Pendant dix ans, un laboratoire militaire américain a expédié de l’anthrax à près de 200 autres laboratoires qui ne s’y attendaient pas du tout.
Alors que le gratin de la communauté scientifique se mobilise contre le développement de robots tueurs, il semble que le reste de l’humanité tente par tous les moyens de rendre cette campagne inutile en provoquant sa propre perte elle-même.
Non, je ne parle pas ici de la menace nucléaire, des changements climatiques ou du récipiendaire d’un Prix Darwin qui s’est porté volontaire pour se faire tuer afin qu’un «saint homme» de sa région puisse pratiquer ses talents pour la résurrection des morts.
Conseil du pro : avant d’accepter de vous faire zigouiller, demandez au dude qui promet de vous ressusciter de vous fournir quelques références de clients satisfaits. Il y a des domaines où il vaut mieux s’abstenir d’encourager des amateurs.
Je fais plutôt référence au laboratoire militaire américain qui, pendant dix ans, a accidentellement expédié des spores actives du bacille du charbon – ou de l’anthrax, selon la nomenclature anglophone – à près de 200 laboratoires qui ne s’y attendaient pas du tout.
Oups.
Les sombres détails
Plus on avance dans la lecture du rapport publié le 13 juillet dernier par le Département de la Défense des États-Unis, et couvert notamment par le USA Today, plus on se dit que ce n’est peut-être pas la peine de se forcer dans la vie.
Rédigé après qu’une entreprise privée ait informé le Center for Disease Control (CDC) qu’un échantillon de spores supposément désactivées qu’elle avait reçu d’un des quatre laboratoires militaires en charge de ce genre d’opération contenait en fait des microbes en parfaite santé, le rapport nous apprend notamment que :
- Ce fameux laboratoire, le Dugway Proving Ground (DPG), aurait livré des échantillons incorrectement traités à 86 endroits dans 8 pays différents, dont le Canada, sur une période de dix ans.
- Le manque d’information dans la communauté scientifique en général a entraîné le développement de «protocoles qui ne stérilisent pas le bacille du charbon complètement ou de façon permanente» (traduction libre).
- On ne sait pas exactement quoi faire pour développer des protocoles d’inactivation infaillibles.
- Le laboratoire DPG, qui produit beaucoup plus de bacilles inactivés que les autres installations militaires américaines, utilise un échantillonnage trop restreint pour détecter les erreurs et qu’il procède à ses tests trop rapidement après avoir irradié les microbes aux rayons gamma, ce qui fait en sorte que des microbes qui semblent mortellement frappés au moment des tests sont en mesure de guérir par la suite.
En tout, aux dernières nouvelles, 193 laboratoires commerciaux, universitaires et gouvernementaux ont été exposés au bacille, soit directement par une livraison de DPG, soit indirectement en recevant des échantillons contaminés d’un des destinataires initiaux.
Une gaffe sans conséquence?
La recherche scientifique, c’est important. Bien la faire, ça l’est tout autant – surtout quand il s’agit de manipuler des organismes aussi dangereux et difficiles à maîtriser que le bacille du charbon.
Heureusement, il semble que les concentrations de bacilles vivants aient toujours été assez faibles pour ne poser aucun danger pour la santé. Personne ne reçoit actuellement un traitement préventif qui aurait été rendu nécessaire par une quelconque exposition.
N’empêche que le simple fait que l’on vienne de se rendre compte d’un problème qui existe depuis dix ans et pour lequel on ne connaît pas de solution donne froid dans le dos.
La recherche scientifique, c’est important. Bien la faire, ça l’est tout autant – surtout quand il s’agit de manipuler des organismes aussi dangereux et difficiles à maîtriser que le bacille du charbon.
Et en passant, pas sûr que de confier ce genre de mission aux militaires soit la meilleure des idées.