De passage à Brampton en Ontario pour l’inauguration du Vector Institute, un centre de recherche consacré aux domaines de l’apprentissage machine et l’apprentissage profond, Justin Trudeau a profité de l’occasion pour rappeler le rôle important que joue le Canada dans le secteur de l’intelligence artificielle, et de ce qui doit être fait pour ne pas perdre cet important avantage compétitif.
L’intelligence artificielle «façonnera le monde dans lequel nos enfants et petits-enfants grandiront».
«L’intelligence artificielle, ou plus précisément l’apprentissage machine, est un domaine de recherche qui a le potentiel de réellement transformer notre façon de vivre ou de travailler», a déclaré le premier ministre Trudeau. «De la même façon que l’électricité a révolutionné le secteur manufacturier, et que le microprocesseur a réinventé la façon dont nous colligeons, analysons, et transmettons l’information, l’intelligence artificielle transcendera presque toutes les industries au Canada. Elle façonnera le monde dans lequel nos enfants et petits-enfants grandiront».
«Nous pouvons faire partie de ce changement, aider à orienter sa direction et profiter des retombées en matière d’emplois qu’il créera pour la classe moyenne, ou nous pouvons laisser les autres pays intervenir. Ils embaucheront avec plaisir nos meilleurs étudiants et travailleurs les plus acharnés. Pourquoi s’en priveraient-ils? Nous sommes un terreau de certains des meilleurs talents au monde dans le domaine de l’intelligence artificielle. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cet avantage compétitif, et tous les bons emplois qui l’accompagnent.»
125 millions pour les cinq prochaines années
Dans son budget fédéral déposé la semaine dernière, le gouvernement libéral a prévu investir la somme de 125 millions de dollars d’ici les cinq prochaines années pour soutenir et encourager la recherche en intelligence artificielle, notamment à Edmonton, Montréal et Toronto.
«L’intelligence artificielle semble futuriste, et elle l’est», a poursuivi Justin Trudeau. «Mais c’est aussi un domaine où le Canada est reconnu comme un chef de file mondial, surtout à Montréal, Toronto, et Edmonton. Grâce au travail de scientifiques comme Yoshua Bengio, Geoffrey Hinton, et Richard Sutton, à bien des égards, les Canadiens sont les pionniers de l’intelligence artificielle. Ce que nous devons faire maintenant, c’est de s’assurer que nous ne perdons pas l’avantage compétitif que nous détenons déjà. Et c’est là que le budget dévoilé la semaine dernière entre en jeu.»
Ottawa a ainsi posé un premier geste cette semaine en finançant à la hauteur de 40 à 50 millions de dollars le nouveau centre de recherche du Grand Toronto. De son côté, la province de l’Ontario a annoncé un investissement de 50 millions de dollars, et le Vector Institute a pour sa part amassé la somme de 80 millions de dollars auprès d’une trentaine d’entreprises du secteur privé, dont Google, Nvidia, et Shopify.
«Ces investissements permettent au Canada de recruter, former et, le plus important, de garder les esprit talentueux nécessaires pour rester dans la course à l’intelligence artificielle dans les prochaines années», a ajouté le premier ministre.
Le nouveau centre de recherche pourra d’ailleurs compter un vétéran du domaine, Geoffrey Hinton, perçu par la communauté scientifique comme le «parrain» de l’apprentissage profond par ses travaux réalisés alors qu’il était professeur à l’Université de Toronto. Alors qu’il travaillait en Californie ces dernières années, il reviendra habiter au Canada pour diriger une équipe de recherche située dans les bureaux de Google à Toronto, en plus d’agir à titre de conseiller scientifique en chef du Vector Institute.
Lors de cette même conférence de presse, le premier ministre a précisé que les fonds prévus par son gouvernement en matière d’intelligence artificielle allaient également être distribués par le biais de 25 chaires de recherche universitaires à travers le pays.
Des inquiétudes soulevées au Sénat
Mais la volonté du gouvernement Trudeau d’assurer que le Canada demeure une superpuissance de l’intelligence artificielle soulève des questions, notamment sur les aspects plus sombres liés à son potentiel largement inconnu. Oui, il est encore une fois question d’un scénario digne de Terminator.
«Une même intelligence artificielle pouvant être vecteur de création peut également être vecteur de destruction», a affirmé Ian Kerr, titulaire d’une chaire de recherche du Canada en éthique, droit et technologie de l’Université d’Ottawa, lors d’une réunion ouverte du Sénat tentant d’évaluer les avantages et les inconvénients de l’exploration de l’intelligence artificielle et de la robotique.
«Nous parlons d’armes qui peuvent détecter, opérer, cibler et tuer sans intervention ni surveillance humaine. Déployer ces robots-tueurs serait de renoncer à leur contrôle en déléguant la décision de vie ou de mort à la machine elle-même.»
Dans son budget, le gouvernement fédéral a augmenté son soutien en matière de compétences et de formations dans le but d’aider les travailleurs à s’adapter aux changements à venir. Mais certains experts croient que le gouvernement devrait également se pencher davantage sur des questions d’ordre éthique.
«C’est très populaire, très actuel, et franchement très cool d’investir dans toutes ces technologies», a poursuivi Kerr à ce sujet lors d’une entrevue à Global News. «Mais je crois que nous devons également élaborer une feuille de route claire, savoir jusqu’où nous voulons aller et avoir toujours une optique éthique, qui par sa nature, sera toujours prudente et sceptique, et non simplement enthousiasmé par les développements technologiques.»
Kerr a toutefois admis que le concept de robots-tueurs était probablement qu’une crainte futuriste liée à l’univers de la science-fiction. Il maintient toutefois que la prudence est de mise, le domaine de l’intelligence artificielle évoluant rapidement.