Je suis allée au Japon environ une quinzaine de fois dans ma vie; parfois pendant quelques semaines, parfois pendant plusieurs mois. Par contre, je n’ai pu vivre l’expérience d’un hiver nippon qu’une seule de ces fois, lorsque j’y suis restée pendant une année complète. Avant de partir, je me trouvais chanceuse de pouvoir échanger la froidure de l’hiver de Montréal contre une saison plus tempérée à Tokyo. Finalement, même si l’hiver japonais est beaucoup moins froid et enneigé qu’ici, je pense que je n’ai jamais autant gelé de ma vie.
Un kotatsu, c’est rassembleur, ici comme au Japon. Au grand désarroi de mon chat, qui y passe des nuits, voire des journées entières et qui se sent plutôt brusqué par la présence d’étrangers à la maison.
Le chauffage centralisé n’est pas très répandu au Japon. La seule source d’air chaud que j’avais dans mon petit appartement d’une pièce provenait de mon climatiseur, qui avait un mode «air chaud» et qui parvenait à me réchauffer tant et aussi longtemps que je restais assise directement sous ce dernier.
J’attribue aussi beaucoup de temps passé à greloter au fait que durant cette année passée à Tokyo, j’ai dû me séparer de mon kotatsu chéri, qui était resté chez moi à Montréal. Car cette table japonaise chauffante m’a gardé au chaud toute ma vie… sauf l’année où j’ai décidé d’aller étudier dans son pays d’origine, de façon ironique.
Kota… quoi?
«Ko-ta-tsu» (à ne pas confondre avec tonkatsu, un mets délicieux de porc sur du riz) : une table basse munie d’une lampe chauffante vissée sous la table et d’un futon (sorte de duvet adapté) placé entre la table et un dessus de table amovible. La version moderne, présente de nos jours dans plusieurs foyers japonais, est bien sûr électrique, mais les premiers kotatsu dateraient de l’époque de Muromachi de l’histoire du Japon, soit au 14e siècle.
On ne parle donc pas ici d’une technologie nouvelle. La première incarnation du kotatsu aurait été un support qu’on a décidé de placer par dessus le irori (foyer traditionnel japonais au charbon de bois) et qui a ensuite été recouvert d’une couverture pour contenir la chaleur qui s’en dégageait.
Puis, le meuble a évolué vers un modèle portable, la source de chaleur provenant d’un pot de charbon placé sous la table. Au 20e siècle, on s’est plutôt tourné vers l’électricité pour se réchauffer les pieds sous la couette.
Kotatsu 1, hiver québécois 0
Mon kotatsu est plus vieux que moi. Mes parents l’ont acheté en 1980 à Osaka, et il les a suivis à New York, puis à Montréal. Il a donc plus de 30 ans, et on n’a jamais même eu besoin d’en changer l’ampoule. Quand j’ai quitté le nid familial, j’ai commencé à faire des recherches pour m’en acheter un que je pourrais emporter avec moi en appartement. Pas question de faire face à l’hiver sans cet essentiel! Heureusement, ma mère avait envie d’un changement de décor et elle m’a offert de partir avec mon kotatsu d’amour, source personnelle de bonheur et véritable attraction pour tout le monde qui met le pied chez nous de septembre jusqu’à la fonte de la dernière bordée de neige.
Et par «tout le monde», je veux dire vraiment tout le monde. Amis, famille et collègues ont quasiment tous fait l’expérience de ladite «table chauffante magique de Marie» et s’excitent à l’idée de venir s’y chauffer les petons le temps d’un après-midi ou d’un film par une soirée hivernale. Ou bien, ils en ont entendu parler et n’attendent que de venir l’essayer. Un kotatsu, c’est rassembleur, ici comme au Japon. Au grand désarroi de mon chat, qui y passe des nuits, voire des journées entières et qui se sent plutôt brusqué par la présence d’étrangers à la maison.
D’ailleurs, une petite recherche de «kotatsu cat» sur Google atteste de la popularité de ce genre de table chez les félins par les nombreuses photos et vidéos qu’on y retrouve. Pas surprenant! Qui ne voudrait pas s’installer sur un zabuton (coussin servant à s’asseoir) les jambes bien au chaud, ou carrément se recroqueviller sous le kotatsu pour faire la sieste lors d’une journée particulièrement glaciale? La compagnie DoggyMan en a même créé un qui est adapté aux chats. Les enfants l’adorent aussi : lorsqu’il est éteint, il devient la parfaite cachette. Et il n’y pas de meilleur endroit où regarder les dessins animés du samedi matin ou s’installer pour jouer des heures de temps à son jeu vidéo favori (Tetris pour mon kotatsu et moi).
Pourquoi le kotatsu n’est-il pas plus répandu à l’extérieur du Japon? Traditionnellement fait en bois, on en trouve maintenant des versions en plastique qui s’avèrent beaucoup moins dispendieuses. On peut même, semblerait-il, s’en procurer un sur Amazon pour quelques centaines de dollars.
Peut-être serait-ce parce que la tradition de s’asseoir sur le plancher est particulièrement nippone? Même si vous n’êtes pas du genre à vous agenouiller par terre et boire du thé vert, je vous assure que c’est tout de même extrêmement agréable de se chauffer les jambes sous le kotatsu en relaxant sur un sofa de hauteur normale. La saison du cocooning n’en sera que plus intense et vous aurez le meilleur des deux mondes : chaleur et confort. Ou encore, vous pourriez vous en servir comme table de travail. C’est d’ailleurs assise au mien qu’on peut me retrouver plusieurs jours par semaine. C’est difficile de m’en éloigner, du moins avant l’arrivée du printemps…