Alors qu’au Canada, le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi C-51, qualifié de «Patriot Act sur les stéroïdes» par le lanceur d’alerte Thomas Drake, la Cour d’appel des États-Unis vient de rendre son verdict concernant le controversé programme de cybersurveillance imposé aux citoyens par la National Security Agency.
La NSA a eu tort de croire qu’elle est autorisée en vertu du Patriot Act de collecter les registres téléphoniques de millions d’Américains.
Selon le tribunal, contrairement à ce que les gouvernements Bush et Obama ont longtemps maintenu, la NSA a eu tort de croire qu’elle est autorisée en vertu du Patriot Act de collecter les registres téléphoniques de millions d’Américains. Les lois sur lesquelles s’est appuyée l’agence de renseignement pour mettre en place une telle collecte «n’ont jamais été interprétées pour autoriser quelque chose qui s’approche de l’ampleur de la surveillance généralisée en question ici».
Cette décision, qui survient alors que le Congrès américain débat toujours de la question quant à savoir s’il devrait mettre fin au programme, ou y apporter des modifications, s’inscrit dans le cadre d’un procès intenté contre la NSA et le FBI par l’American Civil Liberties Union, à la suite des divulgations sur les vastes programmes de cybersurveillance du lanceur d’alerte Edward Snowden.
Mauvaise interprétation de la loi
Dans son jugement, le panel de trois juges de la Cour d’appel déclare que la disposition du Patriot Act qui permet au Federal Bureau of Investigation de recueillir les registres d’entreprises qualifiés de pertinents dans le cadre d’une enquête antiterroriste ne peut être légitimement interprété comme autorisant la collecte en vrac systématique des registres d’appels de citoyens.
C’est la première fois qu’un tribunal de grande instance du système judiciaire américain se prononce sur le programme, alors que celui-ci a été à maintes reprises approuvé en secret par un tribunal de sécurité nationale depuis 2006.
En déclarant le programme illégal, les juges ont déclaré : «Nous sommes confortables avec cette décision, et rendons ce jugement en comprenant parfaitement que si le Congrès choisit d’autoriser un tel programme d’envergure et sans précédent, il a toute les chances de le faire, et de le faire sans ambiguïté.»
La Cour d’appel n’a toutefois pas rendu de décision concernant une autre plainte de l’American Civil Liberties Union, alléguant que le programme aurait également violé la Constitution des États-Unis. Elle a récemment infirmé une décision rendue en décembre 2013 par un juge de la Cour fédérale qui ne remettait pas en cause la légalité du programme. Des poursuites parallèles sont actuellement en attente de deux autres jugements de la Cour d’appel.
Aucune injonction pour ordonner l’arrêt du programme
Malgré son verdict, le tribunal a refusé d’émettre une injonction ordonnant l’arrêt du programme, étant donné que celui-ci sera échu le 1er juin prochain, et que les législateurs débattent actuellement sur la possibilité d’une réforme de la loi.
Le tribunal croit que «à la lumière des intérêts de la sécurité nationale invoqués qui sont en jeu, nous jugeons qu’il est prudent de faire une pause afin de permettre au Congrès de débattre de la question, qui pourrait (ou non) modifier profondément le paysage juridique».