde, surtout pour Call of Duty. Après tout, qui voudrait dépenser tant d’argent pour acheter un jeu à l’avance, d’abord, et qui plus est, pour un jeu qui ne sera sans doute qu’une variante légèrement modifiée de pratiquement tous les autres titres du même nom parus depuis une dizaine d’années au bas mot?
Un jeu AAA se détaille aux alentours d’une soixantaine de dollars US, soit un prix qui n’a pratiquement pas varié depuis l’époque de la NES.
Au-delà de l’indignation de pure forme, néanmoins, la question du prix et de la rentabilité des jeux vidéo se pose, particulièrement pour les titres sur PC. En effet, un jeu AAA se détaille actuellement aux alentours d’une soixantaine de dollars américains, que ce soit pour les consoles ou sur ordinateur. Un prix élevé, oui, mais aussi un prix qui n’a pratiquement pas varié depuis l’époque de la NES et des jeux en 8 bits. Cette tendance est non seulement contraire à la simple force de l’inflation, mais est également néfaste pour les studios de développement eux-mêmes.
Il n’y a pas de raison de s’inquiéter pour Activision, l’éditeur de la série Call of Duty, alors que la popularité de ces titres ne se dément pas. Lors de la sortie de Black Ops II en 2012, le jeu s’est écoulé à 27,4 millions d’exemplaires, et ce en date de la fin octobre 2014. Au total, Wikipédia avance le chiffre du milliard de dollars américains en recettes en seulement 15 jours, dont 500 millions de dollars US en 24 heures!
La pilule amère du DLC
Pour d’autres jeux ayant moins la faveur du public, il faut redoubler d’ardeur pour écouler les stocks. Les jeux s’avérant souvent de plus en plus chers à produire, exigences graphiques et nouvelles fonctionnalités obligent, et la très faible inflation des prix entraîne l’adoption de mesures plus «extrêmes».
Voilà donc pourquoi on assiste à une montée de plus en plus marquée du prix de vente au lancement, en plus de la multiplication des contenus téléchargeables, y compris des DLC disponibles lors d’un préachat. La pratique est décriée par bon nombre de joueurs, qui y voient une simple machine à fric et un acte de mesquinerie de la part du studio qui pourrait carrément intégrer ce contenu «supplémentaire» à la version du jeu disponible au lancement, mais le geste pourrait retrouver partiellement ses lettres de noblesse en offrant aux développeurs et éditeurs la possibilité de récupérer leurs investissements.
Un autre aspect de la même solution consiste à offrir un jeu en version bêta, ou encore même en version alpha, soit aux toutes premières étapes du développement, dans l’espoir de susciter un engouement suffisamment et d’obtenir assez de fonds pour poursuivre l’aventure. Planetary Annihilation avait emprunté cette voie pendant et après sa campagne Kickstarter. Pour obtenir tous les «avantages» offerts, il fallait dépenser près de 100$ US. Acheté lors d’une vente pour un maigre 6$ US, le jeu en vaut sans doute 10, voire 15. Difficile, sans disposer d’informations complètes, de prendre une décision éclairée. Il y avait bien les versions de démonstration, à l’époque… mais celles-ci ont progressivement été remplacées par ces fameux «early access» pour lesquels il faut payer. Le YouTubeur Jim Sterling prend d’ailleurs un plaisir masochiste à évaluer ces jeux disponibles en accès préliminaire sur Steam, bien souvent pour le pire, et non le meilleur.
Que faire, alors, avec cette folie haussière du prix des jeux? Dans un univers où l’information et le journalisme sont de plus en plus considérés comme inutiles, les reporters du domaine du jeu vidéo ont ici l’occasion de faire la différence en indiquant s’il est nécessaire de payer le plein prix pour un jeu, ou s’il vaut mieux la peine d’attendre une vente en ligne. Ce phénomène est particulièrement vrai sur PC, alors que les multiples plateformes (Steam, Origin, GOG, Green Man Gaming, Humble Bundle, et cetera) se disputent la clientèle à grands coups de promotions et d’achats groupés. Ironiquement parlant, cette recherche des bas prix peut carrément nuire aux revenus d’une entreprise; l’idée pourrait être alors d’obtenir un engagement financier supplémentaire des joueurs en publiant des DLC.
Pari risqué
Puisque ce désir d’obtenir des rabais ne disparaîtra pas de sitôt chez les joueurs, les développeurs de titres AAA risquent de subir la plus grande part du contrecoup découlant d’une éventuelle diminution des achats de jeux à plein prix. Il se produirait alors un «tassement» marqué dans l’industrie, les séries à succès (comme Call of Duty ou GTA par exemple) continuant d’engranger les millions, voire les milliards de dollars, tandis que les ballons d’essai pourraient frapper un mur.
L’espace laissé vacant pourrait-il alors être occupé par des développeurs indépendants mettant en marché des jeux pour une dizaine, ou vingtaine ou encore une trentaine de dollars? Paradox Interactive et Colossal Order ont réussi le tour de force de non seulement créer une nouvelle série de gestion urbaine avec Cities : Skylines, mais aussi de remporter leur pari et d’écouler plus d’un million de copies d’un jeu destiné à un public passablement restreint. Idem pour Subset Games et FTL, un autre beau succès qui se vend à seulement 10$ US, mais dont les coûts n’avoisinent certainement pas ceux d’Activision, d’Ubisoft ou de Rockstar.
Une autre solution? Produire un bon jeu. Mais cette option est sans doute la plus risquée du lot.
Tout sera donc une question d’équilibre entre les coûts de développement et le prix de vente. Misez trop gros, et vous risquez d’encaisser de lourdes pertes. N’investissez pas suffisamment pour produire un titre capable d’égaler les grands joueurs du domaine, et votre titre ira simplement orner une page Wikipédia.
Une autre solution? Produire un bon jeu. Mais cette option est sans doute la plus risquée du lot.