Les bureaux des fournisseurs canadiens de services de télécommunications ont dû être le théâtre de nombreuses nuits blanches passées à supputer des tableurs et à engouffrer pizzas et antiacides au cours des dernières semaines.
Le gouvernement canadien a encaissé la somme de 5 270 636 002$ en échange des permis en question. On présume que le 2$ n’a pas pesé lourd dans la balance.
En effet, il a fallu pas moins de 30 jours et 108 rondes de mises pour que 97 des 98 licences à l’enjeu trouvent preneurs; une des sept bandes disponibles au Yukon, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest est restée orpheline.
En tout, le gouvernement canadien a encaissé la jolie somme de 5,27 milliards de dollars en échange des permis en question. (5 270 636 002$ pour être précis, mais on présume que le 2$ n’a pas pesé très lourd dans la balance.)
Les «trois grands» restent grands…
À la surprise d’absolument personne, Rogers, Telus et Bell s’emparent de la majorité des licences. La disparité entre les prix payés par les «trois grands» fait cependant sourciller.
- Rogers, qui a obtenu un total de 22 licences dans les catégories les plus attrayantes, a dû verser la coquette somme de 3,29 milliards, soit 62% de la cagnotte totale.
- Telus, pour 30 licences dont 14 non appariées (qui offrent une largeur de bande moindre), paiera 1,14 milliard.
- Bell, pour 31 licenses dont 14 non appariées, réalise la meilleure affaire avec un coût total de 565 millions.
Les trois grands s’assurent ainsi une couverture nationale, quoiqu’inégale selon les régions, dans ce que l’on décrit parfois comme étant la «propriété au bord de l’eau» des fréquences cellulaires. Seule petite exception : Rogers n’a pas voulu acquérir de licence dans les Territoires.
Vidéotron débarque
Il y a quelques semaines, je vous disais que Vidéotron constituait l’une des candidatures les plus intrigantes puisqu’on savait que la compagnie avait les moyens d’étendre ses filets à l’extérieur du Québec, mais qu’on ignorait si elle en aurait l’ambition.
Elle l’avait, l’ambition!
En effet, Vidéotron s’empare de bandes 700 MHz non seulement partout au Québec, mais aussi dans le sud et l’est de l’Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta, ce qui lui permettra de rejoindre 28 des 33 millions de Canadiens. Le prix payé? 233 millions de dollars. Une aubaine.
Il faut cependant signaler que Vidéotron achète partout la bande C1, d’une largeur de 10 MHz, soit moins que les 12 MHz des bandes A, B et C quasi monopolisées par les trois grands. La différence de performance sera-t-elle notable?
Les opérateurs régionaux assurent
MTS au Manitoba, Sasktel en Saskatchewan et Bragg dans tout le Canada atlantique s’emparent des bandes C1 ignorées par Vidéotron.
Petite surprise : Bragg, dont le service cellulaire n’était jusqu’ici disponible qu’en Nouvelle-Écosse et à l’Ile-du-Prince-Édouard, s’étend non seulement au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui semble naturel, mais aussi au nord de l’Ontario. Le fait que la compagnie soit aussi un petit câblodistributeur national, sous le nom d’Eastlink, explique sans doute sa volonté de sortir de ses terres.
Meilleure chance la prochaine fois
TBayTel (nord de l’Ontario) et Novus (Vancouver) repartent bredouilles.
Quant à l’énigmatique compagnie Feenix, propriété de John Bitove et plus ou moins cousine de Mobilicity, elle repart avec une seule licence dans les Territoires, ce qui risque d’être difficile à rentabiliser.
Impact sur le marché
À l’échelle canadienne, l’arrivée dans les provinces les plus populeuses d’un quatrième joueur aux reins aussi solides que Vidéotron réjouira certainement le gouvernement conservateur, qui souhaitait augmenter la compétition et n’avait pas réussi à attirer un candidat étranger. Contrairement aux petits fournisseurs qui ont été avalés par le Big Three l’un après l’autre ou qui ont déclaré faillite au cours des dernières années, Vidéotron est sans doute là pour rester.
Et sachant que le revenu moyen par usager de l’industrie était, en 2012, plus bas au Québec que partout ailleurs au Canada, l’espoir de voir les factures diminuer ailleurs n’est probablement pas injustifié. Le phénomène pourrait s’observer d’abord dans les grandes villes de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, où Vidéotron risque de déployer son service plus rapidement qu’en régions rurales, surtout si les rumeurs des dernières semaines se confirment et que Vidéotron met la main sur les actifs de Mobilicity.
Au Québec, par contre, ce sera probablement le statu quo en matière de prix puisque toutes les nouvelles bandes sont achetées par des entreprises qui sont déjà bien établies sur le marché.
En termes de qualité du service, on sait que les bandes 700 MHz assurent une meilleure couverture du territoire et une transmission plus rapide. Un examen rapide révèle cependant que Rogers et Telus ont acheté des licences plus attrayantes que Bell dans le sud, l’ouest et l’est du Québec. En effet, Bell se contente d’une seule bande C2 de 10 MHz dans ces régions, soit l’équivalent de ce qui passe aux mains de Vidéotron. À titre de comparaison, Telus acquiert trois bandes d’une largeur totale de 24 MHz aux mêmes endroits. Reste à voir comment l’implantation des différents réseaux permettra de tirer avantage de cette capacité.
Enfin, un facteur à ne pas négliger : l’implantation de Vidéotron dans la bande 700 MHz pourrait signifier l’arrivée tant attendue du iPhone chez ce fournisseur.
Alors, compte tenu de tout cela, envisagez-vous de changer de fournisseur?