Edward Snowden, la cybersurveillance, le rôle de la presse, et les photos de pénis

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Le 1er juin prochain, l’article 215 du Patriot Act arrivera à échéance. Ce qui est essentiellement la portion de la loi qui octroie le pouvoir juridique à la National Security Agency de collecter en vrac toute donnée qu’elle juge pertinente pourrait être prolongé par le Congrès américain d’ici là.

Oliver a fait preuve de neutralité devant celui qui est perçu comme un héros par le peuple, mais un traître aux yeux des États-Unis.

Devant le désintérêt que semble manifester aujourd’hui la population américaine à l’égard des révélations d’Edward Snowden qui ont jeté la lumière sur les divers programmes de cybersurveillance du gouvernement américain, l’animateur John Oliver de l’émission Last Week Tonight a pris l’avion pour Moscou afin de rencontrer le réputé lanceur d’alerte en exil depuis 2013. Le but de l’entrevue? Vulgariser les implications des pouvoirs de la NSA sur la vie privée des citoyens des États-Unis.

Malgré le ton humoristique de l’entrevue, Oliver a fait preuve de sérieux et d’une certaine neutralité devant celui qui est perçu comme un héros par les militants au droit à la vie privée, mais un traître aux yeux de son gouvernement.

En justifiant la raison pour laquelle il a choisi de distribuer ses documents à la presse, Snowden a répété à maintes reprises qu’il n’a jamais souhaité porter la responsabilité de ce qui devait être divulgué publiquement, et que les journalistes étaient les mieux placés pour jouer ce rôle. Malgré que cette logique soit intéressante, elle est loin d’être parfaite, comme l’a notamment démontré le New York Times.

«En journalisme, nous devons accepter que certaines erreurs soient commises.»

«Donc, le New York Times a pris une diapositive, ne l’a pas modifiée adéquatement, de sorte qu’il a été possible pour les lecteurs de voir comment le gouvernement américain espionnait un chapitre d’Al-Quaïda, à Mossoul», mentionne Oliver à Snowden.

«C’est en effet un problème», répond le lanceur d’alerte.

«Eh bien, c’est un fuckup [une bavure monumentale]» rétorque Oliver.

«C’est en effet un fuckup, et ce genre de choses peuvent se produire lorsqu’on rapporte la nouvelle», concède Snowden. «En journalisme, nous devons accepter que certaines erreurs soient commises. C’est un concept fondamental de nos libertés.»

Maintenant, parlons de pénis

Après avoir été dur avec Snowden, Oliver a changé son fusil d’épaule, question d’aider la cause de l’ex-collaborateur de la NSA et d’inciter du même souffle le public à s’intéresser davantage aux implications des programmes de surveillance de masse du gouvernement américain afin de débattre du sujet.

«Il ne fait aucun doute que c’est un débat critique», affirme Oliver. «Mais est-ce une conversation que nous avons la capacité d’avoir? Parce que c’est tellement compliqué que nous ne sommes pas en mesure de fondamentalement comprendre le sujet.»

Edward Snowden, amusé à l'idée de vulgariser les programmes de la NSA d'un tout autre point de vue (Image : HBO).
Edward Snowden, amusé à l’idée de vulgariser les programmes de la NSA d’un tout autre point de vue (Image : HBO).

«C’est en effet un sujet difficile», admet Snowden. «Je veux dire, il est même difficile pour la plupart des gens de seulement concevoir la situation. Le problème est que l’Internet est extrêmement complexe, et qu’il est en bonne partie invisible. Les fournisseurs de services, les techniciens, les ingénieurs…»

«Laissez-moi vous arrêter tout de suite Edward, parce que c’est là tout le problème. C’est là tout le problème. Vous me parlez, et je fige. C’est comme lorsque le gars de l’informatique vient me voir au bureau et que je me dis : “Eh merde… Eh merde… Ne m’enseigne rien. Je ne veux rien apprendre. Tu sens la soupe en canne.”»

Oliver affirme ensuite que la seule façon de faire en sorte que les révélations de Snowden puissent avoir la portée nécessaire auprès de la population américaine est d’avoir cette conversation correctement. Soulignant le fait que Snowden a déjà affirmé que les agents de la NSA s’amusaient à s’échanger les photos nues de citoyens américains, l’animateur remet au dénonciateur une photo de son pénis, et l’invite à réorienter la description de chacun des programmes de cybersurveillance du point de vue de cette photo. Essentiellement, il cherche ainsi à savoir quel programme est susceptible de stocker l’image de sa bite.

«Je crois que je n’aurais jamais eu l’idée de formuler le débat du point de vue de votre engin», rétorque Snowden.

«Vous ne devriez pas changer votre comportement parce que, quelque part, une agence gouvernementale fait quelque chose de mal.»

Sans surprise, tous les programmes sont en mesure de cueillir de l’information concernant la photo en question, pour la simple et bonne raison que dès qu’une telle image passe par Internet, elle franchie presque inévitablement les frontières du pays. Rappelons que la mission de la NSA est de surveiller les menaces étrangères, et que c’est lorsque les données traversent les frontières géographiques des États-Unis qu’elles sont collectées. Les réseaux de la grande majorité des entreprises de télécommunications dépassent ces frontières.

«Pourrait-on alors conclure : jusqu’à ce que le ménage soit fait à ce niveau, ne prenez pas de photos de votre bite?»

«Non. Vous ne devriez pas changer votre comportement parce que, quelque part, une agence gouvernementale fait quelque chose de mal. Si nous sacrifions nos valeurs parce que nous avons peur, nous ne nous soucions pas beaucoup de ces valeurs.»

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