Cinq ans après l’atterrissage aussi chaotique que coloré de Journey to the Savage Planet, le studio Raccoon Logic nous propose une version « plus » du même jeu : Revenge of the Savage Planet. L’idée ? Offrir une version boostée du titre d’origine, avec plus de contenu, plus de fun, et plus d’absurde. Oui, c’est en partie une version améliorée, mais aussi une nouvelle occasion de (re)découvrir ce petit ovni vidéoludique qui ne ressemble à rien d’autre sur le marché.

Pas vraiment une suite, pas totalement un remaster, Revenge of the Savage Planet se situe quelque part entre les deux. C’est ce que les développeurs appellent une « hot garbage edition », et rien que le nom donne le ton : sarcastique, ironique, un peu « crade », et sacrément amusant.
Une aventure (toujours) aussi déglinguée
L’histoire de Revenge of the Savage Planet se distingue avant tout par son approche absurde et décalée de la science-fiction. Dès les premières minutes, on se retrouve aux commandes d’un explorateur envoyé par Kindred Aerospace, une corporation qui semble avoir oublié le sens de la compétence et de la sécurité, mais n’oublie jamais de penser au profit. À travers cette « mission » (si on peut vraiment appeler ça une mission), l’explorateur est envoyé sur une planète lointaine, un monde sauvage et totalement hostile, peuplé de créatures aussi étranges que dangereuses. Le but de cette expédition ? Rien de moins que coloniser cette planète au nom de la rentabilité, évidemment.
Un humour qui fait mouche
Derrière cette aventure, il y a un humour omniprésent qui prend pour cible non seulement l’absurdité de la situation, mais aussi le capitalisme spatial. L’ironie et la satire sont des fils conducteurs du jeu, où les marketing gimmicks et slogans de la corporation sont là pour ridiculiser la surconsommation et la folie des grandes entreprises intergalactiques. Kindred Aerospace incarne la caricature de la compagnie ultra-corporate : une gestion qui frôle l’incompétence totale, des IA qui, loin d’être des aides précieuses, deviennent des sources inépuisables de bavardages inutiles, pour ne pas dire agaçants. Ces intelligences artificielles sont d’ailleurs un des points forts du jeu, en apportant un ton à la fois humoristique et légèrement dépressif, comme un reflet de cette société trop lointaine mais pas si irréaliste.


Cela se ressent dès l’introduction, où l’on est accueilli par des voix électroniques qui nous informent avec un optimisme totalement déconnecté des réalités du terrain. Ces IA, conçues pour nous guider, finissent par devenir une source de comique à travers leurs commentaires décalés et leur manière de minimiser le danger environnant. Le tout est une succession de faux espoirs et de fausses promesses, sous des airs de sécurité, mais clairement sans aucune prise en compte des risques réels. Les situations absurdes qui en découlent soulignent l’ironie du concept : une colonisation dans l’espace au prix d’une incompétence qui frôle l’inconscience.
La critique sociale et la satire en filigrane
Mais l’histoire ne se contente pas de nous faire rire ; elle se permet aussi de proposer une critique sociale bien sentie. À travers les missions données par Kindred Aerospace, on découvre une satire du capitalisme galactique : comment les entreprises manipulent leurs employés et les ressources à leur disposition dans un seul but – le profit. L’explorateur, comme une marionnette dans les mains de la société, doit se battre pour sa survie dans un environnement hostile, tout en étant guidé par des objectifs corporatifs qui semblent de plus en plus déconnectés de la réalité.

Le tout se retrouve renforcé par l’humour absurde des situations et des dialogues. Les missions ne sont pas seulement des objectifs à accomplir mais aussi des moments où la comédie se déploie à travers des commentaires absurdes sur la colonisation, l’exploitation des ressources et même les comportements humains. Ce côté décalé nous empêche de prendre le jeu trop au sérieux, mais il nous force en même temps à réfléchir, à travers le prisme du rire, à des enjeux plus profonds qui se cachent derrière ce décor loufoque.
Le charme d’une narration décalée
Ainsi, Revenge of the Savage Planet parvient à créer une atmosphère unique, en enchaînant des situations qui frôlent le ridicule tout en maintenant une cohérence dans l’univers qu’il construit. Le jeu s’amuse avec les codes du genre, nous plongeant dans une aventure aussi déjantée qu’irrévérencieuse. C’est un peu comme si l’histoire elle-même était un prétexte à une série de gags visuels et auditifs. On évolue dans un monde où la dangerosité de la faune et de la flore est un détail en comparaison avec l’absurdité de la situation dans son ensemble.
Les dialogues pleins de second degré et les références ironiques à la colonisation et à l’exploitation permettent de maintenir une distance critique avec le récit, tout en le rendant plus amusant et surprenant. Les personnages, bien qu’en grande partie définis par leur fonction utilitaire dans l’histoire, sont tellement caricaturés qu’ils en deviennent attachants. Le contraste entre l’absurdité de l’histoire et la dureté de l’environnement de jeu rend chaque mission encore plus drôle. Au final, Revenge of the Savage Planet n’est pas seulement un jeu d’aventure. C’est aussi une manière décalée et humoristique d’aborder des thèmes sérieux sous un prisme de satire sociale, ce qui en fait une expérience aussi divertissante qu’intelligente.
Une version next-gen qui en jette
Si Journey to the Savage Planet était déjà un jeu qui se démarquait par son humour et son gameplay décalé, sa version next-gen vient parfaitement renforcer l’expérience, et ce, sous tous les aspects visuels. En effet, là où le titre d’origine était déjà agréable à l’œil, la version PS5, celle que nous avons pu tester, pousse les limites de la console pour offrir une expérience encore plus saisissante.
Dès les premières minutes de jeu, la différence saute aux yeux. Le jeu bénéficie d’une résolution 4K bien maitrisée qui fait honneur à la puissance de la console. Les textures affinées apportent une grande clarté, des détails minutieux sur chaque créature, chaque plante mutante, chaque objet de votre environnement. On se surprend à admirer des rochers luisants sous un soleil couchant ou des champignons bioluminescents éclairant les coins les plus sombres de la planète. Un véritable régal pour les yeux, surtout si on aime les jeux où l’exploration se veut à la fois immersive et visuellement impressionnante.

Les animations sont également beaucoup plus fluides, apportant un confort de jeu indéniable. Les déplacements, les interactions avec l’environnement et les combats bénéficient de cette fluidité supplémentaire. Cela rend non seulement l’exploration plus agréable, mais également les phases plus intenses, lorsque vous êtes encerclé par des créatures ou que vous devez esquiver des attaques imprévisibles. Tout semble plus dynamique, plus vivant. Il n’y a plus de latence ou de saccades disgracieuses, ce qui donne un véritable coup de fouet à l’expérience globale.
Et c’est sans oublier les temps de chargement quasi inexistants. En tant que joueur, rien n’est plus frustrant que de passer plus de temps à attendre qu’à jouer. Ici, avec la PS5, les transitions entre les zones sont quasi instantanées, ce qui permet de garder un rythme effréné et une immersion totale dans l’univers du jeu. Pas de coupures gênantes, juste vous et la planète sauvage.
Une direction artistique encore plus marquante
Mais ce n’est pas seulement la technique qui fait briller Revenge of the Savage Planet sur next-gen. Ce qui marque véritablement, c’est sa direction artistique. Le jeu est une véritable explosion de couleurs vives et de décors surréalistes, à tel point qu’on a l’impression de se retrouver dans un rêve fiévreux. Les créatures qui peuplent cet étrange monde sont toujours aussi improbables et décalées, presque comme des créations sorties du cerveau d’un développeur sous substances. Chaque zone semble avoir été pensée pour offrir quelque chose de visuellement unique, de la jungle luxuriante aux cavernes sombres et mystérieuses.
Les paysages sont souvent saturés de couleurs éclatantes, comme si chaque plante et chaque créature avait été peintes à la main avec une palette folle et éclatante. On se retrouve à traverser des forêts fluorescentes où des feuilles flottent en l’air, des mers d’acide aux teintes d’un vert menaçant, ou encore des volcans en éruption qui créent des jeux de lumière spectaculaires sur le sol. Ce monde est une véritable œuvre d’art vivante, en perpétuelle évolution, et chaque nouvel environnement présente un nouveau spectacle visuel.

Ce contraste visuel avec les thèmes abordés dans l’histoire — la colonisation spatiale, l’exploitation des ressources naturelles — ne fait qu’amplifier l’absurdité de la situation, renforçant cette idée que tout ce qui est montré n’est qu’un gigantesque terrain de jeu pour une entreprise sans foi ni loi. Mais même avec une telle vision cynique, le jeu parvient à être captivant et étrange, comme un tableau vivant où chaque détail fait sens, mais d’une manière que seul Revenge of the Savage Planet sait offrir.
Au final, cette version next-gen de Revenge of the Savage Planet se distingue non seulement par sa puissance technique, mais aussi par la richesse et la singularité de sa direction artistique. C’est un jeu qui, visuellement, vous offre un univers fascinant, un monde complètement déjanté que vous aurez envie d’explorer dans les moindres recoins.
Des combats loufoques, mais un peu mous
Malgré toute la folie visuelle et narrative qui entoure Revenge of the Savage Planet, ses combats peinent à atteindre le même niveau d’excitation. On ne peut pas dire qu’ils soient mauvais — loin de là — mais ils restent globalement en retrait par rapport aux autres composantes du jeu. L’action se déroule dans des arènes ouvertes, souvent peuplées de créatures aussi bizarres qu’agressives, mais le système de combat lui-même manque un peu de mordant.
L’arme principale, un pistolet laser assez basique, fait le travail, mais sans grande sensation d’impact. Même une fois améliorée, cette arme conserve un feeling assez léger, presque comme si elle tirait des projectiles en mousse. Il faut plusieurs tirs pour venir à bout de certains ennemis, et cela peut vite devenir répétitif si l’on se contente de foncer dans le tas.
Là où le jeu se rattrape un, c’est dans ses gadgets et outils secondaires. Entre les bombes gluantes qui paralysent vos ennemis, les appâts à bestioles qui provoquent des réactions en chaîne improbables, le grappin qui vous permet de vous repositionner avec style, ou encore le double saut qui donne une verticalité bienvenue aux affrontements, il y a de quoi composer des approches variées. Et quand tout s’enchaîne bien, ces outils permettent de créer des combats absurdes mais fun, où l’on rit plus souvent qu’on ne sue.

Le lanceur de gelée explosive mérite d’ailleurs une mention spéciale : son effet est à la fois comique et chaotique, parfait pour faire valdinguer un groupe d’ennemis tout en repeignant le décor de matière fluo.
Mais soyons honnêtes : Revenge of the Savage Planet n’a jamais eu l’ambition d’être un FPS hardcore. Si vous venez pour du combat intense, du gunplay précis et de l’adrénaline à la chaîne, vous serez probablement déçu. Ici, les affrontements sont un complément à l’exploration, une manière d’apporter du rythme, de l’imprévu, et surtout du comique de situation. Ce n’est pas tant la victoire qui compte, mais la manière dont vous y parvenez — et souvent, ça se fait dans le chaos le plus total.
Une progression fluide et gratifiante
L’un des points forts de Revenge of the Savage Planet, c’est sans conteste sa progression organique, à la croisée entre exploration libre et structure Metroidvania. Ici, pas de niveaux XP ou d’arbres de talents obscurs à la sauce RPG : tout passe par la découverte et l’expérimentation. Chaque nouvelle zone accessible t’offre des ressources uniques, nécessaires à l’amélioration de ton équipement, et chaque amélioration débloquée ouvre naturellement de nouvelles possibilités d’exploration.
Le jetpack, par exemple, commence de manière modeste, mais finit par permettre de véritables envolées entre les plateformes suspendues. Le grappin, au départ gadget utilitaire, devient un outil essentiel pour franchir des précipices ou accéder à des lieux perchés. Quant à la vision scannée, elle t’offre des infos cruciales sur les faiblesses ennemies, les matériaux exploitables ou les secrets planqués dans les coins les plus improbables.
Ce système incite fortement à revenir en arrière pour fouiller des zones déjà visitées, mais désormais accessibles grâce à ton nouvel arsenal. Et cette boucle de gameplay — découvrir, améliorer, revenir explorer — est parfaitement maîtrisée. Elle évite la lassitude en diversifiant les environnements, les types de créatures, et les secrets disséminés un peu partout. Chaque retour dans une ancienne région est gratifié d’une récompense tangible, que ce soit un chemin caché, un coffre, ou un raccourci vers une nouvelle portion du monde.

En parallèle, le jeu propose une personnalisation cosmétique légère mais bien dans l’esprit du reste : complètement absurde. Si vous voulez arpenter un monde alien hostile avec une tête de banane géante ou un casque en forme de grille-pain, libre à toi. Ça n’impacte en rien le gameplay, mais ça colle parfaitement au ton parodique de l’aventure. Mention spéciale à certaines animations qui changent légèrement en fonction de ton apparence : un petit détail qui fait sourire.
En clair, la progression dans Revenge of the Savage Planet est un modèle d’équilibre : assez simple pour ne pas noyer le joueur, mais suffisamment gratifiante pour donner envie de tout fouiller. L’exploration est récompensée, l’amélioration est palpable, et la sensation de montée en puissance est bien réelle.
Verdict final
Revenge of the Savage Planet n’est pas une révolution, mais c’est un vrai petit bijou d’humour, de créativité et de fun décomplexé. Il reprend tout ce qui faisait le charme de Journey to the Savage Planet — son ton absurde, sa critique sociale grinçante, son monde bariolé et surprenant — et y ajoute une couche de polish bienvenue sur les consoles nouvelle génération.
Oui, les combats sont encore un peu mous, et non, ce n’est pas le jeu le plus ambitieux de l’année. Mais il a le mérite d’être cohérent, généreux, et parfaitement rythmé, sans jamais sombrer dans la lourdeur ou l’ennui. C’est une expérience compacte mais dense, colorée mais acide, légère mais jamais creuse.
Une bouffée d’air frais dans un paysage vidéoludique souvent trop sérieux.
16/20