Le Père Noël est une ordure

On a tous vu ce classique du temps des Fêtes sorti en 1982. Vous n’avez pas vu ça?! Courez immédiatement au seul club vidéo encore ouvert sur l’île! Pierre et Thérèse, deux bénévoles maladroits, sont de service à la ligne d’écoute SOS Détresse-Amitié le soir de Noël et sont confrontés à des poqués de la vie et des fous furieux.

Évidemment, Le Père Noël est une ordure est une comédie. Une grosse farce burlesque qui regorge de gags douteux et de citations savoureuses. Pourtant, chaque fois que je le visionne, je pense – entre deux rires porcins – aux abandonnés de Noël, ceux qui ne prendront pas le téléphone pour confier leur tristesse à un inconnu. Pourquoi prendre le téléphone, d’ailleurs, quand il y a Facebook…

Facebook est reconnu pour abriter de nombreux enragés qui n’attendent qu’un statut pour déverser leur fiel et garrocher des insultes à tout vent. Mais Facebook est aussi une adresse où loge la solitude ordinaire.

L’an dernier, une connaissance Facebook m’a envoyé ce message, le 24 décembre vers 23h30 : «Bonsoir, Je ne te connais pas du tout et c’est étrange mais j’ai senti que je devais t’écrire un message de Noël. Des fois, comme ce soir par exemple, je suis seule chez moi, je m’ennuie, alors je vais regarder ta page Facebook et tu me fais rire. Je voulais te souhaiter de joyeuses fêtes, à ta famille et à toi. Cordialement, X».

J’ai été touchée, on le serait à moins. Mais ce n’est pas tant le message qui m’a émue que la photo de profil de X. Une femme entre 45 et 50 ans, qui portait une robe noire en velours, cintrée d’un ruban rouge. Une robe de Noël que seuls ses contacts Facebook allaient voir en ce 24 décembre, à quelques minutes des douze coups de minuit. Vous me direz «Bah, peut-être qu’elle a choisi d’être seule en cette veille de Noël, peut-être que son gros party de famille avait lieu le lendemain, peut-être que c’est en fait un homme de 32 ans qui hameçonne des filles sur Facebook en se faisant passer pour une gentille dame afin de mieux leur soutirer leur argent, etc.». Peut-être, ouin. Peut-être pas, aussi.

L’an dernier, j’ai également reçu 171 autres messages de Joyeux Noël sur Facebook, du «Joyeuses Fêtes à ta petite pis toi» au «Party on till you drop!», en passant par les inbox personnalisés, genre «Enterrons cette biatch d’année dans le scotch et rêvons de jours meilleurs». Les jours meilleurs n’ont pas reçu le mémo, faut croire, et malgré l’année plutôt moyenne que je viens de passer, je fêterai Noël entourée de mes proches, comme d’habitude. Je ne serai pas seule chez moi, en robe de velours noir cintrée d’un ruban rouge, à remercier des inconnus de m’avoir fait rire, si ce n’est que virtuellement. (De toute façon, je peux le faire ici, héhéhéhé!)

Facebook est reconnu pour abriter de nombreux enragés qui n’attendent qu’un statut, qu’une photo, pour déverser leur fiel et garrocher des insultes, le plus souvent totalement gratuites, à tout vent. Mais Facebook est aussi une adresse où loge la solitude ordinaire. Celle qui ne fait pas de bruit, celle qui ne statue pas sa hargne et n’accumule pas les abonnements en se flattant l’égo. Celle pour qui Facebook constitue le seul contact avec l’extérieur, avec le vivant, et qui malheureusement fêtera Noël à scruter son fil d’actualité pour se remplir les yeux du bonheur des autres, comme si en cliquant «J’aime» sur la photo d’une famille pompette devant un sapin croche, ça devenait un peu la sienne.

Je ne veux pas tomber dans le pathos et vous enduire de bons sentiments gluants et de quétainerie à rabais. C’est sans doute raté. C’est toujours touchy ces affaires-là, et nous sommes plusieurs à souffrir du syndrome de l’imposteur quand vient le temps de dire je t’aime ou de parler de ceux qui ne se le font jamais dire.

J’en viens à souhaiter la création d’une page Facebook qui serait un gros party de Noël pour tous ceux qui sont seuls dans le temps des Fêtes. Administrée dans l’ombre par des intervenants compétents pour calmer les crises et éviter les drames potentiels, plus fréquents durant cette période que toute autre. Bref, un genre de SOS Détresse-Amitié, mais sans Pierre, Thérèse, Josette et Félix, évidemment. Et, de préférence, sans Kloug aux marrons.

On peut toujours rêver. C’est cela, oui. 

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