Lancé en version alpha (early access) sur Steam, le jeu indie Sheltered, développé par Unicube et mis en marché par Team17, combine un jeu d’aventure contenant une part de hasard à un simulateur axé sur la microgestion. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire.
Scénario
Comme le titre l’indique, vous vous retrouvez dans un abri nucléaire après l’apocalypse. L’extérieur est contaminé par les radiations, mais les ressources s’épuisent rapidement, et il vous faudra bientôt ressortir pour trouver des vivres, des matériaux et effectuer des réparations essentielles.
D’autres survivants viendront quémander l’asile chez vous, une sécheresse poussera votre famille à visiter les environs, ou pire encore, vous devrez choisir entre tuer ou être tué.
Il en revient au joueur de gérer les talents des divers personnages formant sa famille pour maximiser les chances de survie. On emploie pour cela un système de crafting, ou fabrication, où le joueur doit combiner divers objets pour améliorer son filtre à air, par exemple, ou encore fabriquer la douche dont tout le monde a bien besoin.
Le jeu prévoit aussi une série d’événements aléatoires : d’autres survivants viendront quémander l’asile chez vous, une sécheresse poussera votre famille à visiter les environs pour trouver de l’or bleu, ou pire encore, vous devrez choisir entre tuer ou être tué. Votre survie en dépend.
Design
S’inscrivant dans la mouvance du pixel art, Sheltered se présente comme un jeu de gestion en deux dimensions avec une vue de côté. Le joueur gère donc son abri en l’observant à la façon d’une fourmilière, par exemple, ou selon la vue que nous présentait Maxis dans Sim Tower. Lorsqu’il est nécessaire de quitter l’abri pour rechercher des fournitures, une série d’écrans permettent de choisir la destination, l’équipement emporté et les membres du groupe d’exploration. Idem lorsqu’il est question de fabriquer ou de réparer systèmes et objets : on navigue de menu en menu, et les indications sont habituellement claires.
Si le choix esthétique n’apporte rien de vraiment nouveau à l’expérience du jeu, le choix des couleurs, l’alternance jour-nuit à l’extérieur, ou encore les lumières qui clignotent lorsque la génératrice est sur le point de manquer d’essence sont autant d’aspects visuels positifs. L’équipe d’Unicube semble avoir consacré beaucoup de temps à l’environnement artistique de sa création, et on ne peut que s’en réjouir.
Ambiance
Peut-être s’agit-il de l’un des inconvénients d’un jeu en version alpha ou bêta, mais l’ambiance laisse fortement à désirer dans Sheltered. Il y a bien la possibilité d’accroître ou diminuer le volume de la musique dans les options principales, mais nulle trace d’un environnement sonore, à l’exception de quelques bruits liés à la construction d’objets, ou l’éventuel klaxon d’alarme quand les portes de l’abri sont ouvertes et que la radiation s’y engouffre.
On notera aussi l’absence totale de dialogues. Toutes ces choses pourraient bien sûr être corrigées lors de mises à jour subséquentes, mais s’il est vrai que le no man’s land radioactif est un endroit solitaire, personne n’a jamais dit qu’il devait être absolument silencieux.
Une ambiance musicale aiderait certainement à accroître le sentiment d’urgence. Après tout, il s’agit d’une course contre la mort; que cette mort soit lente et insidieuse, ou encore rapide sous les coups d’un bandit, pourquoi ne pas donner un aspect un tant soit peu dramatique à la chose?
Jouabilité
Répétons-le à l’envi : Sheltered est en vente, soit, mais n’est pas pour l’instant offert dans sa version finale. Il reste donc plusieurs bugs et aspérités que les développeurs devront gommer ou arrondir pour conquérir un public plus vaste et s’assurer d’offrir une expérience plus agréable. Pour l’instant, y jouer est davantage un exercice de contrôle de sa frustration qu’autre chose. Problèmes de sélection dans les menus, boutons de retour en arrière qui ne fonctionnent pas, absence d’indications pour naviguer dans certaines parties de l’interface, etc. De petits problèmes, bien sûr, qui n’empêchent pas de jouer au jeu, mais qui viennent saper l’expérience.
Le plus gros défaut de Sheltered est sa difficulté ridiculement élevée. Le système de fabrication d’objets et de systèmes se trouvant au cœur du jeu, il faudra constamment réparer, construire, rechercher, mais aussi abreuver, nourrir, soigner, détendre, laver et faire dormir vos survivants. Chacune de ces actions nécessite des objets ou des systèmes différents, dont certains devront être construits en urgence dès le début de la partie. Et tous, bien entendu, ont besoin de pièces, ce qui force à repartir à l’extérieur, et ce qui fera en sorte que vos explorateurs reviendront à l’abri affamés, sales ou épuisés. Pour empirer les choses, les objets que vous fabriquez s’usent à vitesse grand V. Il faut donc les réparer, ce qui exige du temps, temps qui ne pourra pas être consacré à autre chose.
Dans Sheltered, il faut constamment cliquer, recliquer et encore cliquer pour accomplir la moindre des tâches.
Certains y trouveront sans doute un plaisir sans cesse renouvelé, mais pour d’autres, cette répétition incessante lasse très rapidement. Même les Sims, ces êtres impuissants devant un incendie, disposaient tout de même d’un certain degré d’autonomie. Dans Sheltered, il faut constamment cliquer, recliquer et encore cliquer pour accomplir la moindre des tâches.
Par ailleurs, les contraintes imposées par les développeurs provoquent elles aussi leur lot de frustration. On comprend certainement que dormir dans un sac de couchage est plus confortable, mais pourquoi les survivants ne peuvent-ils pas se contenter du sol, le temps que l’on trouve les matériaux nécessaires? Pourquoi les livres servant à diminuer le stress doivent-ils être impérativement rangés dans une bibliothèque? Et si la vue de côté a ses avantages, l’impossibilité de placer deux objets dans le même espace fera rager, puisqu’il faudra alors construire une nouvelle pièce, ce qui implique d’autres matériaux, d’autres sorties… bref, le principe est facile à comprendre.
Conclusion
Gare au courageux aventurier qui s’aventure sur les terres du early access : si l’on y a trouvé des perles comme Kerbal Space Program, on y compte aussi bon nombre de récifs sur lesquels viennent s’écraser les jeux comptant des développeurs trop enthousiastes pour leur propre bien. En ce qui concerne Sheltered, il reste certainement beaucoup de travail à faire. L’idée de base est plus qu’intéressante, mais l’exécution laisse un goût amer en bouche. À tel point, en fait, qu’un remboursement fut exigé auprès de Steam.
Pour les mordus de jeux de survie, Sheltered pourrait être un bon ajout à votre librairie. Mais attendez au moins d’autres mises à jour. Pour l’instant, le produit ne vaut certainement pas les 16,99$ exigés. Quant aux autres, Steam déborde de jeux, y compris de titres aux mécaniques similaires, et qui sauront peut-être mieux vous contenter. Sheltered mérite de passer encore un peu de temps en développement.