Vous avez bien lu. Comme le rapporte ce matin le chroniqueur Pierre Trudel du Devoir, une récente décision de la Commission d’accès à l’information a rejeté une demande d’accès à 2 493 pages de documents publics simplement parce que l’organisme concerné, la ville de Sainte-Brigitte-de-Laval, ne dispose pas d’une clé USB ayant une capacité suffisante pour contenir les fichiers concernés.
Quelle taille nécessite ces fichiers? La décision ne le mentionne pas. Cependant, l’organisme visé précise que les documents originaux, en format PDF, doivent être caviardés avant d’être transmis, une tâche qui nécessite qu’une copie papier soit d’abord imprimée puis élaguée de ses renseignements confidentiels. À la main. Parce qu’on est en 2017.
L’organisme visé précise que les documents PDF doivent être caviardés, une tâche qui nécessite qu’une copie papier soit d’abord imprimée puis élaguée de ses renseignements confidentiels. À la main. Parce qu’on est en 2017.
«Vu l’ampleur et le volume des documents à fournir, la soussignée a dû consacrer une semaine entière à caviarder les informations personnelles se trouvant dans les documents, ce qui représente 35h de travail rigoureux afin de répondre à la demande d’accès à l’information», explique l’organisme. Une tâche qui aurait certainement pu être accomplie beaucoup plus rapidement grâce à cette technologie tout droit sortie d’un univers de science-fiction : le copier-coller.
L’organisme a donc numérisé les documents caviardés, et sans grande surprise pour nos lecteurs, la transformation du texte en images a eu pour conséquence d’augmenter de manière significative la taille des fichiers ainsi générés par rapport à celle des documents originaux.
Pas question ici de l’utilisation de la reconnaissance optique de caractères (OCR) – un organisme incapable de modifier un document PDF n’a certainement jamais entendu parler de cette pratique.
«Il s’agit de difficultés pratiques sérieuses qui doivent être prises en considération et l’organisme en a fait la preuve à la satisfaction de la Commission», peut-on lire dans la décision.
Comme le souligne le chroniqueur, la décision ne mentionne aucunement la panoplie d’options pourtant à la portée d’un organisme voulant agir de bonne foi : se procurer un support informatique de capacité supérieure, transmettre les documents par le biais d’un service sécurisé en ligne, ou tout simplement enregistrer l’ensemble des fichiers sur plus d’une clé USB.
A-t-on tenté de compresser les fichiers, d’exporter les documents numérisés dans un format plus léger, ou s’agit-il vraiment d’une série de TIFF de 10 Mo la page impossible à transférer sur une clé USB de 16 Go? Mystère!
Quoi qu’il en soit, la décision incitera certainement d’autres organismes publics susceptibles de faire l’objet de demandes d’accès à l’information de ne simplement pas tenir compte de celles-ci lorsque les documents concernés sont trop volumineux pour être traités dans les délais prescrits.
«Autrement dit, un organisme n’a qu’à maintenir le fouillis dans sa gestion documentaire, expliquer que de trouver les documents mal gérés prendra du temps pour pouvoir être dispensé de se conformer aux obligations de transparence», résume Pierre Trudel. «C’est une prime accordée aux organismes publics qui font le choix de gérer leurs documents de manière incompétente. Ils obtiennent alors la possibilité de demander d’écarter le droit d’accès auquel la loi accorde pourtant un caractère fondamental.»
Il est important de souligner toutefois que dans cette affaire, la partie demanderesse a toujours le choix d’obtenir une copie papier des documents de 2 493 pages en s’acquittant d’un montant de 200$. Dans ses observations, la demanderesse soupçonne d’ailleurs la ville de Sainte-Brigitte-de-Laval de privilégier la transmission de documents papier pour lui imposer des frais, la loi ne prévoyant aucuns frais pour les transmissions informatiques.