Pirate un jour, pirate toujours?

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En gros, le réseau américain HBO me reprochait d’avoir téléchargé la première saison de la télésérie Silicon Valley en passant par un réseau de transfert au pair-à-pair, soit les fameux fichiers Torrent. Allez hop, une petite tape sur les doigts.

Aujourd’hui, c’est à coups de gigaoctets que mes disques durs externes se remplissent, et ce sans grand effort.

Suis-je un pirate? Absolument.

Pas de ceux qui s’infiltrent dans des systèmes informatiques pour y dérober des informations ou vandaliser quoi que ce soit, mais plutôt du genre qui télécharge allègrement sans débourser le moindre sou. Films, séries télévisées, musique, jeux vidéo, programmes informatiques… tout y passe, et ce sans doute depuis mes toutes premières expériences de navigation en ligne sur le Pentium 200 MHz familial et son modem téléphonique.

Avec les années, la vitesse de téléchargement et la capacité de stockage ont toutes deux continué de croître de façon quasi exponentielle. Aujourd’hui, c’est à coups de gigaoctets que mes disques durs externes se remplissent, et ce sans grand effort.

Si je suis certainement un pirate, cela fait-il de moi un criminel? Oui… et non. Loin de moi l’idée de me déresponsabiliser, mais le problème du piratage de contenu, qui coûterait plusieurs milliards en revenus aux diverses industries du divertissement, en plus d’être à l’origine des satanées mesures de protection numérique (les DRM honnis de tous), découle sensiblement d’une mauvaise gestion de l’offre.

Se tirer dans le pied

En effet, c’est paradoxalement en imposant des mesures restrictives, des verrous numériques et des barrières régionales que les grandes entreprises encouragent le piratage de contenu. Celles-ci, à force de vouloir combattre ceux qui tentent de resquiller, multiplient les verrous numériques. Cela donne l’échec retentissant de Sim City, en 2013, et quantité d’autres lancements de jeux où les serveurs et les processus d’identification de clients bloquent des comptes légitimes, quand ils ne tombent pas simplement en panne.

Un partage Torrent en bonne santé (Image : NRK Beta).
Un partage Torrent en bonne santé (Image : NRK Beta).

Nous sommes bien loin de l’époque de Kazaa, LimeWire et tous les autres. Télécharger un fichier via Torrent se fait en trois étapes, environ. Certainement pas de quoi se casser la tête. Le résultat n’est pas toujours garanti, mais le travail des pirates est parfois même plus efficace que celui des compagnies. Ubisoft s’est d’ailleurs même déjà servi d’une rustine codée par un pirate pour corriger un problème dans l’un de ses titres. Le monde à l’envers, bref!

Pour 80$ par mois, je dispose d’une connexion Internet de 25 Mbit/s et d’une bande passante illimitée. Mais on me dit que je suis un méchant pirate lorsqu’une compagnie ramène ledit fournisseur à l’ordre.

Les fournisseurs d’accès Internet font par ailleurs preuve d’une certaine hypocrisie; pour environ 80$ par mois, je dispose d’une connexion Internet de 25 Mbit/s et d’une bande passante illimitée. Mais on me dit, à mots couverts, que je suis un méchant pirate lorsqu’une compagnie ramène ledit fournisseur à l’ordre. Qu’est-ce qui m’empêche, pourtant, de télécharger tout mon saoul? Ma seule limite est celle de mes disques durs externes, et il est toujours possible d’en acheter un autre à faible coût. Une broutille, en somme.

La culture du tout gratuit, qui a débuté avec la généralisation de l’utilisation du Web pour se divertir, et qui saigne les journaux à blanc en stigmatisant les murs payants, pose aussi problème lorsque vient le temps d’écouter un nouveau film ou de découvrir un nouvel artiste musical.

Pourquoi, en effet, irais-je payer le plein prix pour un disque alors que je peux trouver son album gratuitement en ligne, et être en mesure de l’écouter en quelques minutes? Idem pour les films, les jeux… Bref, le modèle économique traditionnel a fait son temps, surtout en raison de la dématérialisation des contenus. Entre acheter un bien culturel en format numérique ou le «trouver» sur un site de fichiers Torrent, la seule différence est la transaction financière.

Au fil du temps, je suis devenu paresseux, frileux avec mes sous. Je suis ainsi devenu tatillon, voire snob dans mes achats culturels, et le fait que j’obtienne quantité de billets de presse en tant que journaliste n’aide certainement pas à me convaincre qu’il est nécessaire de délier les cordons de la bourse pour avoir accès à du divertissement.

Attirer l’acheteur

Même le milieu de la musique a compris que le gratuit était payant : un très grand nombre d’artistes offrent souvent quelques pièces, voire l’ensemble de leur album en écoute gratuite en ligne, ou sur Spotify et autres services de webradio, dans l’espoir que l’internaute achète ultimement le produit.

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Mais si cette avenue est impossible à emprunter? Pour vaincre le gratuit, il faut savoir adapter sa présentation et offrir un service après-vente sans faille. Steam, la boutique en ligne et la plateforme de jeu multijoueurs de Valve, l’a très bien compris. Ses dizaines de millions d’utilisateurs acceptent volontiers cette forme de verrou numérique en échange d’un environnement convivial, d’une gestion facile des titres et, surtout, des ventes pluriannuelles.

C’est d’ailleurs en s’attaquant intelligemment au portefeuille des consommateurs que les entreprises pourront venir à bout du piratage. Ce n’est pas pour rien qu’à la veille du retour en ondes de la télésérie Game of Thrones, les internautes réalisent des records de téléchargements illégaux : l’offre de HBO est soit trop chère, soit trop difficile à se procurer.

Rassurez-vous, mon cas est loin d’être désespéré. Cette multiplication de services en ligne nouveau genre me convainc, petit à petit, qu’il vaut mieux dépenser quelques dollars pour avoir droit à un produit de meilleure qualité. Steam, GOG, Humble Bundle, mais aussi Netflix, ou encore des albums de musique, des livres ou des films achetés en ligne pour peu de sous : je contribue à faire tourner l’économie, du moment que ma pingrerie cède le pas à mon envie de facilité.

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