Selon le plus haut tribunal du pays, l’obtention d’informations sensibles sur une personne de la part d’un FAI sans détenir de mandat constitue une violation de l’article 8 de la Charte des droits et libertés qui protège les citoyens contre les fouilles abusives. Dans le cadre d’une enquête, les policiers devront désormais avoir un mandat afin d’obtenir les nom, adresse et numéro de téléphone liés à l’adresse IP d’un abonné.
L’accusé a plaidé que l’obtention des renseignements liés à son adresse IP sans mandat contrevenait à la Charte des droits et libertés qui interdit les fouilles abusives.
«L’existence d’Internet remet en question la protection de la vie privée et soulève une multitude de questions inédites et épineuses à cet égard», souligne le juge Thomas Cromwell dans son jugement.
La décision s’inscrit toutefois dans un procès qui fait exception à la règle. En effet, la Cour suprême maintient la condamnation d’un homme de la Saskatchewan reconnu coupable de possession de pornographie juvénile malgré le fait que l’information permettant de l’identifier ait été obtenue sans mandat de la part des policiers.
Contexte
Matthew David Spencer, 19 ans, avait téléchargé du matériel pornographique juvénile à l’aide de LimeWire, un logiciel de partage de fichiers pair-à-pair (P2P). De plus, le jeune homme n’a pas changé les paramètres par défaut du logiciel, rendant accessible le contenu téléchargé à d’autres utilisateurs. Après avoir découvert le dossier partagé en question, la police a demandé à Shaw Communications de lui fournir des renseignements sur le titulaire de l’adresse IP.
Shaw a alors identifié la sœur de l’accusé (sa cliente). Une fois cette information détenue des policiers, ils ont pu obtenir un mandat de perquisition afin de saisir l’ordinateur de l’accusé. L’homme a par la suite été accusé de possession de pornographie juvénile et de la rendre accessible à d’autres.
Lors de son procès, Spencer a plaidé que l’obtention des renseignements liés à son adresse IP sans mandat contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés qui interdit les fouilles abusives. Il souhaitait voir la preuve ainsi obtenue «illégalement» écartée. Cette demande n’a pas trouvé écho auprès du juge, qui l’a déclaré coupable de possession de pornographie juvénile, mais l’a acquitté de l’accusation de la rendre accessible (Spencer a plaidé que le logiciel a partagé ses fichiers à son insu).
La Cour d’appel de la Saskatchewan a ensuite maintenu la déclaration de culpabilité, mais a annulé l’acquittement, ordonnant la tenue d’un nouveau procès.
Vendredi dernier, la Cour suprême a confirmé la déclaration de culpabilité et l’ordonnance de la tenue d’un nouveau procès sur le chef d’accusation de partage de fichiers pornographiques.
Exemption
Il a été convenu par les forces de l’ordre et les fournisseurs d’accès Internet que cette exemption ne serait utilisée que dans le cadre d’enquêtes relatives à l’abus d’enfants.
La Cour n’a pas ordonné que la preuve trouvée soit écartée parce que les policiers avaient agi selon la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), qui stipule qu’un organisme peut communiquer les renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement si la demande est effectuée à des fins de contrôle d’application de la loi canadienne, provinciale ou étrangère.
Il a été convenu par les forces de l’ordre et les fournisseurs d’accès Internet que cette exemption ne serait utilisée que dans le cadre d’enquêtes relatives à l’abus d’enfants.
«Pour les fichiers qui sont liés à l’abus d’enfants, nous collaborons avec la police sans exiger de mandat d’une cour de justice, mais la demande doit être faite en vertu de la LPRPDE. Pour les autres demandes, nous exigeons un mandat afin de fournir des renseignements, à moins que la vie d’une personne ne soit en danger», a déclaré Élodie Girardin-Lajoie, porte-parole de Vidéotron, au Globe and Mail.
Cette décision aura un impact sur le controversé projet de loi C-13 sur la cyberintimidation, qui octroie d’importants pouvoirs aux policiers. L’opposition voit dans celle-ci la preuve que l’initiative du gouvernement Harper ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés.