À une époque où les conspirations et révoltes sont omniprésentes, le lancement d’un jeu comme Watch Dogs: Legion est une drôle de coïncidence. Appelant le peuple à se révolter en rejoignant une organisation qualifiée de terroriste pour contrer les mesures abusives d’un gouvernement, le jeu d’Ubisoft tente cette fois de vous faire incarner n’importe quel personnage que vous pourriez croiser afin de renverser la hiérarchie en place. Le défi était de taille, mais en bout de ligne, force est d’admettre que les développeurs ont su concevoir un troisième Watch Dogs fort intéressant !
- Disponible sur: Xbox One, Xbox Series S/X, PlayStation 4, PlayStation 5, Google Stadia, PC
- Prix: 79,99$ + txs
Se rebeller sans être spécialement interpellé
Le groupe terroriste DedSec est de retour, cette fois dans la ville de Londres. Néanmoins, leurs opérations sont fortement chamboulées lorsqu’un groupe nommé Zero Day leur attribue faussement une série d’attentats ayant fait de nombreuses victimes. Choqués, les Londoniens deviennent hostiles envers tout ce qui touche DedSec. Pire, ils se rallient derrière le gouvernement totalitaire dirigé par la firme Albion tout en vivant dans la peur des violences engendrées par des groupes criminels. À travers ce régime de omniscient et omnipotent, votre objectif sera aussi simple que compliqué: convaincre la population de la nécessité de DedSec et l’amener à rejoindre votre cause.
Contrairement aux précédents Watch Dogs, Watch Dogs: Legion ne se centre pas autour d’un seul personnage ou encore d’un groupe. Certes, le jeu comporte quelques figures principales telles qu’une intelligence artificielle coordonnant l’ensemble des opérations ainsi qu’une rebelle en chef, mais vous n’incarnerez pas un personnage pour suivre son histoire. Le troisième Watch Dogs vise plutôt à vous transporter à travers la rébellion de DedSec plutôt qu’à tisser un lien entre vous et un protagoniste.
C’est une décision audacieuse, mais qui a tout de même des répercussions. En effet, l’attachement que vous ressentirez envers les événements du jeu sera directement frappé par cette absence d’un protagoniste en bonne et due forme. Rapidement, l’évolution de la rébellion de DedSec prend une place secondaire et on n’a qu’un intérêt mitigé envers la progression du scénario. Malgré quelques intrigues, ce dernier demeure malheureusement moyen tout au long de la campagne s’étirant sur 20 à 30 heures.
Incarner n’importe qui: une réalité
Abordons tout de suite le point sur lequel Ubisoft s’est attardé afin de publiciser ce troisième opus. L’éditeur français nous promettait qu’on pourrait incarner n’importe quel personnage croisé dans le jeu afin de tirer profit de ses habiletés. Or, qu’en est-il vraiment ?
Techniquement, c’est bel et bien vrai. Vous pourrez scanner n’importe quel personnage du jeu afin d’avoir des renseignements à son sujet. En outre, vous pourrez voir dans quel domaine il exerce, un bref descriptif de sa personnalité et, surtout, les aptitudes dont il dispose. Ainsi, vous pourrez vous constituer une équipe avec les personnages que vous voudrez, allant du simple ouvrier jusqu’à l’agent secret en passant par le tueur à gage ou bien le concepteur de jeux vidéo.
Ceci dit, un personnage ne rejoindra pas DedSec comme par magie. De plus, vous ne pourrez passer d’un personnage à un autre en pleine rue. Effectivement, certaines personnes seront hostiles envers DedSec, rendant leur recrutement difficile, voire impossible. Qui plus est, ceux que vous voudrez recruter auront souvent des problèmes de différents ordres. Ainsi, avant de voir une recrue être ajoutée à votre équipe, vous devrez accomplir une mission pour lui venir en aide. Ce pourra être de secourir l’un de ses amis, récupérer des pièces compromettantes, éliminer un adversaire, etc.
Par ailleurs, en vous promenant, vous verrez des points verts apparaître au-dessus de certains personnages. Générés au hasard, ces points vous indiqueront qu’une recrue avec des habiletés de haut niveau pourrait être recrutée. De ce fait, même s’il est techniquement possible d’engager n’importe qui, vous risquez plutôt de vous rabattre vers les personnages ciblés par le jeu. Non seulement est-il plus facile d’identifier ainsi qui pourrait améliorer votre escouade, mais leurs habiletés sont tout simplement meilleures que n’importe quel quidam croisé sur votre chemin.
Donc, oui, il est possible de personnifier n’importe qui. Or, le jeu fera lui-même une partie du travail en ciblant pour vous de bonnes recrues que vous croiserez ici et là. De plus, à l’exception de certaines missions, vous pourrez très bien demeurer avec le même personnage tout au long du jeu. Les bénéfices engendrés par l’équipement ou bien les habiletés d’un membre de l’équipe n’ont pas un impact si significatif dans le jeu au point de vouloir analyser chaque situation en fonction de chaque membre constituant notre groupe de résistance. À cet effet, les développeurs ont manqué une opportunité d’approfondir davantage l’expérience de Watch Dogs: Legion.
Un univers interconnecté surprenant
Même si on sent que le jeu aurait pu être davantage approfondi, il n’en demeure pas moins fascinant à différents niveaux. En fait, au-delà de pouvoir personnaliser le look ainsi que les gadgets de chaque personnage, le jeu nous fait sentir que nous sommes dans un monde avec des actions et conséquences, et ce d’une panoplie de façons surprenantes.
Au départ, ce n’est pas ce que vous verrez. Vous aurez l’impression de retourner dans les précédents Watch Dogs sans observer de grands changements. Or, plus vous progresserez, plus vous verrez que la perception du public sera directement influencée par vos actions. Mieux, de parfaits inconnus que vous croiserez pourront être reliés à des membres de votre équipe ou bien à des ennemis que vous avez combattus.
Ainsi, j’ai été extrêmement surpris de voir qu’un piéton était devenu très hostile envers DedSec parce que je venais d’envoyer son frère à l’hôpital en lui tirant dessus. Autre exemple: une grand-mère était favorable envers mon organisation parce que je venais d’aider et de recruter son petit-fils. Même les autres membres de votre groupe mèneront leur propre vie lorsque vous ne les incarnerez pas. Vous pourrez voir ce qu’ils feront ou simplement les croiser dans la rue. Parfois, ils se mettront dans le pétrin ou réussiront de bons coups de façon autonome, comme tout bon citoyen dans la vie réelle.
C’est cette dimension qui rend Watch Dogs: Legion aussi surprenant et intéressant. D’un jeu à monde ouvert que je trouvais banal et conventionnel au départ, j’ai appris à apprivoiser ses facettes et à y découvrir un univers où les personnages sont interconnectés comme dans peu de jeux. Les développeurs avaient déjà réalisé une prouesse en offrant des personnalités et aptitudes propres à chaque personnage présent dans le jeu, mais ils ont su élever davantage la barre en créant un monde où les effets de causalité sont significatifs.
Tâches conventionnelles au menu
Comme je le disais, Watch Dogs: Legion demeure un jeu plutôt conventionnel dans sa forme. Les efforts ont été concentrés dans le développement des connexions entre les personnages et le recrutement de n’importe quel quidam plutôt que dans l’originalité des activités à compléter. De ce fait, le jeu donne une impression de déjà-vu assez rapidement.
Grosso modo, malgré la présence de nouveaux gadgets de piratage, vous utiliserez les mêmes stratégies qu’au sein des précédents opus. Lever et abaisser des barrières, pirater des véhicules, prendre le contrôle de caméras, activer des pièges à distance pour éliminer des ennemis, tout cela s’est déjà vu dans les précédents Watch Dogs et est réutilisé de la même façon dans Legion. De plus, certains gadgets sont tellement puissants qu’ils rendent les autres dispositifs ainsi que les habiletés des personnages caduques. En outre, vous verrez que l’araignée robotique est un outil qui brise le jeu tellement elle est ridiculement efficace. J’ai traversé une bonne portion de la campagne en l’utilisant, ne me souciant même plus de mes armes ou encore de la possibilité d’être repéré.
Par ailleurs, en plus des missions principales, vous aurez certaines activités à effectuer pour soulever la rébellion. Cela vous permettra de déstabiliser les quartiers londoniens et de diminuer l’influence d’Albion. Des missions secondaires se débloqueront aussi au fur et à mesure de votre progression, tout comme d’autres types d’activités. Or, ces dernières sont plus ou moins intéressantes. En fait, on a remplacé des activités frustrantes de Watch Dogs 2 comme le karting par des jeux plutôt inutiles comme effectuer des manoeuvres avec un ballon de soccer ou jouer aux dards. Pire, ces activités ne servent qu’à récolter de l’argent pour acheter des vêtements et accessoires esthétiques. Idem par rapport à la récolte d’objets tels que des manuscrits électroniques qui ne servent à rien sauf à être lus. Considérant le nombre à récolter et leur insignifiance globale, je doute fortement que vous prendrez la peine de les lire.
Casse-tête à ciel ouvert et améliorations dignes de mention
Là où vous risquez de trouver davantage de plaisir dans les rues de la capitale anglaise est dans la récolte des points techniques, qui servent à débloquer des améliorations. Ce n’est pas tant ces points qui sont intéressants que les endroits où ils sont situés. Ces derniers représentent des casse-tête à ciel ouvert dont l’ingéniosité mérite d’être soulignée. À l’aide de vos gadgets ou simplement en vous servant de votre personnage, vous devrez pirater des dispositifs, bouger des objets, éliminer des ennemis à distance ou face à face, etc. Les défis qu’ils représentent sont ingénieux, notamment parce qu’on peut les compléter de plus d’une manière selon notre façon de jouer. Mon seul regret est de ne pas en avoir retrouvé davantage.
Ubisoft a également amélioré certaines mécaniques des précédents jeux. En outre, la conduite des véhicules est bien meilleure. J’ai encore en tête le cauchemar que représentait la manipulation des karts dans Watch Dogs 2 et je suis heureux de dire que c’est maintenant du passé. Le combat à mains nues a également été peaufiné. Même s’il demeure simple, il est plus facile de frapper un adversaire et d’effectuer des techniques d’esquive ou bien des prises, rendant les combats moins ennuyants que par le passé.
Devriez-vous y jouer ?
Lorsque j’ai commencé à jouer, j’étais déçu par Watch Dogs: Legion. Conventionnel, pas spécialement joli et proposant une histoire sans créer d’attachement avec le joueur, je me disais qu’Ubisoft avait raté la cible. Or, plus j’y jouais, plus j’appréciais. Au final, j’ai vécu une belle expérience qui, sans être très originale, m’a surpris à différents moments. Les impacts de nos actions et les connexions inattendues entre les personnages se sont ajoutés à des défis et casse-tête qui m’ont procuré beaucoup de plaisir à travers une campagne que j’aurais souhaité plus longue. Sans être un jeu d’exception, Watch Dogs: Legion demeure un bon jeu cadrant avec l’époque étrange dans laquelle nous vivons.