Comment Youtube a permis au conspirationnisme de s’épanouir

Youtube

16 milliards de dollars. C’est en moyenne le profit généré par Youtube chaque année en ventes publicitaires. Une somme rondelette, équivalente au PIB du Laos, qui fait de la firme californienne l’une des plateformes en ligne les plus profitables au monde. Et ce en dépit, ou en vertu, de contenus conspirationnistes, qui ont pullulé ces dernières années sur la plateforme.

Si le chiffre a de quoi impressionner, Youtube n’a pas toujours été aussi prolifique. Avant son rachat par Google, en 2007, la compagnie ne générait même aucun revenu. Un changement de paradigme qui s’explique en un mot : l’engagement. Une unité permettant de mesurer le nombre de vues générées par une vidéo, le temps passé dessus et les interactions qu’elle suscite (commentaires, partages, etc.). Le calcul est simple : plus une vidéo est regardée et partagée, plus elle sera rentable en terme de publicité.

Capture d'écran d'une vidéo défendant la théorie de la Terre plate
Capture d’écran d’une vidéo défendant la théorie de la Terre plate (Flat Earth Talk)

Selon une enquête réalisée par Bloomberg, pour stimuler la rentabilité de ses vidéos, Youtube aurait laissé de côté les valeurs qui prévalaient au lancement de la plateforme pour laisser la part belle aux contenus les plus nocifs : anti-vaccination, complots en tous genres, vidéos à caractère violent… La liste est longue, les revenus confortables.

À l’heure où Facebook est passé sous le feu des critiques pour avoir laissé pendant sept minutes la vidéo live du massacre de Christchurch, ces nouvelles révélations font tache.

Des rapports alarmants… ignorés par la direction

Depuis quelques années, des voix se sont élevées au sein de la communauté internet, fustigeant le laxisme de Youtube envers les contenus conspirationnistes. Laxisme que Susan Wojcicki, PDG de Youtube, explique par une habile pirouette : «Nous fonctionnons quasiment comme une bibliothèque, déclare-t-elle. Il y a toujours eu ce genre de controverses dans l’histoire des bibliothèques.» 

Pour stimuler la rentabilité de ses vidéos, Youtube aurait laissé de côté les valeurs qui prévalaient au lancement de la plateforme pour laisser la part belle aux contenus les plus nocifs : anti-vaccination, complots en tous genres, vidéos à caractère violent… La liste est longue, les revenus confortables.

Une simple bibliothèque, donc ? Rien n’est moins sûr. Pour arriver à ses conclusions, Bloomberg a interrogé une vingtaine d’employés et ex-employés de YouTube et Google. Parmi eux, nombreux auraient tiré la sonnette d’alarme au début des années 2010, au moment où le climat conspirationniste commençait à sérieusement polluer la plateforme. Des rapports alarmants auraient même été envoyés à la direction, sans résultat.

Sur Youtube, place au spectaculaire, au grandiloquent, aux conspirations

Pire : Youtube aurait non seulement fermé les yeux, mais aidé les contenus conspirationnistes à pulluler, n’hésitant pas à les mettre en avant pour générer toujours plus d’engagement. Le but : 1 milliard de vues par jour. Selon  Micah Schaffer, ancien analyste chez Youtube,  le site autorise désormais du contenu qui n’aurait jamais passé les mailles du filet il y a quelques années. Exemple : les vidéos anti-vaccination, sur lesquelles il déclare:

« Nous les aurions sévèrement restreintes ou carrément bannies. YouTube n’aurait jamais dû laisser les théories conspirationnistes prendre une part aussi importante dans la culture de la plateforme. Dans le temps on perdait peut-être beaucoup d’argent, mais au moins un chien sur un skateboard ça n’a jamais tué personne.»

Des études ont en effet montré que les contenus provoquant de la colère étaient potentiellement les plus viraux. Selon les sources de Bloomberg, les employés de Youtube avaient parfaitement conscience que la priorité était donnée aux vidéos efficaces et rentables, même si elles propageaient de fausses informations. Là encore, toute tentative de mettre en place un algorithme plus responsable a été systématiquement tuée dans l’œuf.

Le but : 1 milliard de vues par jour.

Me at the zoo

Il est loin, donc, le temps des vidéos bon enfant de type Me at the zoo (première vidéo publiée sur Youtube en avril 2005). Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil à la section “Tendances” du site. Désormais, place au spectaculaire, au grandiloquent, au vendeur. Car depuis la fin des années 2000, Youtube est entré de plain-pied dans la cour des grands.

Face aux récents tollés qu’ont provoqué la diffusion de plusieurs vidéos à caractère ultra-violent (souvenons-nous, par exemple, d’un Logan Paul dans la forêt des suicidés), il  semblerait cependant que Youtube ait pris la sage décision de redresser (légèrement) la barre. Première mesure, en 2017 : la démonétisation des vidéos anti-vaccination et autres contenus conspirationnistes potentiellement dangereux. Le terme «Flat Earth», par exemple, ne renvoit quasiment plus qu’à des vidéos anti-théorie de la Terre plate ou des caricatures.

Deuxième mesure, plus récente : un partenariat avec Wikipedia permettant d’afficher un bandeau informatif sur les vidéos les plus pernicieuses. Par exemple, une vidéo anti-vaccin se verra flanquée d’un lien vers l’article Wikipedia sur les batteries de vaccins nécessaires.

Opération rachat, donc. Une opération qui arrive, il convient de le rappeler, plus de dix ans après l’arrivée de Google à la tête de Youtube. Dix ans riches en théories, scandales et décès. Mieux vaut tard que jamais.

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