Pire encore, EA allait retarder la sortie de ce titre éponyme. Non pas pour une obscure raison technique, mais plutôt pour faire sauter le verrou des 30 images par seconde, une limitation honnie héritée des jeux d’abord destinés aux consoles, et qui affecte encore trop souvent les versions PC, y compris les titres AAA.
Par quelle mouche le développeur a-t-il été piqué pour prendre soudainement conscience du fait que ces pratiques nuisent à l’industrie, et ce depuis bien trop longtemps?
Par quelle mouche le développeur a-t-il été piqué pour prendre soudainement conscience du fait que ces pratiques nuisent à l’industrie, et ce depuis bien trop longtemps? Voilà en effet des années que le monde du jeu vidéo, consoles et PC combinés, est aux prises avec le modèle du contenu supplémentaire payant invasif.
Bien sûr, la notion de contenu additionnel pour lequel il faut délier les cordons de la bourse ne date pas d’hier. À l’époque, cependant, cette notion prenait par exemple la forme d’une extension en bonne et due forme, avec des missions, des unités, voire des factions supplémentaires.
Le contenu supplémentaire payant de nos jours
Aujourd’hui, les extensions sont bien sûr toujours de la partie, mais on facture également le gros prix pour des objets aussi divers que des costumes, de nouvelles armes, des personnages à débloquer, voire la possibilité d’accomplir certaines actions plus facilement ou rapidement.
Et ce recours aux coûts supplémentaires va en empirant. Le cas de Mortal Kombat X et la possibilité d’obtenir des «mises à mort» – les célèbres fatalities – plus faciles à accomplir en déboursant des sous a provoqué la colère de certains joueurs et observateurs du milieu.
Cette notion de «payer pour gagner», voire même de «payer plus pour jouer», une pratique détestable venue des free-to-play en ligne, a atteint un sommet d’indécence en 2014 avec la version mobile de Dungeon Keeper. Si l’on ne voulait pas cracher de plus en plus de billets verts, on était condamné à attendre de plus en plus longtemps pour accomplir des tâches aussi normales que creuser une pièce. Sans payer, il vous faudra attendre jusqu’à deux jours pour ce faire. Est-il nécessaire de rappeler qu’EA était le distributeur de ce jeu archipourri?
De fait, la notion de pay-to-play continue de gagner des adeptes chez les grands studios, et cela témoigne soit d’une industrie en perte de vitesse (ce qui n’est pas le cas), soit de grands décideurs à court d’idées pour renflouer les coffres. Même Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, pourtant encensé par la critique, aura lui aussi des microtransactions, c’est-à-dire du contenu accessible seulement si vous trouvez des «devises» dans le jeu, ou si vous sortez la carte de crédit.
Quel est le problème?
Le problème ne réside pas dans le fait qu’un studio ou un développeur offre du contenu supplémentaire payant. Oblivion avait quelques quêtes supplémentaires intéressantes disponibles en DLC, Forged Alliance était une excellente suite à Supreme Commander qui n’exigeait même pas la version originale du jeu pour fonctionner, et Civilization V a été transformée du tout au tout avec l’ajout de Gods and Kings et Brave New World, les deux principales extensions offertes par le studio Firaxis. Et que dire de Faster Than Light, par exemple, dont l’extension regorgeant de nouveau contenu est offerte gratuitement?
Pour tout DLC qui se tient, cependant, on trouve quantité de déchets numériques servant seulement à vider les poches des consommateurs. Oblivion avait aussi un DLC permettant d’ajouter de l’armure à votre cheval, un changement presque purement esthétique. N’oublions pas non plus Evolve, qui a annoncé un total de 136$ US en DLC, avant même le lancement du jeu vendu 60$ US.
Jim Sterling, un chroniqueur de l’industrie des jeux vidéo, a d’ailleurs réalisé une série de vidéos sur cette question du contenu supplémentaire payant, y compris une capsule à l’occasion de la sortie de Metal Gear Solid V.
Ce que le coloré commentateur avance est tout à fait logique : il est ridicule qu’un jeu AAA vendu à 60$ US ou plus lors de son lancement propose des microtransactions similaires à celle d’un jeu gratuit. Prend-on les joueurs pour des imbéciles, incapables de comprendre que les distributeurs agissent comme une horde de vampires assoiffés de sang et qui empêchent bien trop souvent les consommateurs de profiter pleinement de l’expérience offerte par les jeux, à moins que ceux-ci acceptent de payer toujours plus?
Dans ce mælström de frais supplémentaires, les DLC, les microtransactions et les bonis en précommande se mélangent pour former une tempête de l’absurde, et il est toujours plus difficile de distinguer le bon grain de l’ivraie.
EA a-t-il réellement changé son fusil d’épaule?
EA en a-t-elle eu assez de se faire qualifier de pire compagnie, année après année?
Alors, qu’est-ce qui motive EA à mettre la pédale douce et à adopter un comportement enfin normal pour Need for Speed? Le studio en a-t-il eu assez de se faire qualifier de pire compagnie, année après année? Est-ce que la catastrophe du lancement de Batman : Arkham Knight sur PC et le retrait subséquent du jeu sur Steam a influencé sa vision des choses? On peut espérer qu’EA cesse de considérer les joueurs PC comme une sous-clientèle, et donne enfin à ses titres le respect qu’ils méritent.
Mais n’espérons pas trop. Après tout, Star Wars : Battlefront, un jeu développé par Dice et distribué par EA, offre déjà des DLC pour qui se procure l’une des deux éditions en précommande. Le tout pour une modique somme allant de 80 à 90$ US.
Un jour à la fois, EA. Un jour à la fois.