AlphaGo, pour des jeux moins idiots

Le dernier bastion de l'intelligence humaine est tombé. Du moins, c'est ce que veulent nous faire croire les technovangélistes de tout poil et les gens de DeepMind chez Google, propriétaires de l'équipe de développeurs derrière AlphaGo, un programme qui vient de battre un maître du jeu asiatique ancestral.

Longtemps considéré comme l’ultime forteresse de l’intuition et de l’intelligence humaine en raison du nombre astronomique de coups possibles, le go rejoint ainsi les échecs comme domaine où l’ordinateur s’impose, 20 ans après Deep Blue et la défaite crève-cœur de Gary Kasparov.

La conception d’AlphaGo pourrait avoir des répercussions importantes dans le monde du jeu vidéo.

Au-delà des questions d’intelligence artificielle et de lutte pour la survie de la race humaine devant des machines sanguinaires – la question a déjà été traitée récemment en ces pages –, cet exploit d’AlphaGo signifie principalement deux choses. D’abord, que le deep learning, ce type d’apprentissage inculqué aux machines à l’aide d’algorithmes, continue de porter ces fruits, et ensuite, que la conception d’AlphaGo pourrait avoir des répercussions importantes dans le monde du jeu vidéo.

Nous sommes venus pour apprendre

Ce qui sépare principalement le deep learning des autres méthodes de programmation informatique, lorsque vient le temps de s’aventurer dans les terres accidentées et dangereuses de l’intelligence artificielle, est cette capacité d’apprentissage autonome développée au fil du temps par un programme informatique. 

Si l’on s’épargnera les subtilités de la chose, il suffit de savoir que Google, Apple, Facebook et Amazon ont tous investi des sommes considérables dans cette branche de la recherche informatique, histoire, entre autres, de mieux gérer qui leurs inventaires, qui leurs services numériques.

Cette capacité d’apprendre par soi-même, sans qu’une armée de programmeurs ne s’escrime jour et nuit pour taper des lignes de code, ou que Jeff Goldblum ne doive inculquer le désir de la viande animale à une machine, dégage un peu l’horizon pour les créateurs de jeux vidéo. Ces derniers, confrontés bien souvent à des exigences toujours plus élevées de la part des patrons de studios et des joueurs, sont effectivement appelés à concevoir des univers qui se veulent plus réalistes d’année en année, particulièrement chez les titres AAA. 

Après tout, programmez des personnages non joueurs (PNJ) à la va-vite dans un jeu, qu’il s’agisse d’un allié, d’un ennemi, ou d’un simple badaud, et la chose se remarquera rapidement. Qui n’a jamais pesté contre une mission d’escorte où la fragile personne en danger se retrouve coincée dans un mur? Pendant longtemps, la méthode consistant à «programmer» l’intelligence artificielle d’un jeu consistait à simplement abaisser les dégâts provoqués par le joueur, attribuer davantage de ressources à l’ennemi, améliorer la précision des tirs adverses… Bref, de tricher en imposant un handicap croissant à l’humain installé à son bureau ou dans son salon.

«Je crois que le prochain grand bond en avant de l’IA des jeux sera carrément une intelligence artificielle», lançait le rédacteur en chef du site AiGameDev.com, Alex J. Champandard, lors de l’édition 2013 de la Game Developers Conference.

Un aspect parmi tant d’autres

La route vers cette intelligence artificielle est toutefois parsemée d’embûches. Car comment départage-t-on cette IA de la création de l’univers de jeu comme tel? Les PNJ disposent-ils des emplacements physiques, des accessoires, des lignes de dialogue ou encore du scénario nécessaires pour agir en utilisant leur plein potentiel? Il est sans doute relativement simple de programmer les ennemis de SUPERHOT, par exemple, mais si l’on pense à The Witcher 3 : Wild Hunt, ou n’importe quel jeu open world, les possibilités sont soudainement beaucoup plus nombreuses, et les fautes, beaucoup plus apparentes.

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On n’a qu’à penser au système d’IA dynamique dans Skyrim, ou les microajustements que devra effectuer l’ordinateur dans Civilization V, par exemple. Oui, il existe des paramètres définis que les programmeurs pourront établir comme inviolables ou immuables dans un jeu, mais la nature du jeu forcera l’ordinateur à s’adapter. Et qui dit «capacité d’adaptation», dit «capacité d’apprentissage».

Lorsque Gary Kasparov a perdu contre Deep Blue, en 1997, le logiciel développé par IBM avait «simplement» calculé, pour chaque coup, l’ensemble des combinaisons possibles et déterminé la position offrant le plus grand avantage pour lui-même. Pas question d’intuition ou de stratégie-surprise : il s’agit de passer à travers toutes les réponses à un problème, tout simplement. Le processus est relativement complexe, mais en raison du nombre relativement petit de positions des pièces sur un échiquier, il aura simplement fallu attendre qu’une machine soit assez puissante pour effectuer plusieurs millions de calculs à la seconde, bien plus rapidement qu’un être humain.

Pour le match d’AlphaGo – et pour les jeux vidéo complexes –, la solution est différente. Ces situations requièrent un apprentissage à partir d’informations incomplètes, et donc une révolution en matière d’adaptation à des situations nouvelles.

Wô les moteurs!

Photo : Deep Mind
Photo : Deep Mind

C’est également là où l’utilité d’AlphaGo atteint, pour l’instant, ses limites théoriques du point de vue des adeptes de jeux vidéo. Car c’est une chose d’être programmé pour apprendre dans le but de battre son adversaire à tout coup dans le contexte particulier d’un plateau de go. C’en est une autre de savoir non seulement gérer un monde complet et complexe peuplé de divers personnages, mais aussi d’être en mesure d’accepter de perdre pour offrir au joueur une expérience intéressante. Après tout, s’il serait possible de présenter une IA capable de constamment modifier son comportement pour contrer le joueur à tout coup, qui voudrait d’un jeu où il est impossible de gagner?

Qui voudrait d’un jeu où il est impossible de gagner?

D’ailleurs, la plupart des développeurs d’IA dans les jeux estiment se trouver en dehors de la sphère de recherche en intelligence artificielle, les défis étant largement différents d’un domaine à l’autre. «Pour plusieurs jeux, cela veut dire que l’IA devrait se comporter de façon prévisible et à peine intelligente, comme les ennemis dans Mario ou la plupart des jeux de tir à la première personne», estime Bruce Hill, qui a travaillé sur The Sims 4.

Qui voudrait d’un jeu où les ennemis n’agissent pas en ennemis, par exemple, et où l’expérience n’est jamais la même d’une partie à une autre?

Le site Gamasutra précise néanmoins qu’au fur et à mesure que les scientifiques peaufinent leur approche en matière d’apprentissage artificiel, les développeurs sont plus ouverts à l’idée d’intégrer le fruit de leurs recherches dans les jeux vidéo. 

Voilà donc où AlphaGo et ses algorithmes entrent en jeu. Oui, le système est actuellement programmé pour gagner à un seul jeu en fonction de paramètres bien précis, mais en s’inspirant de ses facultés d’apprentissage et d’adaptation, les développeurs seront en mesure de mettre au point de véritables sociétés numériques dans les jeux. Jeux de rôle, jeux de stratégie… même les jeux de tir à la première personne pourraient bénéficier des avancées en matière d’intelligence artificielle.

Encore faut-il que la conception graphique, la production sonore et l’écriture scénaristique suivent le rythme!

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