Les pirates ont-ils tué les clubs vidéo de répertoire?

Alors que les clubs de location vidéo ferment les uns après les autres, l'offre des services de transmission vidéo semble principalement concentrée sur les superproductions hollywoodiennes.

C’est un article de la chroniqueuse Chantal Guy qui a provoqué cette semaine une petite tempête dans le bénitier de la sacro-sainte culture québécoise. Dans son article intitulé «Lettre à la génération pirate», la chroniqueuse de La Presse faisait état de son désarroi devant la fermeture des clubs vidéo de répertoire comme feu Club Vidéo Beaubien et bientôt feu la Boîte Noire.

Cette réalité n’échappera à personne : les vidéoclubs sont dépendants des supports qu’ils louent. Et lorsqu’il n’y a plus de DVD à louer, et bien il n’y a plus de vidéoclub. Certains blâment le phénomène de la dématérialisation des supports. D’autres – comme Chantal Guy – poussent leur réflexion un peu plus loin et émettent l’idée qu’en disparaissant, les vidéoclubs emportent avec eux les vrais amoureux du septième art.

Dans son texte, la chroniqueuse distingue deux types de consommateurs culturels. D’un côté, les modernes, ceux pour qui le monde est toujours au bout d’un clic et pour qui le cinéma est un divertissement gratuit en «streaming». De l’autre, les anciens, les vrais cinéphiles qui ont vu La Maman et la Putain de Jean Eustache en VHS et qui sont tristes de voir disparaître les clubs vidéo.

Cette dichotomie est aussi vieille que la modernité; en effet, on oppose depuis plus de 200 ans les classiques ou anciens et les modernes. Prenez l’exemple de la peinture : le classique Ingres déclassé par le moderne Delacroix au début du XIXe siècle, puis le classique Delacroix déclassé par le moderne Courbet, puis le classique Courbet déclassé par le moderne Cézanne, etc.

En effet, le Web regorge de classiques, d’introuvables, de révélations. Philippe de Grosbois explique d’ailleurs que peu avant sa fermeture, il est allé chercher le film Norma Rae (1979) au Club Vidéo Beaubien, mais il n’y en avait aucune copie. Par contre, le torrent existe bel et bien.

Grand art et divertissement

Chantal Guy explique que c’est avec le vidéoclub que les anciens ont développé leur culture cinématographique : ne pouvant pas toujours mettre la main sur la dernière superproduction hollywoodienne, les clients se consolaient avec des films de répertoire. L’argument à de quoi faire sourire, car on ne vient pas à la Nouvelle Vague par dépit, ni vraiment par accident. La curiosité est souvent le fruit d’un processus de socialisation beaucoup plus complexe.

Aujourd’hui, les modernes sont passés à la diffusion en continu (le fameux streaming). Ils ne sont plus dans le GRAND art, ils sont dans le divertissement pur et simple. Les progrès technologiques et le sentiment d’abondance qui les accompagnent sont faux et même si le contenant s’enrichit nous explique Chantal Guy, le contenu lui s’appauvrit.

Netflix, Illico à la demande, TOU.TV, The Pirate Bay – toutes ces plateformes proposeraient uniquement des films grand public et feraient l’impasse sur le cinéma national, étranger, indépendant et sur les films de répertoire. Les pirates eux-mêmes ne pirateraient que les contenus grand public selon la chroniqueuse.

Les pirates : des classiques comme les autres

Philippe de Grosbois, membre de la rédaction de la revue À Bâbord, a répondu aux assertions de la chroniqueuse de La Presse. Dans sa Lettre à Chantal Guy (c’est fou comme on s’envoie des lettres à l’heure du courriel), il interroge cette affirmation qui pourrait tomber sous le sens : est-on certain que la génération pirate ne pirate que des films grand public?

Pour ce dernier, rien n’est moins sûr. En effet, le Web regorge de classiques, d’introuvables, de révélations. Il explique d’ailleurs que peu avant sa fermeture, il est allé chercher le film Norma Rae (1979) au Club Vidéo Beaubien, mais il n’y en avait aucune copie. Par contre, le torrent, c’est à dire le fichier pour télécharger ce film chez ses pairs via un logiciel de partage, existe bel et bien.

Le film La Maman et la Putain quant à lui est disponible en torrent depuis 175 semaines consécutives. Philippe de Grosbois explique d’ailleurs l’avoir téléchargé auprès de 36 sources. Ça signifie que 36 personnes l’avaient sur leur disque dur et le stockait là pour pouvoir le partager avec d’autres cinéphiles.

Ces personnes qui stockent des fichiers pour mieux les échanger sont appelées des «seeders» : ce sont des gens qui échangent des seeds, c’est à dire des semences, sous forme de contenus.

Pour prendre une métaphore littéraire et cinématographique qui devrait plaire à Chantal Guy, les seeders sont comme les passionnés de littérature illustrés dans le roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, où ceux-ci apprennent les œuvres littéraires par cœur dans un monde totalitaire qui a interdit les livres, et dont l’histoire a été adaptée au cinéma par le géant François Truffaut.

Les seeders et les pirates sont souvent des passeurs de culture, et même de grande culture. Ils réservent des espaces de mémoire dans leur disque dur pour que l’humanité puisse voir ces œuvres classiques.

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