YouTube et le droit d’auteur

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La plus récente offensive de YouTube en matière de protection du droit d’auteur a été menée conjointement avec Nintendo. Cette dernière a récemment annoncé qu’il faudrait obtenir une autorisation préalable avant de diffuser des images de ses jeux sur YouTube, et que seules les chaînes diffusant uniquement du contenu autorisé par Nintendo pourraient toucher des revenus publicitaires.

L’offensive de YouTube en matière de droit d’auteur ne cible pas uniquement les YouTubers professionnels. En effet, la plateforme bloque systématiquement les vidéos contenant l’œuvre de tiers, sans égard au fait que la chaîne soit à visée lucrative ou non.

Il faut savoir que depuis 2007, YouTube a versé plus d’un milliard de dollars US en redevances à plus d’un million d’utilisateurs. Parmi ceux-ci, plusieurs milliers enregistrent des revenus dépassant les 100 000$ US annuellement.

Il existe donc des YouTubers qui gagnent leur vie grâce à leurs vidéos. Or, ce sont ces derniers qui sont visés par la politique conjointe de Nintendo et YouTube, puisque l’entreprise nippone conservera dorénavant de 30 à 40% des revenus publicitaires générés par les chaînes diffusant des images de ses jeux. Nintendo s’octroiera également une licence perpétuelle, lui permettant d’utiliser ces vidéos comme bon lui semble. Précisons que cette nouvelle politique représente un «compromis» pour Nintendo, qui proscrivait jusqu’ici toute diffusion de ses jeux sur le portail vidéo de Google.

Cette annonce a tout de même suscité de vives réactions au sein de la communauté. La plus médiatisée fut celle de l’utilisateur surnommé PewDiePie, dont la chaîne traitant de jeux vidéo compte aujourd’hui plus de 34,6 millions d’abonnés et génère des revenus annuels estimés de 4 millions de dollars US. Dans un billet publié sur son blogue, PewDiePie affirmait que la nouvelle politique de Nintendo et YouTube constituait une véritable «gifle au visage» et qu’elle s’attaquait directement à ceux qui font la promotion des jeux de Nintendo.

Devant la nouvelle politique de YouTube, Pew Die Pie et ses semblables se trouvent en mauvaise posture (Image : YouTube).
Devant la nouvelle politique de YouTube, Pew Die Pie et ses semblables se trouvent en mauvaise posture (Image : YouTube).

L’offensive de YouTube en matière de droit d’auteur ne cible pas uniquement les YouTubers professionnels. En effet, la plateforme bloque systématiquement les vidéos contenant l’œuvre de tiers (images ou sons), sans égard au fait que la chaîne soit à visée lucrative ou non.

Par exemple, plusieurs épisodes de la populaire émission Radio Talbot ont été retirés de la plateforme puisque des extraits de jeux vidéo ou de bandes-annonces étaient diffusés lors de critiques ou de nouvelles.

Comment ça marche?

Évidemment, aucun employé de YouTube ne scrute chaque vidéo pour dénicher d’éventuelles infractions au droit d’auteur. En effet, la plateforme compte plutôt sur le «discernement» de son algorithme, qui analyse chaque vidéo soumis en la comparant à une banque d’images et de sons fournis par les ayants droit (les producteurs de film, de musique ou de jeux vidéo par exemple).

Lorsqu’une correspondance est établie, YouTube bloque immédiatement le vidéo problématique et avise l’utilisateur concerné. Le problème, est que cet algorithme n’a que très peu de jugement et possède une connaissance très sommaire des lois relatives au droit d’auteur.

Ces vidéos sont-elles vraiment illégales?

Bref, il est légal, au Canada, d’utiliser des extraits d’œuvres dans le but de communiquer une nouvelle ou d’en faire la critique, et ce même dans un contexte commercial.

Au Canada, la Loi sur le droit d’auteur prévoit certaines exceptions afin de permettre l’utilisation d’œuvres protégées. Par exemple, il existe des exceptions relatives à l’utilisation équitable (s’apparentant au fair use américain) qui prévoient que l’utilisation d’une œuvre aux fins de critiques, de compte-rendu ou de communication de nouvelles ne constitue pas une violation du droit d’auteur; à condition que soient mentionnés la source et le nom de l’auteur (ou autres ayants droit).

Bref, il est légal, au Canada, d’utiliser des extraits d’œuvres dans le but de communiquer une nouvelle ou d’en faire la critique, et ce même dans un contexte commercial.

Par contre, la situation est moins claire lorsque l’œuvre est diffusée en totalité. Pensons notamment aux Let’s Play, un type de vidéo consistant en la diffusion intégrale d’une session de jeu vidéo, agrémenté de critiques ou de commentaires et dont PewDiePie est l’ambassadeur par excellence.

Dans le cas des Let’s Play, il serait possible d’argumenter que la diffusion de la totalité d’une œuvre dépasse le cadre de l’exception d’utilisation équitable. En effet, pour déterminer si l’utilisation d’une œuvre peut s’inscrire sous cette exception, il faut tenir compte de l’importance qualitative de l’emprunt et de la quantité de l’œuvre reproduite.

Lorsqu’on atteint 100%, ça peut commencer à poser problème.

Heureusement, les tribunaux canadiens considèrent que même un emprunt substantiel peut donner ouverture à l’exception d’utilisation équitable, dépendamment des usages dans une industrie en particulier.

Dans le cas des jeux vidéo, il serait possible d’alléguer que l’usage n’est pas d’acheter le jeu pour le regarder comme un film, mais bien d’y jouer. Par conséquent, un Let’s Play pourrait peut-être bénéficier de l’exception d’utilisation équitable aux fins de critiques.

Sur quoi se fonde YouTube pour bloquer des vidéos?

Sur pas grand-chose; même pas sur ses propres politiques d’utilisation, puisque celles-ci prévoient qu’un utilisateur peut publier du contenu protégé par droit d’auteur s’il détient l’autorisation de l’auteur ou s’il est légalement autorisé à le faire.

Dans le cas présent, les Canadiens ont le droit d’utiliser des œuvres dans le cadre des exceptions mentionnées précédemment.

Que faire?

YouTube met à la disposition des utilisateurs un outil, dénommé Content ID, par lequel il est possible de demander qu’une vidéo soit remise en ligne. Malheureusement, le processus est long, complexe et les résultats ne sont pas garantis.

L’alternative serait de se tourner vers d’autres plateformes de diffusion ou d’héberger soi-même son contenu, sans avoir recours à une plateforme tierce. Il s’agit toutefois d’alternatives moins conviviales.

Donc, quel avenir pour YouTube?

Considérant que 4 des 10 chaînes YouTube les plus populaires sont liées aux jeux vidéo, il est permis de croire qu’une répression excessive pourrait engendrer une migration des chaînes vers des cieux plus cléments. Sans parler de tous les futurs PewDiePie qui pourraient décider de s’installer dès le départ sur une autre plateforme, par crainte d’être confrontés aux algorithmes de YouTube.

YouTube devrait donc repenser sa stratégie et rappeler aux ayants droit que les critiques, les nouvelles et même les Let’s Play constituent d’excellentes publicités.

Sans quoi, YouTube devrait changer son slogan par «Broadcast Yourself, and Only Yourself».

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