Tizen : chronique d’un vaporware annoncé

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Annoncé sous le nom LiMo il y a une éternité, Tizen est disponible en version «pour les manufacturiers seulement» depuis près de deux ans, mais personne n’a encore lancé un téléphone qui l’utilise. Et le cynique en moi ne peut pas s’empêcher de penser que c’est exactement ce qu’au moins l’un de ses promoteurs, Samsung, prévoyait depuis le début.

Premier présage : NTT Docomo

Après de multiples retards, le premier téléphone Tizen devait enfin être lancé en mars par NTT Docomo, le plus important fournisseur de services au Japon. Mais non : la compagnie annulait le lancement à la mi-janvier, estimant que le marché japonais n’était pas en mesure de soutenir trois systèmes d’exploitation mobiles.

Une décision qui soulève deux questions :

  • Qui va vouloir de Tizen si NTT Docomo, qui siège au conseil d’administration de la Fondation Tizen, lui tourne le dos?
  • Quel avenir peut-il bien y avoir pour un produit technologique si le marché japonais n’est pas assez grand pour lui faire une place?

Après l’annonce de NTT Docomo, on était tenté de risquer la même réponse aux deux questions : Samsung pourrait bien lancer Tizen sur le marché coréen qui, en matière de mobilité, n’a rien à envier au Japon. D’autant plus que Samsung était en brouille avec Google depuis que la compagnie californienne avait fait l’acquisition de Motorola, un constructeur rival auquel Samsung craignait que Google accorde des passe-droits inadmissibles.

Mais ça, c’était avant que…

Deuxième présage : réconciliation entre Google et Samsung

Pour sceller le mariage entre Samsung et Google, et ainsi reléguer Tizen au rang de fiancée abandonnée au pied de l’autel sur une base permanente, il ne manquait plus qu’un obstacle à franchir : le divorce avec Motorola.

Le 27 janvier, Google et Samsung annonçaient une vaste entente de partage de brevets qui couvre non seulement la propriété intellectuelle que les deux entreprises possèdent déjà, mais aussi à peu près tout ce qu’elles développeront au cours des dix prochaines années.

Ce qui, si vous voulez mon avis, ressemble beaucoup plus à un mariage qu’à une simple entente commerciale.

Les avantages d’un tel partenariat sont multiples. Bien sûr, il y a la protection mutuelle contre les innombrables poursuites en violation de brevets qui infestent l’industrie depuis quelques années. Le possible armistice entre Samsung et Apple pourrait bien, d’ailleurs, être à la fois une cause et une conséquence du rapprochement entre Samsung et Google.

Mais du côté de Google, il se pourrait fort bien que l’on ait finalement admis qu’Android ne pouvait pas se passer de Samsung, dont le flirt avec Windows Phone et l’implication dans Tizen démontraient un esprit d’indépendance pour le moins inquiétant quand on considère que le géant sud-coréen est le seul manufacturier d’appareils Android qui soit profitable.

Pour sceller le mariage entre Samsung et Google, et ainsi reléguer Tizen au rang de fiancée abandonnée au pied de l’autel sur une base permanente, il ne manquait plus qu’un obstacle à franchir : le divorce avec Motorola.

Coup de théâtre : Google vend Motorola à Lenovo

Surprise! Trois jours après l’entente avec Samsung, Google cédait Motorola à Lenovo pour une fraction du prix auquel elle l’avait acheté il y a deux ans.

Passons sur les disputes entre analystes concernant la valeur du groupe de recherche de Motorola que Google conserve, les ententes de propriété intellectuelle et les considérations fiscales qui font que la transaction constitue une perte en capital plus ou moins grande pour Google. L’important, c’est que Samsung constitue maintenant le partenaire #1 d’Android, en droit autant qu’en réalité.

Ce qui ressemble étrangement à ce que Samsung voulait depuis le début.

Conclusion

Mais ça ne sent pas bon. Et si j’étais un ingénieur de chez Samsung qui venait de passer 2 ans à développer Tizen, j’aurais la sérieuse impression de m’être fait berner.

Il ne semble plus y avoir beaucoup d’avenir pour Tizen. Samsung, l’un de ses deux développeurs, a fermement enlacé Google et Android pour dix ans. NTT Docomo, le seul fournisseur de services japonais sur le conseil d’administration de Tizen, n’y croit plus. Et surtout, je vous le rappelle, pas le moindre appareil roulant sous cette plateforme n’a encore été annoncé.

Bien sûr, il n’est pas impossible que Tizen se trouve une «troisième voie» quelque part, en Chine ou dans d’autres marchés émergents. Mais ça ne sent pas bon. Et si j’étais un ingénieur de chez Samsung qui venait de passer deux ans à développer Tizen, j’aurais la sérieuse impression de m’être fait berner.

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