S’il faut se fier à une étude menée récemment pour le compte de la compagnie d’assurance Allstate, c’est un miracle si nous ne sommes pas déjà tous morts dans des accidents de la route.
De temps en temps, quand je suis debout dans l’autobus sur l’autoroute Bonaventure, j’observe les comportements des conducteurs avec qui je partage ma séance hebdomadaire de pare-choc à pare-choc. Mais je pense que je ne recommencerai plus.
Non, pas à cause de la horde déprimante de mes concitoyens qui conduisent avec le cellulaire vissé à l’oreille, même si cette pratique est illégale depuis des années au Québec. Ça, j’y suis presque habitué, et la mode des téléphones intelligents gros comme des cartables à anneaux Hilroy va bien finir par régler le problème un de ces jours. C’est plus tôt la faute de l’inconscient qui conduisait avec un iPad allumé sur les genoux et un bambin sur le siège arrière.
Prenez le train
Incident isolé? Pas si vite. S’il faut se fier à une étude menée récemment pour le compte de la compagnie d’assurance Allstate, c’est un miracle si nous ne sommes pas déjà tous morts dans des accidents de la route.
Le programme Just Drive a examiné les comportements de 11 801 conducteurs pendant l’heure de pointe du matin dans 11 villes canadiennes, dont Montréal. Sur le lot, pas moins de 39% s’adonnaient à au moins une activité dérangeante pour la concentration : texter, manger, se maquiller, se raser (!), parler au téléphone, utiliser une console de jeux vidéo (!!!), fouiller pour chercher un objet quelque part dans le véhicule, et même faire plusieurs de ces choses en même temps. On présume que la combinaison «manger» et «se raser» doit être assez rare compte tenu de ses résultats possiblement dégueux, mais on ne sait jamais.
Les Montréalais sont un peu plus disciplinés que la moyenne nationale, avec 33% de fautifs – 27% si l’on considère que parler avec les passagers ne devrait pas compter comme une activité nuisible – dont 9% qui s’adonnent à des activités à caractère purement techno comme la messagerie texte ou le visionnement de vidéos sur une tablette. Par contre, la population d’Edmonton court un grave danger d’extinction à brève échéance avec 88% de chauffards dont 19% qui font plus d’une connerie à la fois.
Imaginez ce que ce sera lorsqu’il sera possible pour le commun des mortels (dans tous les sens du terme) de jouer à Space Invaders sur Google Glass.
Siri, ta gueule!
«Oui, mais», me direz-vous, «il suffit d’utiliser un système à mains libres et le danger disparaît plus vite que des fonds publics dans le portefeuille d’un sénateur!»
Que nenni, que nenni. Une étude de l’Association des automobilistes américains démontre plutôt ce que l’on soupçonnait depuis un bon bout de temps : utiliser un téléphone à mains libres n’est pas beaucoup plus sécuritaire que de le faire avec les mains, et les systèmes de commandes vocales sont particulièrement dérangeants pour la concentration à cause de la navigation difficile de leurs menus et de leurs innombrables erreurs de compréhension qui incitent le conducteur à répéter jusqu’à en sauter les plombs.
Les systèmes de commandes vocales sont dérangeants pour la concentration à cause de leurs innombrables erreurs de compréhension qui incitent le conducteur à répéter jusqu’à en sauter les plombs.
Jusqu’à quel point la piètre qualité de la reconnaissance vocale nuit-elle à la conduite? Sur une échelle de 1 à 5, où conduire sans la moindre distraction vaut 1 et où tenter de compléter un test de mémoire à base de calcul mental au volant vaut 5, les systèmes à commandes vocales obtiennent des notes allant de 1,7 pour le Entune de Toyota à 4,15 pour Siri, le pas très coopératif assistant personnel intelligent d’Apple.
La plupart de ces systèmes se classent entre 2,7 et 3,7; à titre de comparaison, entretenir une conversation téléphonique avec l’appareil sur l’oreille obtient une note de 2,5, contre 2,3 pour une conversation à mains libres.
Conclusion
L’étude de la AAA affirme aussi que converser avec un passager est plus risqué que de parler au téléphone à mains libres. La distraction au volant n’est donc pas un problème de technologie : c’est un problème de fonctionnement du cerveau humain, qui ne sera vraiment réglé que le jour pas si lointain où nous serons tous des passagers à bord de véhicules robotisés.
En attendant, arrêtez-vous donc sur le bord de la route pour parler au téléphone, ou laissez votre boîte vocale se charger de vos messages jusqu’à ce que vous soyez arrivé à destination.
Et pour regarder des films sur votre iPad en conduisant, attendez au moins d’être allé reconduire le petit à la DPJ.