Si on me demandait de choisir mon studio favori dans la grande entité de personnalités multiples qu’est Nintendo, je choisirais probablement le côté givré du studio R&D1, dirigé par Yoshio Sakamoto (Metroid). On doit à ces créateurs plusieurs ensembles de mini-jeux complètement déjantés dans la série WarioWare, Inc. ainsi que des expériences hallucinées telles que Tomodachi Life. Parmi tous ces délires, j’ai particulièrement un faible pour Rhythm Heaven, qui combine les mini-jeux fantasques de WarioWare au génie musical de Tsunku, véritable usine à vers d’oreille s’inspirant du plus kitsch de la pop japonaise.
Pour ceux qui ne connaissent pas déjà la bête, Rhythm Heaven consiste en un amalgame de mini-jeux musicaux; pendant une ou deux minutes, le joueur doit guider le protagoniste d’une situation rigolote (un luchador donnant une entrevue à une journaliste, des robots jouant au pingpong sur un gâteau géant, un extraterrestre frappant des balles de baseball, etc.) en suivant le rythme de l’accompagnement musical.
Pour ajouter du piquant, le visuel devient de plus en plus ridicule, les indices aidant à comprendre le rythme sont cachés, ou le son est carrément coupé, forçant le joueur à garder la cadence en tête.
Pour ajouter du piquant, le visuel devient de plus en plus ridicule, les indices aidant à comprendre le rythme sont cachés, ou le son est carrément coupé, forçant le joueur à garder la cadence en tête. Le joueur progresse à travers quatre mini-jeux et les retrouve ensuite dans un Remix, une piste musicale plus longue dans laquelle les mini-jeux précédemment maîtrisés s’entrecroisent et se répètent, non sans rappeler encore une fois WarioWare.
Étant donné que Rhythm Heaven Megamix est d’abord apparu dans la version japonaise (et seulement dans la version japonaise) d’un Nintendo Direct l’année dernière, j’ai d’abord craint que Nintendo ne décide de garder cette version exclusivement au Japon, à l’instar de l’original sur Game Boy Advance. Nous aurons finalement dû attendre plus de six mois après la sortie nippone pour avoir la confirmation d’une traduction (après un travail colossal d’adaptation, sans aucun doute), suivie par l’annonce d’une parution-surprise sur Nintendo eShop à l’occasion de l’Electronic Entertainment Expo.
À la fois un remake et un nouveau jeu
Comme son titre le suggère, Rhythm Heaven Megamix reprend en grande partie du contenu déjà apparu dans les parutions précédentes de la série : de fait, chaque quatuor de mini-jeux consiste en un jeu tiré de l’original sur Game Boy Advance, un autre de la version Nintendo DS, un troisième de la mouture Wii, et enfin une création inédite. Les contrôles pour les jeux provenant des version DS et Wii ont été adaptés pour fonctionner sur les boutons de la 3DS (croix, A et B) – ce qui rend les jeux tirés de la version DS beaucoup plus agréables, car l’interface tactile utilisée à l’origine était particulièrement capricieuse.
En ce qui concerne l’utilisation de la 3DS, l’action se passe entièrement sur l’écran du haut (avec des effets 3D subtils, qui donnent l’impression que le jeu se passe dans un petit diorama), tandis que l’écran du bas donne des indications sur la justesse du timing, ou montre des diagrammes explicatifs lorsque le joueur a de la difficulté à comprendre les instructions pour un mini-jeu. Chapeau aux développeurs d’avoir résisté à la tentation d’utiliser toutes les fonctions de la 3DS pour se concentrer uniquement sur les boutons – la jouabilité en ressort d’autant plus solide.
Un scénario plutôt accessoire
Parmi les autres caractéristiques propres à la version 3DS, on retrouve pour la première fois une trame narrative dans le mode solo. À travers les tableaux de mini-jeux, le joueur guide Tibby, un personnage qui tente de retrouver son chemin jusqu’à son patelin, Heaven World. Les script-éditeurs ont manifestement compris que cette addition était plutôt inutile, car les dialogues entre Tibby et les créatures habitant les différents tableaux percent régulièrement le quatrième mur pour rappeler à quel point la mise en scène est futile et ridicule. Malgré la qualité de l’écriture et les jeux de mots rigolos, l’impression demeure que l’ajout de dialogues n’est qu’un ralentisseur plus ou moins pertinent.
Tout en ajoutant un scénario, les concepteurs ont décidé de retarder l’apparition des Remix : ainsi, il faut avoir complété approximativement le tiers du jeu avant d’apercevoir le premier. Même si au final le nombre total de Remix équivaut grosso modo à celui dans les autres éditions de Rhythm Heaven, leur apparition tardive rend le début du mode solo encore plus laborieux.
Les suppléments et modes secondaires
On ne peut certainement pas faire de reproches au jeu côté contenu et longévité : en présumant que la plupart des mini-jeux seront complétés après un ou deux essais (sauf Lockstep, si comme moi le fait d’alterner du temps au contretemps vous fait fondre le cerveau), le mode solo prendra approximativement sept à huit heures.
En présumant que la plupart des mini-jeux seront complétés après un ou deux essais, le mode solo prendra environ sept à huit heures.
Les développeurs ont aussi inclus un mode Challenge, qui demande de compléter une série de mini-jeux avec des paramètres différents : limite au nombre d’erreurs permises, tempo différent, etc. Chaque mini-jeu (et chaque série du mode Challenge) permet au joueur de récolter des unités monétaires pouvant être utilisées pour acquérir des extras (trames sonores, illustrations, mini-jeux supplémentaires) ou pour passer des mini-jeux trop difficiles lorsque le jeu prend pitié sur vous (voir Lockstep ci-haut).
La grande collection de contenu supplémentaire dans le Musée, qui n’est pas sans rappeler tous les extras à collectionner dans Super Smash Bros, pourrait aisément doubler ou tripler la durée de vie de Rhythm Heaven Megamix. À condition, bien sûr, d’avoir la patience de répondre aux exigences du jeu : par exemple, pour chaque mini-jeu bonus, il faut compléter deux ou trois tableaux du mode Challenge, ou obtenir une performance sans faute sur le même nombre de mini-jeux. Pour un handicapé rythmique léger comme moi, cela signifie que je ne verrai probablement jamais certaines de ces additions, à moins de vouloir consacrer des heures et des heures à m’enfoncer le crâne contre le clou de la perfection. On s’en reparle dans quelques mois?