Des extraterrestres sur la ligne… ou peut-être pas

La découverte d’un puissant signal radio d’origine apparemment extra-solaire a fait le tour du monde en fin de semaine. Les chances qu’il s’agisse d’extraterrestres sont cependant modestes. Alors, faut-il s’exciter ou non?

C’est le puissant radiotélescope RATAN-600, situé dans le sud-ouest de la Russie, qui a détecté le signal en mai 2015. Les astronomes qui ont fait la découverte ont cependant décidé de la garder secrète jusqu’à tout récemment, ce qui semble bizarre aux yeux de Seth Shostak, l’une des figures de proue de la recherche sur les intelligences extraterrestres; on s’attendrait plutôt à ce que l’ensemble de la communauté scientifique soit invitée à tenter de reproduire la découverte le plus rapidement possible pour s’assurer qu’il s’agit bien de ce que l’on croit et non pas d’un simple accident de mesure.

Toujours est-il que l’équipe internationale derrière la découverte a commencé à faire circuler un article scientifique qui sera présenté lors du Congrès astronautique international, qui aura lieu au Mexique à la fin du mois de septembre, et c’est ce qui a ébruité la nouvelle.

La source

Le signal provient de la direction d’une étoile très semblable au Soleil baptisée HD 164595 et située à 94,4 années-lumière de nous dans la direction de la constellation d’Hercule. Pourquoi un nom si peu romantique? Parce que les étoiles de la taille du Soleil sont relativement peu lumineuses à l’échelle cosmique, tant et si bien que HD 164595 est invisible à l’œil nu. Les étoiles que nous observons la nuit depuis notre enfance sont soit beaucoup plus brillantes, plus proches de nous, ou les deux à la fois.

Là où il y a une planète, il peut y en avoir d’autres, plus petites, dont la présence nous a échappé jusqu’ici.

Le fait que HD 164595 soit à peu près de la même taille que le Soleil et d’un âge comparable au sien contribue à l’excitation générée par la découverte, parce que le seul exemple d’une civilisation intelligente que nous connaissions est bien entendu apparu autour du Soleil. Le fait qu’on connaisse au moins une planète à HD 164595 est un autre facteur d’amplification, même si cette planète est tout sauf hospitalière : il s’agit d’une géante gazeuse extrêmement chaude, mais là où il y a une planète, il peut y en avoir d’autres, plus petites, dont la présence nous a échappé jusqu’ici. Et qui, avec un peu de chance, pourraient ressembler étrangement aux Bahamas.

C’est pourquoi les chercheurs commencent à parler de HD 164595 comme d’une source qu’il vaut la peine de surveiller constamment à partir de maintenant.

Pourquoi vaut-il mieux ne pas trop s’énerver

Mais c’est là que s’arrêtent les signes positifs et que commencent les raisons de douter. D’abord, RATAN-600 observait la région du ciel où se trouve HD 164595 (il faut vraiment lui trouver un nom plus agréable, à celle-là) en balayant un très large éventail de fréquences, ce qui complique l’interprétation du signal. Celui-ci était d’ailleurs relativement faible, très court, ne s’est pas répété depuis, et il n’est pas possible de confirmer qu’il provenait exactement de HD 164595 et non pas d’un quelconque objet intersidéral situé à peu près dans la même direction.

Or, des signaux d’origine potentiellement extraterrestre qui se sont plus tard révélés être des phénomènes parfaitement naturels, il y en a déjà eu. Dès 1967, des astronomes ont détecté un signal radio si puissant et si régulier qu’il ne pouvait être, selon eux, qu’un message venu d’ailleurs; ils ont d’ailleurs baptisé sa source LGM-1, pour Little Green Men (petits bonshommes verts). C’était en fait un pulsar, une étoile à neutrons qui tourne rapidement sur elle-même; personne n’en avait jamais observé auparavant alors le confusion était compréhensible. Le «message» de HD 164595 pourrait-il être la signature d’un autre type d’astre méconnu? C’est bien possible.

La source du signal pourrait être encore plus banale, puisque la fréquence à laquelle il a été détecté est couramment utilisée par de l’équipement militaire. Satellite-espion secret? Réflexion dans la haute atmosphère d’ondes émises à partir du sol? Qui sait?

Après tout, des astronomes australiens ont quand même eu besoin de 17 ans pour découvrir qu’un drôle de bruit qui venait perturber leurs observations de façon intermittente provenait non pas d’un quelconque phénomène atmosphérique mais bien d’un four à micro-ondes dans leur cafétéria. A beau mentir qui a l’air de venir de loin!

Si ce sont des E.T., que peut-on savoir d’eux?

Ceci dit, si le signal provient vraiment d’extraterrestres, il s’agit certainement d’une civilisation beaucoup plus avancée que la nôtre.

contact

Pour émettre dans toutes les directions à la fois un signal de la puissance qui a été détectée, il faudrait qu’E.T. dispose d’un émetteur de 100 milliards de milliards de watts, soit des centaines de fois la totalité de l’énergie solaire qui frappe la Terre à un moment donné. Et comme on peut penser qu’E.T. aurait autre chose à faire avec son énergie que de crier « Youhou! Je suis ici! » à tout vent solaire, on imagine que son budget énergétique total doit être au moins 10 à 100 fois plus élevé.

Or, pour être aussi riche en énergie, une civilisation aurait besoin d’harnacher une fraction significative de toute la puissance de son étoile; c’est ce que les astrophysiciens appellent une civilisation de type Kardashev II. Dans son livre Physics of the Impossible, le physicien américain Michio Kaku explique qu’une civilisation de type Kardashev II est essentiellement immortelle puisqu’elle pourrait migrer vers un autre système stellaire, avec ou sans sa planète d’origine, en cas de besoin. Des voisins impressionnants…

Même si E.T. avait pointé son antenne émettrice directement vers nous plutôt que d’éparpiller son signal dans toutes les directions, il lui aurait fallu canaliser une puissance de l’ordre d’un térawatt (1000 milliards de watts), ce qui n’est pas donné à n’importe qui, surtout pas pendant une période suffisamment longue pour transmettre un message reconnaissable. À titre de comparaison, le plus puissant laser sur Terre est capable de développer 2 pétawatts de puissance, soit 2 000 térawatts – mais pendant une picoseconde, soit un millième de milliardième de seconde. Il faut parler vite pour se faire comprendre dans un délai aussi court! On peut donc parler, dans ce dernier cas, d’une civilisation de type Kardashev I, qui contrôle l’essentiel de l’énergie solaire qui frappe sa planète; Michio Kaku estime qu’une telle civilisation pourrait être capable de contrôler les volcans, les tremblements de terre et le climat. Quand même impressionnant, n’est-ce pas?

De plus, pour qu’E.T. pointe un signal directement vers nous, il aurait fallu qu’il ait une bonne raison de le faire. Ce n’aurait pas pu être la détection directe de nos propres émissions de radio et de télévision, parce qu’il ne s’est pas écoulé assez de temps depuis l’invention de la radio par Guglielmo Marconi en 1895 pour qu’une onde révélant notre présence n’ait pu atteindre HD 164595 et pour que le message de retour nous parvienne. E.T. aurait donc dû détecter notre présence par observation directe, ce qui dépasse largement nos propres capacités, ou encore pointer son antenne émettrice vers toutes les étoiles relativement similaires à la sienne dans son voisinage stellaire — ce qui nous ramène au cas déjà décrit d’une civilisation de type Kardashev II, parce que les étoiles semblables au Soleil sont légion.

Soit dit en passant, Kardashev a aussi imaginé l’existence d’un Empire galactique capable de contrôler l’essentiel de l’énergie produite par toutes les étoiles d’une galaxie; ce serait une civilisation de type III. Quant à nous, Michio Kaku nous qualifie de civilisation de type 0 puisque nous en sommes toujours réduits à brûler des plantes et des combustibles fossiles, pauvres barbares que nous sommes.

Si ce n’est pas E.T. cette fois-ci, ce sera pour quand?

Bref, même si le signal reçu en Russie l’année dernière est intrigant, ce n’est probablement pas un message d’origine extraterrestre. Pire : même si ce l’était, on ne saurait peut-être pas comment le prouver. Dans le film Contact, basé sur un roman de l’astrophysicien Carl Sagan, E.T. est assez perspicace pour encoder son signal dans une séquence de nombres premiers puisqu’une telle séquence n’a, aux yeux d’un être humain, aucune chance d’être naturelle, mais un véritable E.T. pensera-t-il comme nous ou choisira-t-il un schéma d’encodage qui lui semble parfaitement évident mais qui nous échappera totalement?

Il ne faut donc pas trop s’énerver. E.T. n’est probablement pas sur la ligne.

extraterrestres

Cela dit, les observations étranges se multiplient. Avant HD machin machin, il y a eu le fameux cas – toujours inexpliqué – de l’étoile dont la brillance changeait de manière incompréhensible, ce qui a entraîné des spéculations prématurées au sujet d’une sphère de Dyson (un autre cas de civilisation Kardashev II, d’ailleurs!) Et nos instruments s’améliorent sans cesse; le télescope spatial James Webb et ses successeurs pourront étudier le ciel plus en détail que jamais et faire passer les Hubble, Kepler et autres vedettes de l’astronomie actuelle pour de la pacotille.

Si E.T. se cache dans le voisinage, il y a de bonnes chances pour que nous le trouvions d’ici quelques décennies. Et comme le disait Ellie Arroway, le personnage interprété par Jodie Foster dans Contact, ce serait «la plus grande découverte dans toute l’histoire… de l’Histoire.»

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